La vie ordinaire des gens sur la terre – à propos de Sud, d’Antonio Soler (Rivages, 2022)

Que ceux qui cherchent des histoires lénifiantes ou édifiantes passent leur chemin ; des histoires avec une morale et de la justice aussi ; des personnages bien typés « gentils » ou « méchants », tout autant. Pas de critique sociale dans « Sud », en tout pas de celles bien appuyées sur les repères classiques déclinant l’évangile selon Marx, Jésus ou n’importe quel autre prophète. « Sud » narre la vie ordinaire de gens ordinaires dans un pays ordinaire occidental. Dans une de ces démocraties comme les haïssent les Poutine, Xi Ping et autres Khamenei, parce qu’elles façonnent selon eux des dégénérés, alibi bien commode pour escamoter leur haine fondamentale de l’Autre, un Autre sensé s’incarner chez nous dans ce qu’on appelle « les Droits de l’Homme », lesquels révèlent immanquablement aussi la part d’ombre de chacun. Or le roman est une des formes que peut prendre cette révélation.

« Sud » est l’histoire ordinaire d’un groupe de gens plus ou moins disparates, plus ou moins liés entre eux (mais c’est sans grande importance) un unique jour d’été dans le sud espagnol, terrassé par le « Terral » un vent sec et chaud passant pour rendre apathiques ceux qui le subissent. En réalité les personnages de Sud sont tout sauf apathiques, tant le livre les cueille au niveau pulsionnel. « Sud » en cela est tout entier un roman sur les pulsions et la manière dont chacun d’entre nous devons nous en débrouiller pour ajourner sans cesse le risque d’annihilation. Femmes, hommes, adolescents, voyous, médecins, avocats, coureurs à pied, chanteurs, guitaristes à la manche, paranoïaques délirants, vieillards déclinants, tous sont pris dans les fracas assourdissants de leur vie propre en se démenant pour la poursuivre. Chacun bourreau de soi-même et des autres, chacun victime de soi-même et des autres, parfois à la recherche d’une impossible rédemption, au bord de leurs illusions perdues. Une vie incandescente sans cesse ravivée par le « Terral » qui s’achève ou se prolonge sans morale claire pour en tirer du sens.

On retrouve évidemment dans « Sud » les échos de l’Ulysse de Joyce, (dont Soler est un grand admirateur et qui est d’ailleurs cité dans le livre), y compris dans la grande tirade finale qui n’est pas sans évoquer le monologue de Molly : une scène qui embrasse (et embrase) une dernière fois tous les personnages de l’ouvrage en explorant dans chacun d’eux la ligne ténue qui les relierait les uns aux autres.

« Sud » se distingue aussi, et peut être avant tout par sa qualité d’écriture, empruntant (comme chez Joyce) à différents styles, passant de la narration distanciée, au polar, à la romance, à l’ironie légère ou accentuée et aussi à la pornographie la plus aiguë, dans une virtuosité imaginative et descriptive impressionnante. Le livre est de ces œuvres rares qui laissent le lecteur sensiblement différent de ce qu’il était avant sa lecture et vaut quelques séances chez le psy du coin…

Les personnages de « Sud », une fois la lecture achevée, ont du mal à vous quitter, sans doute parce que toute vie ordinaire est en réalité extraordinaire quand on sait la lire et l’interpréter. Pas de vérité générale qui s’exhalerait du texte ici, juste la vérité de chacun sous sa condition humaine. Oui, il y a dans « Sud » une profonde réflexion sur nos vies sécularisées de moins en moins en moins bordées par le détournement et la canalisation pulsionnelle que provoquaient les différentes religions monothéistes ou les idéologies qui en découlaient, chargées d’organiser le bonheur terrestre ou supraterrestre.

Sans doute sommes-nous seuls sous un ciel vide. Il est peut-être inutile de s’en réjouir comme de s’en désespérer… Tant que nous pouvons poursuivre la route.

Introduction à la lettre des Collègues Israéliens

« On a été tétanisé par l’idée qu’on pouvait être intolérant et du coup nous avons toléré l’intolérable »
Elisabeth Badinter

Le texte ci-dessous, qui nous est parvenu de nos collègues israéliens, témoigne de l’horreur perpétrée par le Hamas. Le refus de nommer les auteurs de ces actes déshumanisés « terroristes » est un déni de la réalité qui tente de minimiser voire d’excuser la barbarie, et indirectement participe à la déshumanisation.

La Fedepsy, en diffusant la lettre de nos collègues, vise, comme toujours, à nous interroger, nous psychanalystes, comment combattre la déshumanisation qui prend de l’ampleur dans nos sociétés.

Cette interrogation est à faire dans tous les domaines : historiques, sociétaux, sociaux, politiques, techniques, biologiques et dans l’organisation du travail.

La lutte contre la déshumanisation est un gain sur les destins pulsionnels autres que la haine, la violence, et la désobjectalisation.

Jean-Richard Freymann et Liliane Goldsztaub

 

Lien vers la Lettre de la Société Psychanalytique en Israël :

https://fedepsy.org/wp-content/uploads/2023/11/Lettre-de-la-Societe-Psychanalytique-en-Israel.pdf

La vieille dame et les chiens

Bruno BEUCHOT est psychologue clinicien au Centre Psychothérapique de Nancy, et exerce la psychanalyse en libéral. Il a été chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Nancy ainsi qu’à l’Institut Régional de Travail Social de Nancy. Des articles et interventions jalonnent son parcours depuis plusieurs décennies.

Charlotte for ever

C’était au temps où Serge Gainsbourg chantait Charlotte for ever (au début des années 80). Je la revois encore, le geste ample, le cigarillo à la main, citant Freud d’une voix tonnante dans sa critique de La naïveté du comportementalisme[2] et dessinant, au tableau d’une salle de l’Institut Goethe de l’Université de Strasbourg, son schéma des actes[3], un pentagone, produit de L’entraînement mental, avec en son centre un personnage à la Chelon coupé en deux à hauteur de ceinture, pour représenter la division subjective du sujet entre le comportement (les phénomènes de surfaces visibles) et la structure
Elle nous enseignait cela : alors que les vieux livres de psychiatrie étaient jadis remplis de paroles de patients, ceux que l’on trouvait aujourd’hui étaient remplis de statistiques et de diagrammes pseudo-scientifiques. Le DSM 5, (à l’époque ce n’était encore que le DSM 4) et son système de classification consolident l’insistance sur le trouble de surface et sa visibilité. Ce paradigme[4] comportemental, triomphant de nos jours, fondé sur le trouble, mène à la disparition de la distinction entre symptôme et structure ! De sorte que, tout aspect de la condition humaine pouvant devenir un trouble, le sujet devient moins une personne à écouter qu’un objet à traiter… La spécificité de son histoire étant souvent évacué, au profit des caractéristiques comportementales externes. Les symptômes sont comptabilisés plutôt que de se demander comment le patient les traite alors qu’il s’agirait plutôt de faire émerger la logique de ce que les sujets disent de leur expérience, le traitement devant s’adapter à la singularité du patient. Dès lors, le diagnostic clinique ne saurait se poser seulement sur les comportements extérieurs et les caractéristiques de surface mais, au contraire, il doit se fonder sur la façon dont le langage les articule. Le diagnostic ne peut être posé à partir d’une classification externe du comportement mais uniquement à partir de ce que la personne a à dire de ce qui se produit dans sa vie en prenant au sérieux la position qu’elle tient dans son propre discours[5].

À cette époque, son premier livre, La vieillesse : une interprétation psychanalytique, n’avait pas encore paru. Pour illustration de cet enseignement de Charlotte Herfray qui fait encore effet je vous transmettrais un cas qui m’a été exposé lors de séances de supervision au cours de l’année 2008 et qui relate le suivi psychologique[6] d’une femme de 70 ans, enfant durant la Seconde Guerre mondiale. Vieille dame chez qui nous avons découvert que sous ses T.O.C faisaient retour, au soir de sa vieillesse, avec son cortège de manques et de pertes, les frontières de l’aube de son enfance…
C’est son médecin généraliste qui nous l’avait adressée[7] devant les limites de son traitement antidépresseur[8].
La première partie de ce travail intitulée « Le malheur du chien : histoire de la maladie en forme d’obsession » sera consacrée à la description clinique de la maladie de Mme M avec un souci d’une sémiologie de l’obsession et de son évolution basée sur une clinique de la langue, qui à l’époque enseignèrent peut-être à l’apprentie psychothérapeute qu’il ne fallait pas confondre les formes de surfaces symptomatiques (obsessions, phobies) avec ce qu’il en est de la structure tant en matière de diagnostic que de traitement… Dans la seconde partie intitulée, « Travail d’interprétation et construction théorique » je tenterai de repérer, chemin faisant, la mise en scène de sa relation aux différents protagonistes de son histoire et les frayages de son obsession avec les événements cruciaux de son existence.

Quelle fut l’histoire et quel aura été le destin de la petite enfance jusqu’à la « vieille dame aux chiens » de cette femme ? Dès lors, il s’avèrera que le traitement de l’obsession du chien au-delà d’un diagnostic préalable de T.O.C passera par l’analyse d’un objet, peut-être signifiant phobo-mélancolique d’une position dans l’existence ?

« Le malheur du chien » : histoire de la maladie en forme d’obsession

Idée fixe et stratégie d’évitement

Lors de sa première rencontre, la psychothérapeute en herbe note : sa présentation coquette, et malgré son âge, on la croirait issue d’une illustration d’un roman d’enfance de La Comtesse de Ségur : blonde, les cheveux bouclés et le visage angélique d’une petite fille modèle qui n’aurait pas vu passer le temps, un visage souriant, mais un regard triste (?). Elle parle d’une voix très douce mais paraît, par instant, absente à elle-même.
D’emblée elle exprime une souffrance intense et des idées qui l’envahissent : « Je me sens paralysée par des idées qui m’obsèdent : je suis envahie par cette impression que le chien de mon nouveau voisin souffre et cela m’empêche de vivre… ». Je lui demande alors de me préciser en quoi peut bien consister cet « empêchement de vivre » ? Elle commence par évoquer ses angoisses recrudescentes à la tombée de la nuit, entre chien et loup : « Depuis l’arrivée de ce nouveau voisin… et de son chien… je me suis sentie très mal, vous ne pouvez pas savoir à quel point… depuis je ne peux plus rien faire et je n’ai envie de rien… j’ai même cessé mes activités : yoga et club de marche. ».
De sorte que pour tenter de résoudre la question de la vue et l’entente du chien sous son aspect pratique elle demande à son mari d’abord de déménager[9], puis à défaut de réaménager les pièces de sa maison : d’une part la pose d’un store occultant la vue du chien et d’autre part l’installation d’un double vitrage pour faire écran aux sanglots du même chien[10]… Cependant elle ne semble pas tout à fait persuadée de l’effet thérapeutique d’un tel réaménagement et me pose la question suivante : « Vous croyez que cela va changer quelque chose pour moi ? »

Un traitement spontané ?

Auparavant, elle avait déjà tenté de remédier à ses « idées obsessionnelles » très envahissantes, en prenant soin, des chiens de son voisinage : « Pour cela, j’ai fait connaissance avec mes voisins afin de leur demander la possibilité d’aller promener leurs chiens deux fois par jour aux mêmes heures : 10/12-14/16. » De surcroît, son intérêt particulier pour le bien-être des chiens l’amène jusqu’à s’engager (sur le mode de la formation réactionnelle ?) à la SPA afin de défendre leur cause. Pourtant, elle se refuse, paradoxalement, à adopter un chien pour elle-même, craignant d’être assujettie à son manque : « Comment être sûre qu’ils ne manqueront jamais de rien » insiste-t-elle[11]. Dans cette configuration tout semblait se passer comme par un traitement spontané de son symptôme, si on peut dire. Madame vivait dans une relative sérénité domestique avec rémissions de ses obsessions.
Or, l’apparition de ce nouveau chien génère subitement une recrudescence des idées obsédantes sous forme d’inquiétudes quant aux conditions de vie du chien de son voisin. Jusqu’à la mener à un certain apragmatisme : elle délaisse les tâches domestiques et surtout des troubles anorexiques importants au point que le tableau clinique actuel montre une altération de l’état général avec une perte pondérale de 5kg en un mois. Par la suite, Mme M nous apprendra que cet état n’est pas nouveau mais évolue depuis une quinzaine d’années.

Un épisode clinique inaugural avec hospitalisation

Lorsque je lui demande des précisions, Mme M revient sur cet épisode inaugural dont elle garde un souvenir terrifiant : « J’étais proche de la mort. À l’époque mon corps parlait pour moi ». Il y a 14 ans (en 1994) à la naissance de ses idées obsédantes, déjà relatives au chien, elle a souffert d’une grave altération de son état général pendant 18 mois avec perte de sommeil et de l’appétit associés à une chute pondérale conséquente. Elle délaissait alors ses proches, famille et amis, s’isolait des jours entiers, n’accomplissait plus aucune tâche domestique et n’éprouvait plus aucun intérêt pour un quelconque loisir, de tel sorte que la vie lui semblait insipide et sans goût… Tout ceci la conduisant jusqu’à une hospitalisation… en réanimation. Elle fut alors corsetée pour son maintien corporel alors qu’elle ne pesait plus que 40 kg… Ses muscles ne pouvaient plus la soutenir. Le pronostic vital était engagé. Suivront quelques semaines d’hospitalisation en médecine interne avec à la sortie la nécessité d’une réadaptation fonctionnelle à la marche durant 8 semaines. Une prise en charge psychiatrique, qu’elle débutera en fauteuil roulant s’en ensuivra durant deux ans…
Mais elle précise « qu’aujourd’hui c’est encore pire, ma souffrance ne se voit pas. Mon mari ne sait pas pourquoi je viens vous voir, si je lui disais il me traiterait de folle, je sais que c’est bête mais je n’arrive pas à chasser ces idées… je ne pense qu’à ça : Le chien souffre… et je ne peux rien faire… ».
Ainsi, si son corps parlait bien à sa place dès l’épisode inaugural, dans cette logique on peut en venir à se demander à la place de qui ferait-elle parler la souffrance du chien d’en face ? Y aurait-il un lien en miroir entre les souffrances de son corps et les affres supposées du chien qui la renvoient à une impuissance obsédante et une impression folle « de ne pouvoir rien y faire »[12] ?

Les échos d’une scène traumatique ?

Je tente alors de la faire revenir sur les circonstances de naissance de ses idées obsédantes à cette époque et cet état critique[13] : « Cela a commencé avec l’installation de gitans sur un terrain vague près de chez moi, ils vivaient envahis de chien qu’ils maltraitaient régulièrement, je ne supportais plus de les voir et je m’inquiétais de savoir s’ils avaient assez à manger… »
Que pouvait-il y avoir d’insupportable pour elle dans la vue de ses chiens ? Une impression d’abandon ? Impression sous-tendue par une inquiétude pour leur supposée carence de soins et privation de nourriture ? Puis, elle surenchérit : « Un chien est venu mourir près de chez moi après avoir été battu par ces gitans ». De sorte que j’en viens à me demander si ce n’est pas cette scène d’agonie qui vient se constituer pour la patiente en scène traumatique et donner consistance à la « Grande obsession du chien[14] ». Obsession qui serait alors formulée dans le style d’un fantasme fondamental : « Un chien est battu à mort[15] » ?
Ainsi, je m’interroge sur le fait que cet énoncé pourrait condenser les questions de Mme M. Dans la première scène, la question portait sur son impuissance devant les chiens privés de nourriture, tandis que la seconde portait sur la question de la vie et de la mort du chien. L’énoncé de ces scènes ne sont-elles pas pour elle une façon d’articuler la question de la vie et la mort ? Cette question est-elle structurale, à la manière de l’obsessionnel, « Suis-je vivant ou mort ? » ou une question conjoncturelle relative à ses angoisses de vieillissement et son cortège de menaces ?[16]
Au travers de cette conduite d’évitement ne nous faudrait-il pas interroger l’insupportable sur lequel elle jette un voile : qu’est-ce qui est en jeu pour elle dans le regard du chien et sa tristesse supposée ? Est-ce littéralement « un regard de chien battu » ? Cette métaphore courante passe-t-elle dans le Réel de quelque chose de non symbolisé en rapport avec le chien battu à mort ? Est-ce un retour du refoulé ou au contraire un point de mélancolie abyssale ?
Mais au-delà va se poser la question de comment l’amener à parler de son histoire et de sa subjectivité au travers ou au-delà de cette idée fixe ? L’idée de « chien d’en face » serait-elle une niche de surdétermination signifiante ?

« La vie de chien du père » …

Quand je lui fais préciser les traits de son apitoiement pour les chiens, elle en vient à me dire : « c’est la tristesse que je ressens dans leurs yeux et leur regard m’afflige. » Ce trait « tristesse dans le regard » se retrouve dans la suite de ses associations, dans sa façon de parler de « la vie de son père », qu’elle va qualifier à son insu de « vie de chien ». De sorte qu’au travers du regard du chien, entre en scène par réflexion son propre regard sur la vie de son père. Elle poursuit ses propos teintés d’ambivalence : « Mon père disait qu’il préférait les chiens aux humains… il n’aurait jamais pu faire de mal à un chien[17]… ».
C’est donc sur le chemin de la quête du regard du père qu’elle rencontre le chien pour lequel celui-ci avait les « yeux de Chimène ». N’est-ce pas cette préférence, ce qu’elle suppose d’un choix d’objet chez le père (à son détriment ?) qu’elle reprend à son propre compte dans son symptôme ? Ainsi, ce symptôme ne constituerait-il pas aussi les traces d’identification au père ? Là où un père « ne ferait pas de mal à un chien », elle, ne se consacre-t-elle pas au « Souverain Bien » du chien[18] ?
La petite enfance du père commence sous le signe, selon elle, d’une scène domestique dramatique. Âgé de 2 ans il reçoit accidentellement une casserole d’eau bouillante sur la moitié de son corps, le torse et les membres inférieurs. À 5 ans, il se retrouve orphelin, chien perdu sans collier[19]. De plus, jeune homme, il est fait prisonnier de guerre en Allemagne, et puis enfin, après son retour, est atteint de tuberculose. Il en résulte qu’immédiatement ses enfants sont placés en foyer par précaution sanitaire. Ainsi, Mme M précise sur cette période difficile : « J’ai très mal vécu cette année, je n’avais aucun contact avec ma famille. »
On pourrait s’interroger sur l’exactitude de cet enchaînement de faits divers familiaux, reste cependant que c’est sans doute la version qui lui en a été transmise par son père et qui constitue alors peut-être son « Mythe individuel du névrosé[20] ». Ainsi, ce père aimé puis haï, est présenté comme meurtri dans sa chair, jusqu’à en provoquer le décès de ses parents par culpabilité, puis orphelin maltraité par son oncle paternel, enfin prisonnier de guerre… et pour finir bourreau de son enfance… Mme M ne nous raconte-t-elle pas là le chemin de croix de son père telle une passion christique ? Quelle pourrait-être la fonction de la mise en scène de ce Père humilié ? Le rendre plus humain au-delà des aboiements éducatifs et de sa férocité quotidienne qu’elle nous décrira par la suite[21] ?

Les retrouvailles du prisonnier de guerre

Elle en vient à me parler de son enfance et des retrouvailles avec son père, après trois ans d’emprisonnement de guerre en Allemagne alors qu’elle avait 5 ans : lors de son retour elle se souvient qu’elle lui dira un étrange « Bonjour monsieur ». Puis elle parle de sa joie de le retrouver. Que s’est-il passé pendant ces trois années d’absence du Père ? Interrogeons-nous avec la patiente sur le vécu de la mère et la fille durant ces années noires ? (Cette fois ces souvenirs vont être l’occasion pour elle de travailler la question de la privation et de la frustration… Privation et Frustration, lit d’une revendication et d’une dépression relative à la mère…

Une position dépressive de la mère durant la petite enfance de la patiente ?

Autrement dit comment la mère vivait-elle cette expérience, pendant la guerre, de l’absence du mari et du père auprès d’elle et ses enfants ? Dans quel désarroi de Mère courage cela la laissait-elle ? Qu’en transmettait-elle, à son insu à ses enfants, de cette expérience d’absence, de perte, d’éventuel deuil anticipé ? Est-ce cela qu’elle relève quand elle se plaint que sa mère ne s’occupait pas d’eux ?
En effet, elle se plaindra souvent d’un manque de soin et d’hygiène maternelle : « Ma mère ne faisait rien pour nous : nous n’avions jamais de vêtements, ni de ce qu’il nous faillait comme affaires scolaires. Je craignais le regard des autres, j’étais sale et couverte de poux et j’avais très peur qu’on le découvre surtout lors des visites du médecin scolaire… mes vêtements étaient sales et pas reprisés, ma mère laissait le linge plusieurs jours sans le rincer, elle le laissait pourrir…. Nous rentrions de l’école sans espérer avoir un goûter… il nous fallait nous-mêmes préparer le repas du soir. »
Ainsi, au cours des années de guerre, notre patiente ne se trouvait-elle pas sans recours sous le soleil noir d’une mélancolie maternelle ? Était-ce uniquement la conséquence de l’emprisonnement du père ? Ces souvenirs n’évoquent-ils pas comme l’arrière-fond de son épisode anorexique et cachectique, où la patiente se retrouve dans un état de déprivation analogue ? De sorte qu’aujourd’hui, quand elle se plaint elle-même de son apragmatisme, n’est-ce pas l’écho lointain de la difficulté de vivre de sa mère dans les années noires de sa petite enfance ? Dès lors sa nostalgie du père, son deuil impossible, n’est-elle pas celle que la mère a éprouvé dans ces années de Hilflosigkeit ? Alors, même si ce père était bien représenté dans la parole de la mère, (ce qui exclurait une occurrence de forclusion du Nom-du-Père ?) comment y était-il présent, sur quelle tonalité ?
Elle insiste : « Maman l’aimait, c’était son homme et elle aurait tout fait pour lui… mais elle ne nous protégeait pas de sa dureté. » Cette dureté du père, c’est ce qu’elle en retient par la suite, pour lui vouer une haine passionnée, le retour d’emprisonnement loin d’être un motif d’apitoiement de sa part, se développe une haine-amoration à son égard : « Je le haïssais et j’avais envie de le tuer. »

La jeune fille et son père

Qu’a-t-il bien pu se passer entre cette joie des retrouvailles et cette haine passionnelle qu’elle constitue par la suite ? Comment le désamour pour son père s’est-il opéré au cours de son enfance ? « Mes parents tenaient un commerce, je devais les aider, le matin avant de partir à l’école et le soir dès mon retour. Mes résultats scolaires étaient catastrophiques mais j’ai tout de même mon certificat d’études. »
En dépit de l’obtention de ce sésame elle déplore qu’elle fut dans l’obligation de se vouer exclusivement au commerce familial, obtempérant sans rechigner aux injonctions du père et dans le silence de la mère : « Quand j’ai eu l’âge, mon père m’a demandé de faire le service du Café, je devais toujours avoir un visage souriant sinon il me réprimandait sévèrement et j’avais très peur, il lui arrivait de m’humilier devant les clients… j’avais honte… j’entends encore ses hurlements. »
Elle relate son désir de quitter ses parents pour échapper à l’autoritarisme du père, elle projette de vivre chez son oncle maternel, où elle fait « des séjours de ruptures ».
La patiente va apporter spontanément deux récits de rêves dans notre travail.

Rêve de l’avortement : d’où viennent et où vont les enfants ?

« J’étais enceinte, je veux avorter alors je pars la nuit à la recherche d’un médecin que je ne trouve pas, je veux rentrer chez moi mais c’est impossible, il n’y a plus de moyen de transport pour me ramener chez moi. »
À partir des associations sur ce rêve, en passant de « l’attente de l’enfant » à « sa mort » dans l’avortement elle en vient à évoquer le décès d’un puîné lors de sa petite enfance : « J’ai perdu un petit frère à l’âge de 18 mois, il était malade, je ne me souviens plus de son nom, mais je vois encore sa chaise vide ». Notons l’identification « j’ai perdu » et non pas « ma mère a perdu » ; ce rêve permet dans notre travail de lever un coin de refoulement sur cet événement tragique de la vie familiale.
Lieu ou motif du refoulement que la patiente métaphorisera même un peu plus tard par le retour d’un autre souvenir : « Ma mère avait rangé dans un placard les vêtements du bébé mort. Ce placard devait rester fermé à clé, mais j’étais attirée par ce qu’il y avait à l’intérieur. Un jour j’ai voulu l’ouvrir, ma mère s’est mise en colère. Je ne comprenais pas… il ne fallait pas en parler. »
Puis, nouveau témoignage de la levée progressive de ce refoulement lorsque la patiente relate la retrouvaille du prénom de ce frère : « J’ai rencontré une personne qui m’a rappelé le prénom de mon petit frère décédé, il s’appelait Roland… mais je n’ai plus de souvenirs de lui. »
Justement la levée progressive de ce refoulement et le progrès de la cure ne pourraient-ils avoir désormais avoir pour nom « Roland » ? À la suite de cette séance, elle précisera : « Je me suis sentie très mal vendredi soir, en passant devant chez mon voisin j’ai entendu le chien sangloter, pleurer… j’ai passé un week-end difficile… »
Tendons l’oreille… l’angoisse surgit au travers de quelque chose d’entendu : « j’ai entendu le chien pleurer… ». Freud souligne justement quelque part que le « fantasme est une combinaison de choses vues et entendues ». De sorte que, n’y aurait-il dans cette insistance de l’entendu un fantasme à débusquer ? Que signifierait cette attirance morbide pour « les pleurs » et cette pitié exacerbée pour « le chien battu à mort » ?
Au travers de ces sanglots de la détresse de qui pourrait-il s’agir en vérité ? De sa propre mère endeuillée ? Des pleurs supposés de l’enfant agonisant ? De son Hilflosigkeit passé qui s’actualise ?
Le chien qui pleure s’il réveille des tendances maternelles ne réveille-t-il pas aussi la question de la perte de l’objet ? Plus précisément, la chute d’un objet du fantasme maternel ? Peut-être les sanglots du deuil obscur de Roland du côté de sa mère ? Ne touche-t-on pas là in fine au point de mélancolie de la patiente et à son propre statut d’enfant imaginaire dans le désir de l’Autre ?

En conclusion, au-delà, mon attention aux propos de la patiente recueillis dans une clinique de la langue et du signifiant m’a amené à entendre quelque chose sur La vie de chien du père présenté comme le Cerbère de l’Enfer de sa petite enfance. Pour en arriver à cette scène traumatique formulée dans l’énoncé : « Un chien est battu à mort ».
Ensuite, les ramifications de cette cristallisation signifiante nous ont porté à revenir sur l’éventuelle position dépressive de la mère de Mme M durant sa petite enfance : l’absence d’un mari prisonnier de guerre, son retour sous le signe d’un autoritarisme abusif et stakhanoviste, le deuil de l’enfant mort à 18 mois, les conditions de vie difficiles pendant la guerre puis dans l’air de famille de la vie commerciale d’un petit café restaurant qui se superposent…
Tristesse, privations, frustrations qui à la question structurale du manque chez la mère enchevêtrent la petite et la grande histoire des conjonctures, contingences et nécessités…
Ainsi, sous le signe du Chien ne retrouve-t-on pas toutes les fonctions et métaphores maternelle, paternelle, fraternelle encore à l’œuvre aujourd’hui dans son engagement pour la cause des chiens ? N’est-ce pas en quelque sorte, « l’os à ronger » aux frontières de l’aube de son enfance qui l’occupe au soir de sa vieillesse ?
En effet, la vieillesse avec son cortège de manque et de pertes[22], comme nous l’a appris Charlotte Herfray dans son livre, ne réveille-t-elle pas cette idée de Vie de chien de son enfance placée sous le signe de l’absence et de la maladie du père, de la tristesse et du deuil de la mère, des privations et frustrations (surtout orales) diverses de l’époque ? Les manques actuels liés à la vieillesse ne réveillent-ils pas cruellement les manques et privations de cette époque ? Comment continuer aujourd’hui à soutenir ce corps et ses manques au regard de l’Autre ?
Comment, en effet, quand sa propre mort se rapproche inéluctablement au travers de la vieillesse, la question de la mort réelle de Roland fait retour et questionne la survie de l’enfant imaginaire qu’elle fut dans le fantasme endeuillé de sa mère ? Et dès lors, comment laisser tomber cette représentation[23] par laquelle elle est comme tenue en laisse ?
Ainsi, au travers de ce qu’a pu être pour sa mère le deuil de Roland, « un chien battu à mort », ne tente-t-elle pas d’accomplir le deuil de l’enfant imaginaire qu’elle aura été dans le fantasme de sa mère… peut-être dans les « yeux de chien battu » de sa mère ?

  1. Psychanalyste, psychologue clinicien à Nancy, ancien chargé d’Enseignement à la Faculté de médecine de Nancy. ?
  2. Le comportementalisme dans sa naïveté qui ne fait que mettre en évidence le désir de se débarrasser du psychisme une bonne fois pour toute… écrit Freud dès 1925 dans la Selbstdarstellung. ?
  3. Charlotte Herfray, « Pour une théorie de l’Acte », dans La psychanalyse hors les murs, Paris, Desclée de Brouver, 1993. ?
  4. Voir Stuart Kirk et Herb Kutchins, The selling of DSM, The Rhetoric of scienin Psychiatry New York, 1992. ?
  5. Voir à ce sujet la magistrale analyse et synthèse de Darian Leader in What is madness ? Hamisch Hamilton, Londres,2011. (traduction française aux éditions Stylus, 2017, pp.50-54). ?
  6. Durant environ six mois à raison d’une séance hebdomadaire. ?
  7. Adressée par son médecin traitant, visiblement inquiet, Mme M alors âgée de 70 ans (née en 1938) est mariée et mère de deux fils de 45 et 42 ans, grand-mère de quatre petits-enfants, et se présente pour « avis psychiatrique » et « suivi psychologique », selon le courrier du médecin qui précise : « Altérations psychologiques avec troubles du sommeil, questionnement permanent et état pseudo-dépressif. Elle souffre de symptômes de la lignée névrotique allant en s’accentuant : pensées obsédantes, crises de panique sur fond de désintérêt, perte de l’élan vital, pessimisme avec tendance à l’isolement, enfin réveils précoces avec ressassements monoïdéiques ». ?
  8. Atarax et Séropram. ?
  9. Rêve de déménagement et cohabitationQuelque temps plus tard, l’idée du déménagement revient sous forme de rêve : « On déménage pour s’installer chez ma belle-mère … Mais c’est bête les rêves, on ne passait pas par la porte mais par les fenêtres, on tendait des fils qui s’effilochaient peu-à-peu… »Ce désir de déménagement concerne-t-il seulement cette difficulté actuelle ou ne serait-il pas le retour d’un vœu ancien lié à ses conditions de vie insatisfaisantes à une certaine époque de sa vie familiale ? Elle en profite, effectivement, pour se plaindre de sa situation d’hébergement, fruit d’un arrangement problématique : « Ma maison a été achetée par mes beaux-parents à la mort du beau-père, ma belle-mère vient rejoindre la vie de famille en habitant notre domicile. De ce fait je ne me sentais pas vraiment chez-moi. » La patiente souffrait en silence de cette situation : « Je supportais mal la présence de ma belle-mère mais je ne disais rien parce que je me sentais redevable de la forte contribution de mes beaux-parents dans l’acquisition de notre maison. » Cette cohabitation durera jusqu’à la mort de la belle-mère, qui durant toutes ces années supervise la vie de la maisonnée : « Ma belle-mère s’occupait de tout et me chapeautait dans mes tâches quotidiennes auprès des enfants, avec l’aval et le consentement de mon mari… Je me reproche désormais de n’avoir pas tenu tête à ma belle-mère, à l’époque cela ne se faisait pas… »Au-delà des us et coutumes d’une époque utilisée comme alibi, ne retrouve-t-on pas là, à travers ses accusations retournées contre elle-même une difficulté pour notre patiente de se positionner et prendre la parole pour les enjeux de son existence en osant affronter l’Autre ? Dès lors, comment cette femme pouvait-elle se situer avec cette belle-mère qui lui ravissait son mari et ses enfants ? Avec la complicité du mari ? Que restait-il dans cette relation de couple ? La patiente n’y trouvait-elle pas un étayage maternel qui lui aurait manqué par ailleurs ? ?
  10. Autant d’aménagements des différentes modalités symptomatiques d’arrangement à l’égard de la pratique de cette idée fixe, autant de stratégies de recherche et d’évitement d’un objet « phobique » ou envahissant ? ?
  11. Au travers de cette attitude quelque peu paradoxale la patiente ne nous indique-t-elle pas son rapport au manque, sinon son envers, un fantasme de complétude : « Il ne faudrait manquer de rien pour vivre… ou plutôt survivre » ? ?
  12. Peut-on parler à cet endroit d’identification au chien et surtout que supporterait-elle ? ?
  13. Ce que l’on pourrait peut-être appeler son « laisser tomber la vie » où l’on pourrait faire un rapprochement entre la névrose obsessionnelle et la mélancolie… ?
  14. Comme Freud parle de « La grande obsession des rats » à propos de Ernst Lanzer. ?
  15. Freud, S. « On bat un enfant (1919) », dans Névrose, psychose et perversion, Paris, Puf, 1973, p.219. ?
  16. Herfray Ch., La vieillesse en analyse : une interprétation psychanalytique, Paris, Desclé de Brouwer,1988. ?
  17. Ce constat nous rappelle une réplique de Zampano à la mère de Gelsomina au début de la Strada de F.Fellini, alors qu’elle l’interroge sur la possibilité d’apprentissage de sa fille auprès de lui : « j’arrive même à l’apprendre aux chiens… ». ?
  18. Dans ses énoncés n’interroge-t-elle pas à travers le manque d’humanité supposé de son père son manque d’aménité à son égard ? Ce qui convoque immanquablement l’entrée en scène du Père imaginaire : « J’entends encore sa voix, je suis encore sous la crainte de la présence de mon père. » ?
  19. D’après la patiente, cet accident traumatise ses parents : « Ma grand-mère en serait morte de chagrin et de culpabilité deux ans plus tard… puis le grand-père fut terrassé par une crise cardiaque deux ans plus tard. » ?
  20. Lacan, J. Le mythe individuel du névrosé (1952) Paris : Seuil, 2007. ?
  21. Ne se fantasme-t-elle pas en quelque sorte en « psychothérapeute du père » en faisant remarquer qu’elle aurait souhaitée lui poser des questions sur cette souffrance et les avatars de son histoire ? À cette étape de nos rencontres j’en viens à me demander si elle ne s’adresse pas à travers le travail qu’elle entreprend avec moi. Ne serait-ce pas une voie d’un transfert paternel ? En effet, n’est-ce pas là une façon de reprendre une conversation interrompue avec le père ? Le transfert, tout en s’adressant au sujet supposé savoir ne s’incarne-t-il pas aussi dans les autres interlocuteurs du passé ? ?
  22. Voir la sublime illustration dans le film de I. Bergman, Les fraises sauvages. ?
  23. S. Leclaire, On tue un enfant, Paris, Seuil, 1975. ?

Pourtant la lumière

Partout des ténèbres ?

Tout est sombre. Tout est crispant. Tout est glaçant. Au niveau national, international, planétaire, social, personnel, mis en abîme pour l’analyste par le discours des patients et analysants – réflexions d’horreur à l’infini.
La fonction du psychanalyste est de ne pas prendre au pied de la lettre, de se décaler, de lire les mécanismes en jeu ; décrypter que tout ceci n’est qu’une des formes du chaos perpétuel du monde ; se souvenir de l’intemporalité des messagers de l’apocalypse[1] ; se rappeler que la violence, l’agressivité, le pouvoir et son abus, sont indissociables des mécanismes psychiques et pulsionnels. Le tableau se révèle plus sombre encore, alors ? Les ténèbres ne sont pas qu’à l’extérieur, elles sont aussi et surtout au fond de chacun de nous ?

La question se renverse : comment est-il possible qu’il n’y ait pas que les ténèbres, la violence ? Comment est-il possible qu’existent des relations entre humains qui ne sont pas seulement utilisation, consommation, séduction suggestive, abus de l’un par l’autre ? Comment est-il possible qu’existe la rencontre ouverte, la présence généreuse ? Cela existe-t-il seulement ?
Je pense, j’espère, que chacun d’entre nous en a l’expérience, de ces moments de rencontre lumineuse. Sans l’appui de l’expérience, dans la seule réflexion à partir d’une certaine actualité, il y a le risque, voire il y aurait lieu, de douter de l’existence de la lumière[2].

Rappelez-vous, elle existe. Rappelez-vous, certains regards, certains sourires, quelques silences, l’une ou l’autre main tendue. Quelques paroles, même.
Rappelez-vous, la possibilité d’un souffle dans votre pensée, une brise qui fait danser les mots – au prix de quelques bourrasques parfois, soit. Rappelez-vous, le souffle jusque dans le corps, l’un peu de liberté – alors même qu’elle n’existe pas, vraiment ? –, l’ondulation du corps sous l’onde au cœur du lac, la cadence de la course qui fait résonner au plus profond du corps les battements de tambours immémoriaux, le mouvement de danse qui s’ouvre, s’envole, vous envole. Et – il paraît que ce n’est pas à la mode, tant pis –, le bruissement du corps sous la caresse de la main d’un autre, aimé.

Pas de côté
Vivre, malgré tout. Parler de psychanalyse, malgré tout

Vivre, malgré tout. Moment d’hésitation. En avons-nous le droit, au sens éthique ?
Avons-nous le droit de chercher la lumière, et même les plaisirs, voire le confort, alors que d’autres fuient balles et bombes qui les rattrapent au bout du compte ? Ne serait-ce pas égoïste, actes d’ignobles canassons mâchant et remâchant leur pitance, la vision obstruée par de vastes œillères opaques ?
Et à la fois une position infantile : se cacher dans sa bulle, son cocon ?
La lumière que j’évoque ne peut pas être fermée, refermée sur soi. Elle implique l’ouverture.
Il me semble qu’existe ou peut être construite une position – un certain courage, il faut le dire : chercher la lumière – la rencontre ouverte, la présence généreuse, le souffle de l’inspiration, etc. –, partout où elle peut se trouver ; chercher à créer de la lumière, partout où elle peut se créer. Pas d’œillères : contrairement à la réalité physique, ce n’est pas le soleil, mais l’intensité des ténèbres qu’il s’agit d’avoir le courage de regarder en face, et d’avoir le courage de ne pas se laisser fasciner, hypnotiser ni envahir par elles pour autant.
Alors, quelles que soient les ténèbres, la lumière créée ne se referme pas égoïstement sur soi ; elle irradie vers quelques autres, autour de soi. C’est peu ; parfois très peu. Mais ce n’est pas rien.

Parler de psychanalyse, malgré tout.
C’est un peu trop joli, mes histoires de lumière ; il ne suffit pas d’appuyer sur l’interrupteur, et encore faudrait-il le trouver.
Que se passe-t-il, lorsqu’il y a un peu de rencontre ouverte, un lien entre un humain et un autre qui n’est ni consommation ni utilisation ni abus de pouvoir ? On ne sait pas trop, il faut bien le dire. Il se passe un truc, mais quoi ? Ce n’est pas très consistant, cela échappe ; un malentendu, de la fatigue, cela a-t-il eu lieu, ou n’était-ce qu’un leurre ?

Changement total de perspective : je lis Daniel Arasse[3]. Il évoque des détails subtils de l’histoire de la peinture aux XIVe et XVe siècles, autour de l’invention de la perspective mise en lien avec des tableaux de l’Annonciation. Il construit des interprétations complexes et fines à partir des œuvres, de l’époque, de la vie personnelle des peintres. Pourquoi Fra Filippo Lippi a-t-il peint une petite boutonnière dans les plis de la jupe de « sa » Vierge ? – l’histoire en vaut le détour, je vous conseille d’aller la lire – Pourquoi Francesco Del Cossa a-t-il peint un escargot de taille apparemment monstrueuse à côté du pied de l’Ange ? Il interroge la présence d’un tissu rouge : une évocation des règles de la Vierge ? Mais la Vierge est d’une pureté absolue, et les règles sont la marque du péché d’Ève, donc la Vierge ne peut avoir de règles, mais elle ne peut être féconde si elle n’en a pas… Cette question a été l’un des grands débats de la fin du Moyen-Âge, opposant radicalement franciscains et dominicains, un débat théologique central, nous dit Daniel Arasse.

Son style me plaît : c’est ainsi que l’humain est humain. Dans sa capacité à s’intéresser à des points de détail (la boutonnière de la jupe et l’escargot géant parmi tant d’autres), à les discuter avec finesse et intelligence, à en construire une interprétation qui peut être tout à fait juste ou une pure spéculation, et peu importe ! L’essentiel étant le « peu importe », qui s’entend à chaque phrase de Daniel Arasse.
C’est dans le mouvement même de cela, mouvement de sa pensée et de sa façon ouverte et libre de la proposer à d’autres, que l’humain est humain.
À défaut d’une explication scientifique de la « lumière » évoquée, ceci en aura été une tentative d’illustration.

  1. Ces réflexions me sont venues après la journée de formation Apertura du 13 octobre 2023, et les événements du monde ces jours-ci.Lors de la formation, la référence aux messagers de l’apocalypse a été amenée très justement par Alain Vanier, avec une analyse intéressante et nuancée des diversités de position quant aux problèmes écologiques, entre situation effectivement préoccupante et fin du monde imminente annoncée, dans laquelle on peut repérer des mécanismes similaires à la forme de discours religieux qui sous-tend les annonces d’apocalypse à travers les siècles. ?
  2. À propos de lumière, je me permets de formuler que les échanges de travail avec Jean-Richard Freymann me rappellent, rencontre après rencontre, quelles que soient les ténèbres du moment, qu’existe la présence ouverte. ?
  3. Daniel Arasse, Histoires de peintures, Éditions Denoël, 2004. ?

À propos de « William Conrad », de Pierre Boulle

William Conrad[1], sous couvert d’un roman d’espionnage, est un grand livre sur l’influence et sur l’hypnose pratiquée à l’échelle des nations, une pratique qui, avec l’invasion russe en Ukraine et ses conséquences, revient sous les feux de l’actualité.

William Conrad est un jeune homme d’origine polonaise devenu un journaliste célèbre dans son pays d’adoption, l’Angleterre, en raison de ses positions patriotiques au moment de l’entrée en guerre de la Grande Bretagne contre les forces nazies. À tel point qu’on lui confie bientôt, au sommet de l’état, la rédaction d’articles encourageant l’effort de guerre et le patriotisme du pays. Il a fait ses études dans une prestigieuse université anglaise, son meilleur ami est un jeune idéaliste qui ne tardera pas à s’engager dans la lutte en Orient contre les Japonais et il est reçu et protégé dans un cercle très influent proche du gouvernement. Il paraît s’acquitter du rôle qui lui est confié, celui d’être propagandiste de la politique de Churchill avec brio et dévouement. Seulement en réalité William Conrad est un agent d’influence nazi dont la mission est de s’élever au sein de la hiérarchie anglaise pour la subvertir de l’intérieur. Une première étape impeccablement accomplie, puisque William Conrad est devenu tellement populaire qu’il reçoit de nombreuses lettres d’admirateurs et d’admiratrices de tout le pays.
Seul un homme, responsable d’un service secret, ne croit pas au personnage public de William Conrad et veut se persuader à tout prix qu’il est en fait un espion à la solde de l’Allemagne, bien qu’il peine à en trouver la moindre preuve. Malgré une surveillance accrue de son courrier, de son appartement et de ses fréquentations, il s’échine à le trouver suspect surtout parce que dans l’abondance de son courrier, il y a déniché une lettre retenant son attention en raison de l’inintérêt de son contenu. Un inintérêt qui porte précisément à suspicion : la lettre est alors confiée aux meilleurs cryptographes du Royaume afin d’en trouver le double sens…
Mais à l’annonce de la mort de son meilleur ami au combat, William Conrad décide de s’engager à son tour pour combattre les forces allemandes, en Afrique…

Le livre décline habilement tous les paradoxes du jeu de l’influence et de ses conséquences ; Conrad est l’arroseur arrosé : pour faire son travail d’espion, il doit fournir tellement d’arguments sur le fait qu’il n’en est pas un à la partie adverse, que son double jeu devient impossible à tenir jusqu’au bout et qu’il finit, presque à son insu, de faire le travail inverse de celui qu’on lui demande de fournir. D’un autre côté, le personnage persuadé que Conrad n’est qu’un traître, se met à inventer toutes les théories possibles du complot pour démontrer sa thèse y compris les plus fantaisistes : c’est précisément ce qui est anodin qui ne l’est pas, c’est quand on est sans histoire qu’on en a une, etc.

William Conrad, écrit en 1950, (alors que l’affaire Philby n’était pas encore connue) entraîne son lecteur dans le monde de la post-vérité où les frontières entre le vrai et le faux sont tellement brouillées que plus personne n’est capable de s’y retrouver, démasquant ainsi un des effets majeurs de l’influence (dont l’hypnose n’est qu’une forme mineure) : la confusion.
Ce qu’on a appelé le mouvement des Lumières, contemporain de l’essor de la démocratie, se donnait comme une entreprise de clarification usant de la raison comme outil essentiel. Force est de constater qu’entre la raison du plus fort et la raison du plus fou ou la facilité à rabattre la vérité du sujet sur celle des faits, l’obscurité, concomitante d’ailleurs du recul des démocraties, est en train de se propager dans le monde où la confusion soigneusement entretenue ne cesse de gagner du terrain.

L’auteur de cet ouvrage, Pierre Boulle, est quasi tombé dans l’oubli, victime du succès cinématographique de deux adaptations de ses livres (Le Pont de la rivière Kwaï et La Planète des Singes), ce qui a occulté l’importance d’une œuvre d’envergure, proche parfois de celle de Joseph Conrad (l’homonymie du nom du roman et de celui de l’écrivain n’est pas un détail) à bien des égards, prémonitoire des tourments de notre époque.

  1. Pierre Boulle, William Conrad, Julliard, 1950. ?

Le séminaire 2024 de Jean-Richard Freymann

« Genèse du discours psychanalytique (Quelle histoire !) par le retour à la clinique »

Coordination : Philippe Lutun et Liliane Goldsztaub

Argument préliminaire

« Les formations de l’inconscient vues d’aujourd’hui et les dialectiques symptômes-sinthomes »
Et si les hypnoses individuelles ne correspondaient pas à l’hypnose collective ?
Les réseaux sociaux sont-ils une somme de Mesmérisme ?

Vous êtes-vous demandé pourquoi la psychanalyse a si mauvaise réputation, après avoir été le fleuron de la psychopathologie ?
Le psychanalyste devient un résistant… sacré paradoxe pour notre conceptualisation !
Alors, on peut se demander ce qui dans la cure analytique est à ce point insupportable. Quoi dans l’inconscient freudien fait barrage, à un premier niveau, pour provoquer cette méfiance ? Et voici l’art du psychanalyste mis à rude épreuve, il va falloir faire de la psychanalyse, sans en dire l’intitulé. Bon exercice.
Réinventer la psychanalyse, sans en dire son nom.
On retrouve cet effort et je le crois indispensable, de nos jours.
Et pourtant, l’effort va être double.
Parce qu’aussi, il va falloir s’adapter aux sciences actuelles.
Ce qui fait épistémologiquement deux difficultés de taille. D’un côté, il va falloir « changer de vocabulaire » et de l’autre, il faut inventer une intégration actuelle dans les sciences d’aujourd’hui.
Alors on peut penser du côté des intelligences artificielles, repenser les concepts de temporalité et de durée, réarticuler le « post-traumatique », et surtout re-qualifier la question de l’Imaginaire.
Comment dire : le Symbolique est en dégénérescence, l’imaginaire manque d’image ; quant au réel, il est déconstruit par « l’irréel ».

Je suis le premier à penser (pour en avoir profité) que la science a fait des progrès inouïs, que si l’on vit, c’est que l’on profite des dites avancées scientifiques. Mais Diantre ! Où sont ceux qui sont présents pour l’après-coup de ces réussites ? Où sont ceux qui parlent de l’évolution de la longueur de la vie ? Où sont les échanges entre ceux qui trouvent, ceux qui soignent et ceux qui écoutent le lendemain des traumatismes ?
Et pourtant que de lumières ! Les réseaux sociaux sont des lieux permanents de trouvailles, des irruptions de jugements. Des trouvailles sans lendemain.
Eh oui, on a réponse à tout !
Que les générations précédentes ont failli !
On ne tire pas assez leçon de la réapparition de la guerre, ou des guerres…
Qui en parle… à part une chaîne de la télévision ?
On se berce de quelques clichés, d’un instant, et d’autre part on réinvente l’histoire ou on n’en tire que quelques séquences.
L’hypnose collective est instantanée, l’hypnose individuelle rétablit quelques instances, et la psychanalyse jongle avec ces instances.
Il s’agit de jongler avec de l’Autre, faute de quoi, il ne se passe rien de déterminant.
Le Mesmérisme passait une corde entre les individus, Puységur avait besoin d’un arbre, Freud avait nécessité d’un divan.

Jean-Richard Freymann, 22 août 2023

Attention nous ne pourrons pas nous taire sur le massacre des innocents du 7 octobre et toutes les horreurs qui ont suivi….

Programme : refaire l’histoire du Discours analytique

0. Noms du Père et non-dupes errent (cf séminaires de J. Lacan)

1. À l’envers : Symptôme et sinthome et les formations de l’insconscient (2 types de sinthomes). Cf Séminaires de J. Lacan.

2. Rêve et la cure analytique (cf écrits du congrès « Le rêve et la cure analytique »)

symptôme transitoire : la phobie du pigeon (cf « Les blasons de la phobie », revue Littoral 1)

S. Leclaire : Démasquer le réel / Psychanalyser

F. Perrier : le cas Gérard (séminaire 1971-1972).

Rêve post traumatique – hypochondrie. F. Perrier, La Chaussée d’Antin

3. Complexe d’Oedipe et métaphore paternelle (séminaire sur les formation de l’inconscient) et stade du miroir (Jacques Lacan). Cf séminaire FEDEPSY « Introduction à la psychanalyse » de N. Janel, J. Rolling, F. Riedlin et V. Stutz

4. Thanatos et Eros et la psychologie collective (La parole ou la mort de M. Safouan, Au-delà du principe de plaisir de S. Freud, séminaire et futur ouvrage de J-R. Freymann sur les fins de cure et les fins d’analyse).

5. Pourquoi la guerre ? Et les théories sur l’angoisse (séminaire sur l’angoisse de J. Lacan). Lettre de S. Freud en réponse à A. Einstein.

6. Les différentes conceptions des fins d’analyse (Souvenir de Léonard de Vinci, article de J-R. Freymann sur les fins d’analyse). « Les petits riens » de S. Freud.

7. Fonction et champ de la parole. Les différents niveaux de la parole. (cf Ecrits de J. Lacan et les correspondances de Fliess, Pfister et Marie Bonaparte)

8. Démasquer le réel. Le cas Jérome. (Serge Leclaire)

9. De l’Esquisse à la Ichspaltung (S. Freud). Cf La périphérie philosophique de la psychanalyse de J-M. Jadin.

10. Les 4 discours ou 5 : SIR, RSI, sinthome. Noeud borroméen (Lecture de Joyce par Lacan de Colette Soler). Cf séminaires de J. Lacan sur RSI, le sinthome, l’envers de la psychanalyse.

11. Les pulsions et leurs devenirs (séminaire de Liliane Goldsztaub avec Philippe Lutun). Cf Métapsychologie de S. Freud (destin des pulsions / sublimation-idéalisation)

Intervenants annexes : Liliane Goldsztaub, Philippe Lutun, Pedro Braccini, Guilherme Massara, Hervé Gisie, Claude Ottmann…

Bibliographie 

S. Freud (1910), Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, Paris, Puf, 2019

S. Freud (1915), Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968

S. Freud (1920), « Au-delà du principe de plaisir », Essais de psychanalyse, Paris, Puf, 2002

S. Freud (1933), « Pourquoi la guerre ? », Résultats, Idées, Problèmes I, Paris, Puf, 1984.

J.-R. Freymann, « L’advenir des fins d’analyse après Lacan », dans L’art de la clinique, Toulouse, Arcanes-érès, 2013.

J.-R. Freymann, Les parures de l’oralité, Strasbourg, Arcanes, 1994.

J.-R. Freymann, « Frères humains qui… » – Essai sur le frérocité, Toulouse, Arcanes-érès, 2003.

J.-R. Freymann, Les mécanismes psychiques de l’insconsient, Toulouse, Arcanes-érès, 2019.

J.-R. Freymann, Amour et Transfert, Toulouse, Arcanes-érès, 2020.

J.-M. Jadin, La périphérie philosophique de la psychanalyse, Toulouse, Arcanes-érès, 2023.

S. Leclaire, Psychanalyser, Paris, Seuil, 1968

S. Leclaire, Démasquer le réel, Paris, Seuil, 1971

F. Perrier, Les corps malades du signifiant, le corporel et l’analytique – séminaire 1971-1972, Paris, Inter-éditions, 1984

F. Perrier, La Chaussé d’Antin – Oeuvre psychanalytique (Tome 1 et 2), Paris, Albin Michel, 2008

J. Lacan, Écrits I et II, Paris, Seuil, 1999

J. Lacan, Autres écrits, Paris, Seuil, 2001

J. Lacan, Premiers écrits, Paris, Seuil, 2023

M. Safouan, La parole ou la mort, Paris, Seuil, 2010.

M. Safouan, La psychanalyse. Science, thérapie – et cause, Paris, Editions Thierry Marchaisse, 2013.

C. Soler, Lacan, lecteur de Joyce, Paris, Puf, 2015.

Revue Littoral, « Blasons de la phobie » (n°1), érès, 1981

« Frères humains…[1] » où êtes-vous passés ? Plus rien ne sera comme le 7 octobre 2023

Chaque fois que les « juifs » pourraient se sentir en sécurité dans le monde, à chaque coup, on les massacre, on les torture, on leur arrache le cœur et les tripes, on en fait des cadavres déchiquetés sans différence entre les générations, du bébé à la femme (fût-elle enceinte), les vieillards… et même les chiens !
Quel est ce monde que l’on croyait dans le « post » de quelque chose ?
Il y a le juif (Nachträglich), pour peu qu’il se soit posé quelque part, mais il y a tous ceux qui sont autour.
Avec tous ceux qui « veulent bouffer du juif » et ceux qui en sont fascinés.
Je me rappelle, cette phrase de mon père, où il reconnaissait les antisémites comme ça : « Mais, mon meilleur ami aussi est un juif ! »
Et voici concerné la place du juif : un « Tiers » de drôle de nature. Exclu, inclus et parfois neutre, présent ou retiré dans sa communauté.
À la question : mais pourquoi ces programmes répétitifs au cours des millénaires, pourquoi on en veut à ce petit état d’Israël que le concours des nations a mis des siècles à créer !
Étrangement Freud n’était pas très sioniste, il trouvait que ce retour aux sources des Hébreux – comme jugement d’attribution – n’était pas sans danger.
Ce qui ne l’empêchait pas de faire cours à l’Université d’Israël et d’essayer ses cours au Bnai-Brith de Vienne.
Le 7 octobre 2023 a été la trace du retour à l’archaïque de la Barbarie. Chaque assassin avait à son cou, un livret « comment on massacre pieusement »…
L’humanité ne va plus pouvoir se taire, ce n’est pas un choix politique : déchiqueter l’humanité de l’humain, ou le relaisser vivre avec ses contradictions.
Je me souviens de Lacan, quand il voyait quelqu’un en désarroi symbolique et au bord du délire (chez ses patients), il lui donnait à lire le livre de la Bible…
Humains ! Réveillez-vous, retournez au livre, à la culture, à la parole.
La psychanalyse ne survivra pas à la barbarie mais je me rappelle une phrase de Pierre Legendre, dans Le crime du caporal Lortie : « on n’a pas gagné la dernière guerre avec des mots ».

Bibliographie

S. Freud présenté par lui-même (1925), Paris, Gallimard, Poche, 1987

J-R Freymann, « Frères humains qui… » Essai sur la frérocité, Toulouse, Arcanes-érès, 2003

J-R Freymann, Les mécanismes psychiques de l’inconscient, Toulouse, Arcanes-érès, 2019

P. Legendre, Le Crime du caporal Lortie, Paris, Fayard, 1989

La Bible

  1. Poème de François Villon. Titre repris par Jean-Richard Freymann pour le séminaire et l’ouvrage, « Frères humains qui … » Essai sur la frérocité, Toulouse, Arcanes-érès, 2003. ?

Argent et psychanalyse : Notes sur l’absence de contrepartie financière dans l’accès à la clinique psychanalytique

Cet article est un extrait du mémoire écrit par Carolina Spyer Vieira Assad dans le cadre du Diplôme Universitaire « Bases Conceptuelles des Psychothérapies Analytiques », à la Faculté de Médecine de Strasbourg. [1]

1. Aspects politiques

« La psychanalyse n’est pas pour tout le monde ». C’est l’une des phrases que l’on entend lorsque le thème est lié à la possibilité de payer une certaine somme d’argent pour le traitement analytique – ce qui semble suggérer que la psychanalyse ne serait pas pertinente pour ceux qui ne peuvent pas se payer une contrepartie financière pour leurs séances. Dans cette optique, on se pose la question : l’argent doit-il être un critère de définition a priori dans le découpage entre deux groupes de personnes, ceux pour qui la psychanalyse est possible et ceux pour qui elle ne l’est pas ? Si nous répondons affirmativement à cette question, nous excluons, par avance, un grand nombre de personnes de la possibilité d’accéder à un traitement psychanalytique, nous cessons de parier sur une présence large et consistante de la psychanalyse dans la société, et nous nous affilions au maintien du statu quo excluant. (suite…)

Et si les hypnoses individuelles ne correspondaient pas à l’hypnose collective ? Les réseaux sociaux sont-ils une somme de Mesmérisme ?

Jean-Richard Freymann nous propose un argument préparatoire à son séminaire qui reprendra en janvier 2024. Il peut se lire encore comme des réflexions à mi-chemin entre le séminaire achevé de 2023, et le suivant annoncé, des jalons posés dans le cheminement qui se poursuit. Chaque jalon ouvre des pistes, la lecture est dense en ouvertures et enchevêtrements. Êtes-vous prêt-e à vous y risquer ?..

Vous êtes-vous demandé pourquoi la psychanalyse a si mauvaise réputation, après avoir été le fleuron de la psychopathologie ?
Le psychanalyste devient un résistant… sacré paradoxe pour notre conceptualisation !
Alors, on peut se demander ce qui dans la cure analytique est à ce point insupportable. Quoi dans l’inconscient freudien fait barrage, à un premier niveau, pour provoquer cette méfiance ? Et voici l’art du psychanalyste mis à rude épreuve, il va falloir faire de la psychanalyse, sans en dire l’intitulé. Bon exercice.
Réinventer la psychanalyse, sans en dire le nom. (suite…)

Place de la psychanalyse… c’est à quel sujet ?

Nicolas Janel est intervenu à l’ASSERC en mars 2023, en précisant sa thématique par le sous-titre : « Castration réelle chez le sujet par lésions somatiques ? ». Vous retrouverez dans cet article l’ensemble de son propos.

Je voulais interroger le concept du sujet en regard de la clinique d’aujourd’hui. Comme à l’Asserc on est en recherche, je vais m’autoriser quelques hypothèses. Ceci pour ouvrir peut-être quelques pistes de recherche. Vous pourrez alors me dire ce que vous en pensez, vous me direz si c’est délirant.

Lacan a apporté que le sujet en psychanalyse est un effet du signifiant. C’est un effet du signifiant suite à la prise dans le langage. C’est parce qu’on est pris dans le discours de l’Autre qu’on peut être sujet. Ce discours de l’Autre ne représente pas n’importe quel bain. C’est un bain symbolique. Et il nécessite de la coupure. C’est-à-dire que pour qu’il y ait du sujet, il faut un bain de signifiants avec des signifiants coupés les uns des autres. Cette coupure symbolique nécessaire est assurée par la castration symbolique. La fameuse castration ! Et cette castration symbolique est inscrite par la métaphore paternelle ou par les noms du père (en fonction du moment d’évolution théorique de Lacan.) (suite…)

Suivez-nous sur les réseaux sociaux