Merlin………. le psy ? Désenchantements et réenchantements du monde

Avertissement préliminaire :
ce « billet d’où ? » s’est écrit étrangement, éclats et échos de voix. Fermez les yeux, imaginez une grande scène blanche, deux comédien-nes s’avancent sur la scène, lisez le texte – rouvrez les yeux, donc, ne les fermez qu’en pensée –, entendez leurs voix résonner dans l’espace.
Ou… passez votre chemin.
Ou… écoutez la version mise en voix.

Un humain
enchanté-e – désenchanté – déchanter – réenchanter – faire chanter –
Merlin… l’enchanteur –
espèce… d’enchanteresse

Un psy (humain aussi, par ailleurs)
C’est quoi ce métier ?!
On me demande des solutions – le monde regorge de solutions, internet regorge de solutions, scrollez n’importe quel réseau social, défilent des solutions à tous les problèmes imaginables, et inimaginables, même ceux auxquels vous n’avez jamais pensé, et même ceux qui ne sont pas des problèmes… –, le psy répond qu’il n’en a pas, de solution.
On me demande de l’aide – le psy répond que ce n’est pas lui qui va aider, mais que le travail fait ensemble pourra apporter une aide – « peut-être », ajoute-t-il parfois, le nigaud.
Espoirs, fol espoir… – on déchante… – et à la fois, si l’on s’y met, au travail, quelque chose commence à bouger…

Un humain
enchanté-e – désenchanté – déchanter – réenchanter – faire chanter –
Merlin… l’enchanteur –
espèce… d’enchanteresse

Un psy
C’est quoi ce métier ?!
On se plaint – d’une famille imbuvable, de conditions de travail trop stressantes, d’événements difficiles, voire traumatiques –, le psy « entend » – il dit toujours qu’il « entend », cet imbécile, ce pantin inutile, n’est-ce pas ? –, il n’en interroge pas moins la part du sujet. « Où es-tu, dans ce que tu racontes ? De quelle façon y prends-tu part ? Qu’est-ce qui relève de toi dans ce qui se joue, qu’est-ce que cela remue en toi, à quoi de toi cela répond-il ? »

« Quelle est ta part dans le désordre dont tu te plains ? »[1]

Non seulement il n’a pas de solution à votre problème, le psy, ni même de réponse à vos questions, mais il en pose, des questions, vous interroge. Vous parlez, vous vous interrogez, un nouvel éclairage apparaît, et l’explication que vous vous étiez construite, l’histoire telle que vous vous la racontiez, ne tiennent plus, se démontent.
Que reste-t-il, alors ? Quels repères, quelle vérité ? Monde désenchantant, histoire désenchantée.
Réouvertures : le monde n’est pas clos, la vérité n’est ni unique ni univoque. Dans les brèches se dessinent peu à peu quelques-uns de vos mécanismes – ce ne sont pas ceux auxquels vous vous attendiez, les mobiles et motifs sont complexes, contradictoires, ambigus, ambivalents, sombres certains, l’humain n’est ni un ange ni un bisounours ni un super héros. Désenchantements… encore.
Et pourtant, à travers le repérage, deviennent possibles… un pas de côté, un assouplissement des rouages, une libération partielle de nos aliénations. Deviennent possibles… l’invention, la nouveauté, la création, la rencontre de l’autre. Magie de l’humain, l’humain réenchanteur.

Un humain
enchanté-e – désenchanté – déchanter – réenchanter – faire chanter –
Merlin… l’enchanteur –
espèce… d’enchanteresse

Et parler, parler, parler…
Le psy vous fait parler, et parfois il parle, rarement à vous, n’est-ce pas, toujours trop peu, mais il parle dans des séminaires, des interviews, sur internet, ou il écrit, et là il en a des choses à dire, à expliquer. Il tient de beaux discours, il construit des théories, complexes, précises, élaborées.
Rappelle-toi, le psy, tu m’as dit, il n’y a pas de vérité, pas de vérité unique. Rappelle-toi, tu m’as dit, c’est une façon de dire, il y en a d’autres, tu m’as dit, peut-être peut-on entendre autre chose derrière ces mots-là, tu m’as dit. Et même tu as dit, sur ta chaîne YouTube, je t’ai écouté, tu as dit, la parole n’est pas un outil que l’humain utilise et manie, au contraire l’humain est un effet de sa propre parole
et les discours, tu as dit, les discours sont des édifices, des constructions, artificielles et nécessaires, ils nous constituent, et ils nous enferment, ils nous permettent de construire tant de pensées, de réflexions, de connaissances, échafaudages jusqu’aux cieux, et parfois creux les échafaudages, creux, des prisons, des carcans, des slogans de mise à mort… de l’autre.

Que reste-t-il de la parole, alors ? Que reste-t-il à attendre de la parole ?

Un psy
enchanté-e – séduction, fascination, hypnose –, désenchanté – les leurres s’effritent –, déchanter – les malentendus grincent –, réenchanter – une rencontre, il m’a entendu-e ! –, faire chanter – suggestion banale, manipulation perverse
Merlin… l’enchanteur –
espèce… d’enchanteresse

Un humain
Que reste-t-il à attendre de la parole ?
Je t’ai écouté, le psy, et je vois la scène du monde, des discours enchevêtrés en tous sens, certains s’entrelacent, d’autres dansent, beaucoup s’étripent, s’étranglent, et la matière des discours, des brumes, denses compactes évanescentes évaporées.
Où sont les êtres, que sont les êtres, les humains, dans ce magma de poussières vrombissantes ? Ils ne sont que des effets, tu as dit le psy ? ils sont les ombres portées par les brumes de leur pensée.
Sur la scène du monde, parfois, deux ombres se voient, s’entendent. Prodige d’une rencontre, parmi les tornades de brumes.
Il faut jouer le jeu, le psy ? Il faut se lancer dans l’arène, dans les volutes de brumes, leur évanescence, leur opacité, leur densité suffocante, leurs tourbillons, il faut se lancer au milieu de tout cela, pour que le prodige s’accomplisse, parfois ?
Tu ne réponds pas, le psy, comme d’habitude tu ne réponds pas.

Un psy
enchanté-e – désenchanté – déchanter – réenchanter – faire chanter –
Merlin… l’enchanteur –
espèce… d’enchanteresse

Un humain
J’ai une réponse à ta question, le psy, « c’est quoi ce métier ? ». C’est quoi, ton métier ? Ouvrir dans les enchevêtrements de discours, et par la parole, avec la même matière brumeuse, brume parmi les brumes, ouvrir un espace dans lequel il sera possible que deux ombres se rencontrent.
Et il y a ce lien avec toi, le psy, il est étrange ce lien. Que me veux-tu, pourquoi m’écoutes-tu ? À regarder les enchevêtrements de brumes il m’apparaît un peu plus clair, aujourd’hui : un lien qui serait la trame même du lien, sans habillage. Un intérêt pour l’autre, hors séduction, hors parade imaginaire, hors suggestion, un intérêt comme cet espace ouvert, simplement cet espace ouvert dans les enchevêtrements de discours et de pulsions, un intérêt qui prend la forme précise d’un intérêt pour la possibilité que l’autre existe, respire, puisse rencontrer, danser, chanter. Vivre et aimer, disait Freud ? – Et oui, oui, travailler aussi… –
Le « désir de l’analyste », c’est comme cela que tu dis, n’est-ce pas, le psy ?

  1. S. Freud, Cinq psychanalyses, Paris, Puf, 1995. ?

Questions en écho au séminaire de Jean-Richard Freymann (séance du 14/03/2023)

Les deux « échos des séminaires » de ce mois concernent le séminaire de Jean-Richard Freymann du 14 mars 2023, et peuvent être lus en articulation : Claude Ottmann nous propose le texte de son intervention dans le séminaire, et Cyrielle Weisgerber tisse quelques questions, à l’intersection des réflexions amenées par les deux orateurs.

La précision de la présentation de Claude Ottmann, et la pertinence des élaborations de Jean-Richard Freymann dans son séminaire, me donnent la possibilité – la liberté ! – d’y aller à grands traits. Alors j’y vais !

À partir de l’exposé de Claude Ottmann :

Les apports de Lacan autour du nœud borroméen nous permettent de penser le point central d’un psychisme comme une espèce de nœud, une forme de nouage, que l’on peut nommer de différentes manières. « Nouage du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire » est une formule parlante ; une articulation de la part de réel (le chaos du monde, le chaos des autres et le chaos du corps, autrement dit les pulsions), et de la part de symbolique et d’imaginaire intriqués dans la parole et la pensée. Aucune expérience humaine, dès lors que l’humain parle, ne fait l’économie d’une de ces dimensions. Dans aucune expérience humaine, dès lors que l’humain parle, l’articulation de ces trois dimensions n’est une affaire aisée.
Alors le nœud rate, lâche, se rafistole. Au fond Lacan avance, et la clinique le confirme, qu’il y a toujours une forme de ratage, de bidouillage dans l’écriture du nœud ; au niveau de la mécanique psychique cela boîte toujours, d’une manière ou d’une autre. On pourrait proposer qu’un symptôme serait une forme de négociation de la difficulté de nouer : le noeud ne s’écrit pas dans sa forme « parfaite », mais moyennant un petit bidouillage, un scribouillage, cela fait à peu près l’affaire.
Un sinthome serait plus qu’un bidouillage : sans le « raboutage » (dit Lacan) par le sinthome, l’une des trois dimensions se délie des deux autres, voire les trois se séparent. Le sinthome s’avère nécessaire (à éviter l’autisme ou la folie au sens fort) lorsqu’il n’y a pas de possibilité de constitution d’un symptôme, nécessaire à éviter la déliaison, ou parfois à faire tenir ensemble à peu près à nouveau un psychisme qui part en morceaux (cf Joyce).

et par ailleurs…

dans son séminaire, Jean-Richard Freymann reprend l’idée que le symptôme ne préexiste pas à la cure psychanalytique, mais qu’il se constitue (comme formation de l’inconscient) dans son espace, en articulation avec la mise en place du transfert. Les difficultés présentes avant la cure, celles qui d’ailleurs amènent à une demande d’une forme d’aide, et parfois d’une analyse, sont plutôt de l’ordre d’inhibitions et d’angoisses.

Le symptôme se constitue dans le transfert : cela ouvre plusieurs pistes et questions :si le symptôme est un bidouillage-scribouillage de ce nœud, point central d’un psychisme, celui-ci est alors modifié dès le début d’une analyse, dès la mise en place du transfert ?

  • comment le psychisme tient-il sans symptôme à proprement parler, avant le début d’une cure ? Qu’est-ce qui tient lieu de scribouillage, ou de raboutage ? Deux possibilités (au moins ?) : nouage en trèfle, la personnalité comme équivalente à la paranoïa (cf l’exposé de Claude Ottmann), ou rafistolage par un sinthome qui peut prendre la forme d’un certain conformisme mimétique, une prise dans le discours ambiant (une espèce de prothèse de Nom-du-Père qui mimerait les mécanismes névrotiques, mais sans les permettre tout à fait par défaut de tiers symbolique, d’inscription de la perte…). Ce ne sont que des débuts de réflexion, il y aurait à poursuivre…
  • le nouage se constitue dans le transfert, dans l’adresse à un autre : cela vient nous rappeler que la constitution d’un psychisme se construit dans le lien à l’autre (les figures parentales dans l’enfance…). Un psychisme singulier comme nouage singulier relève du sujet, mais du sujet pris dans ses liens aux autres. Pas de subjectivité désirante sans lien à d’autres, voire pas de subjectivité désirante sans transfert, voire pas de subjectivité désirante sans transfert à un Autre qui a suffisamment cheminé pour supporter son propre manque (un Autre barré, dirait Lacan) ?
  • que se passe-t-il en fin d’analyse ?.. que devient le symptôme constitué dans le transfert ? Que devient le petit scribouillage ? Si le symptôme lâche quelque peu, quid du petit scribouillage ?

À propos du séminaire XXIII de Lacan, Joyce le sinthome, 1975-1976

Les deux « échos des séminaires » de ce mois concernent le séminaire de Jean-Richard Freymann du 14 mars 2023, et peuvent être lus en articulation : Claude Ottmann nous propose le texte de son intervention dans le séminaire, et Cyrielle Weisgerber tisse quelques questions, à l’intersection des réflexions amenées par les deux orateurs.

Séminaire de Jean-Richard Freymann du 14 mars 2023
Le cas Joyce ou comment se passer du père

Bonjour à toutes et à tous. Je remercie Jean-Richard Freymann de m’avoir accordé un temps de parole dans son séminaire « Du symptôme au sinthome » pour vous parler de cet étrange et difficile outil que Lacan a proposé à la fin de son enseignement : le nœud borroméen.

Les deux écrivains qui nous accompagnent dans ce séminaire, Philip Roth et James Joyce, ont dû faire avec un père carent, carent mais pas absent.
Le premier étouffait dans le monde d’une mère omniprésente ; de ce monde il a ex-sisté grâce à son œuvre littéraire et probablement grâce à la psychanalyse. Le complexe de Portnoy est un roman familial – celui de l’auteur – livré à un psychanalyste au cours des entretiens préliminaires. « Maintenant l’analyse peut commencer » dit ce dernier à la fin du roman. Dans sa vie réelle, Philip Roth a arrêté d’écrire quelques années avant sa mort pour relire sa production a-t-il dit, peut-être pour enfin se lire lui-même, pour faire le deuxième tour.
Il me semble que pour James Joyce l’émancipation s’est faite par le refus de la langue maternelle, plus précisément par le refus de la lalangue, cette langue privée que partagent les parents avec leur enfant, en même temps que les équivoques et jouissances phalliques qu’elle véhicule. De son œuvre ce n’est pas le discours mais la forme du discours qui a suppléé au défaut de nomination paternelle : Joyce incarne un rapport particulier au langage, celui d’une constante et drastique érosion du sens au cours de sa production littéraire jusqu’à arriver, dans l’extraordinaire Finnegans Wake (dix-sept ans d’ardeur pour ce dernier ouvrage !) à une lalangue créée par lui avec plusieurs langues ; une lalanglaise dira Lacan. Il parlera aussi de l’art-dire de Joyce ou du dire-sinthome de Joyce.
En 1975 Lacan a besoin de convaincre ses adeptes de la puissance de son nouveau mathème : le nœud borroméen. Le cas de Joyce lui donnera l’occasion de leur montrer comment s’en servir. Parmi les nombreux enseignements qu’on peut tirer du séminaire XXIII, j’en aborde seulement quatre aujourd’hui.

1. Le passage du complexe d’Œdipe au nœud borroméen

Le recours aux trois ordres du Symbolique, de l’Imaginaire et du Réel n’est pas nouveau, Lacan les avait introduits en 1953 (Conférence Le Symbolique, l’Imaginaire et le Réel), il les a ensuite utilisés tout au long de son enseignement. La nouveauté serait plutôt dans la bascule effectuée au détriment du complexe d’Œdipe ; en effet, il a tenté plusieurs fois de se dégager du cadre trop étroit de cette invention du père de la psychanalyse, notamment en novembre 1963 dans le séminaire Les noms du Père arrêté par l’IPA après la première leçon, et en 1973 avec l’autre séminaire Les non-dupes errent. C’est en 1975 (Séminaire XXIII, Joyce le sinthome) qu’il montre comment son nouvel outil pourrait supplanter à la fois le complexe d’Œdipe et l’ancienne nosographie Névrose-Psychose-Perversion.
La normativité du mythe œdipien était devenue trop gênante car ce sont justement les deux fonctions principales de la cellule familiale patriarcale qui étaient contestées, et le sont encore plus aujourd’hui, à savoir :

  • La normalisation sociale dans un monde où l’homme dominerait la femme ;
  • Et la normalisation sexuelle dans une hétérosexualité reproductive.

Peut-on y voir l’effet du dire que Lacan attribue à Freud, le dire selon lequel il n’y aurait pas de rapport sexuel ?
Par sa clinique, Lacan non seulement confirme ce dire mais en dévoile aussi la cause inaperçue par Freud : c’est parce que les humains parlent qu’il n’y a plus de rapport sexuel et aussi c’est parce que le rapport sexuel n’existe plus qu’ils parlent, et pas seulement pour se reproduire ! Dès lors le cadre œdipien ne peut qu’exploser, mais Lacan doit surtout éviter l’explosion de son école, l’EFP, École Freudienne de Paris.
La triplicité du nœud borroméen qui permet d’accueillir à la fois les triptyques lacaniens RSI et Père-Mère-Phallus ainsi que les freudiens Père-Mère-Enfant et ça-Moi-Surmoi ouvre le champ de la genèse du parlêtre[1], autrement dit du nouage de son nœud singulier. Lacan avait déjà remplacé Le nom-du – père par Les noms-du-père en indiquant qu’il s’agissait du Symbolique, de l’Imaginaire et du Réel, il lui restait à acter la bascule sans perdre trop de « ses » analystes. Je pose que c’est parce qu’il y a vu la possibilité d’un passage en douceur de l’œdipe vers le borroméen que Lacan a cédé à la demande insistante de Jacques Aubert d’étudier le cas de Joyce. La transition du trois familial vers le trois borroméen était devenue d’autant plus nécessaire qu’était apparue l’insuffisance de la fonction de nomination, qu’elle soit paternelle ou non[2]. Dans la nouvelle vision lacanienne, c’est le Réel qui impose aux deux autres de se nouer durablement à lui (on pourrait dire de se co-former à lui), mais la forme et la dynamique du nœud qui en résultent sont contingentes, elles témoignent de l’hystoire du sujet (avec un y selon le néologisme de Lacan), donc de sa liberté.

2. Le passage au trèfle

La chaîne borroméenne était déjà connue en tant qu’emblème des trois frères Borromée : trois ronds liés entre eux sans que l’un d’entre eux n’enlace un des autres (voir le Séminaire XIX, …Ou pire[3], voir aussi le document fourni). Lacan a insisté pour que nous jouions avec cette chaîne, la manipulation devant nous dégager de l’ornière de l’imaginaire menteur ; c’est parce que l’imagination ne suffit pas pour l’appréhender que cette chaîne favorise une avancée non imaginaire, non trompeuse[4]. Effectivement, une fois surmontée la frustration de ne pas pouvoir la manier en pensée, il est possible de suivre Lacan dans le passage au trèfle, un vrai nœud cette fois-ci (c’est-à-dire une seule corde formant un nœud), un trèfle obtenu par épissure, par mise en continuité des trois brins dans la partie centrale de la chaîne borroméenne à trois ronds (en rouge dans figure ci-dessous).

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La réduction de la chaîne en trèfle peut s’interpréter comme le passage de la représentation du sujet en tant qu’il est nouage singulier des trois ordres R, S et I, à la représentation de son phénomène, à savoir l’apparition faussement unifiée[5] sous laquelle nous le percevons, ce que nous appelons sa personnalité. Or, la continuité et la confusion entre l’imaginaire, le symbolique et le réel est aussi, en clinique, la psychose paranoïaque. Écoutons Lacan :

« Il fut un temps, avant que je ne sois sur la voie de l’analyse, où j’avançais dans une certaine voie, celle de ma thèse De la psychose paranoïaque dans ses rapports, disais-je, avec la personnalité. Si j’ai longtemps résisté à sa republication, c’est simplement parce que la psychose paranoïaque et la personnalité n’ont comme telles pas de rapport, pour la simple raison que c’est la même chose[6]. »

3. Psychothérapie versus psychanalyse lacanienne

Imaginons maintenant une fourmi circulant dans le sens ISR sur l’unique corde du trèfle : c’est le parcours du discours courant qui part de l’imaginaire, passe par la symbolisation et se cogne au réel avec lequel il doit composer, au sens de « faire avec ». C’est aussi le parcours de la psychologie (et de la psychanalyse post-freudienne ?) en quoi elle se distingue de la psychanalyse lacanienne qui, partant du réel des symptômes et des lapsus, passe par la symbolisation pour imaginariser et produire du fantasme… ou du sinthome. C’est le parcours inverse (RSI) qui imaginarise le symbolique du réel.

4. La direction de la cure avec le nœud borroméen

Écoutons Marcel Ritter à ce propos :

« L’écriture borroméenne permet de lire dans la pratique, c’est-à-dire dans le déroulement du discours tel qu’il est donné au psychanalyste de l’entendre, simultanément les différents points où la vérité est suspendue, coincée, et de repérer ainsi sa place. C’est en cela qu[e le nœud borroméen] est guide pour notre pratique au même titre que le graphe du désir[7]. »

Il existe donc un savoir-faire clinique avec le nœud, un savoir-faire du psychanalyste qui sait évaluer les relations entre les trois dimensions et peser leurs poids respectifs chez un sujet pour orienter la cure. Et pourquoi pas, un savoir-faire que l’analysant pourrait acquérir pour entretenir son nouage comme Joyce l’a fait. Lacan n’est pas parvenu à faire du nœud borroméen un langage clinique partagé par les psychanalystes. D’après Colette Soler il a buté sur la nomination des trois ronds car un mathème ne peut se construire qu’avec des lettres hors-sens, or les mots Imaginaire, Symbolique et Réel sont porteurs de sens, et des sens qui ne sont pas identiques pour chacun d’entre nous.

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Dans le séminaire XXIII, Lacan distingue deux façons de compenser la faille originelle dans le trèfle, deux façons d’éviter que le trèfle se dénoue et ne forme plus qu’un rond, qu’il s’agisse d’une autoréparation ou d’une cure analytique :

  • Si la cure a opéré à distance du lieu du défaut, il y a eu production d’un nouveau fantasme, avec le rond additionnel (en vert) qui se place à un autre endroit, différent de celui du forçage (figures de droite) ;
  • Si la cure a opéré au lieu du défaut, sur ce qui a été forcé, il y a eu réparation par un dire-sinthome, avec le rond additionnel qui s’est placé à l’endroit même où le trèfle-personnalité a été forcé (figure de gauche).

C’est ainsi que l’acte d’écrivain de Joyce a produit en même temps une œuvre littéraire originale et une préservation durable de l’intégrité de sa personnalité. Sa façon d’écrire, le perfectionnement et la pratique de sa propre lalangue, la publication et la réception de son œuvre sont les opérateurs visibles de la compensation du défaut originel. C’est par son œuvre qu’il s’est fait le nom qu’il n’a pas reçu de son père ; le sinthome succède au Nom-du-Père (au complexe d’Œdipe) dans la théorie lacanienne.

Concluons avec Colette Soler : « L’analyse qui réussit se passe du père, tout en se servant de ce qui le définit désormais pour Lacan, à savoir le dire-Père[8]. » Autrement dit, la psychanalyse peut se passer du père, celui de la métaphore paternelle indissociable du sexe et de la filiation, à condition de se servir de son pouvoir créateur qui réside dans le dire, le dire-sinthome doté du pouvoir générateur et réparateur d’un nœud borroméen, donc d’un sujet du langage.

  1. Parlêtre : Nom donné par Lacan à la partie du sujet barré non concernée par la jouissance, c’est-à dire au sujet de la chaîne dans laquelle un signifiant le représente pour un autre signifiant. ?
  2. Il ne suffit pas de se renommer pour pallier la carence d’un père et échapper à la psychose. Colette Soler fait remarquer que de grands psychotiques l’ont fait sans que cela ait paré à leur folie. Joyce a fait plus que se renommer, il s’est donné un nom qui a eu effet borroméen parce que son art, donc son art-dire, touche au langage. (Voir Lacan Lecteur de Joyce, Colette Soler, p.199) ?
  3. Leçon du 9 février 1972 « …il m’est arrivé, dînant avec une charmante personne qui écoute les cours de Monsieur Guilbaud, que, comme une bague au doigt, me soit donné quelque chose que je veux vous montrer, quelque chose qui n’est rien de moins paraît-il que les armoiries des Borromées. » ?
  4. Le nœud borroméen est une monstration [des liens RSI] à défaut d’être une démonstration (Marcel Ritter dans Écritures de l’inconscient) ?
  5. Dans une illusion analogue à celle de l’enfant qui se voit unifié dans l’image de son corps au stade du miroir. ?
  6. Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre XXIII Le sinthome, Paris, Le Seuil, 2005, p.53. ?
  7. Marcel Ritter, Écritures de l’inconscient, De la lettre à la topologie, Strasbourg, Arcanes, 2001, p.284. ?
  8. Colette Soler, Lacan Lecteur de Joyce, p.199. ?

« Hymen, trop hymen » – Réflexions à partir d’une lecture hystérique du « Tabou de la virginité » de Freud

Le genre de texte qui peut mettre l’ambiance, entre rire et rogne. Entre un Freud assez brut et un Freud bluffant qui coiffe notre époque au poteau. Un côté « grande tripière » d’habitude attribué à Mélanie Klein.
Est-ce bien raisonnable me dira-t-on en ces temps de sidération tous azimuts, de torpeur sociale, de malaise de la civilisation, et de bascule guerrière, de déterrer ces quelques lièvres, ces quelques marottes à première lecture un peu datées pour nous, alliant considérations anthropologiques d’avant Lévi-Strauss et pragmatisme clinique un peu brut de décoffrage ? N’est-ce pas mettre le feu aux poudres ?
Je crois que les poudres n’ont pas attendu pour prendre feu, sur fond de coups de boutoir sociaux-politiques, et que, au contraire, il faut pouvoir nommer les préjugés, les croyances immatures et la trame archaïque. C’est bien la maxime freudienne reprise à l’Enéide de Virgile : « Si je ne peux fléchir les Dieux d’en haut, je remuerai les Enfers »
Un préjugé, cela semble pourtant une évidence, ne se déconstruit pas uniquement en interdisant de le dire et en punissant, il se prend à bras-le-corps, en assumant un débat, une formation, en réinscrivant l’émancipation des femmes dans son histoire, et la longue traînée de violences faites aux femmes dans l’Histoire, au point que oui, pourra malheureusement se poser pour quelques-unes, la question de pouvoir encore cohabiter avec les hommes. Tout comme l’Afrique du Sud post-Apartheid, avec la commission « Vérité et réconciliation », ou le Rwanda où les Tutsis ont eu à cohabiter avec les Hutus qui avaient massacré leurs proches : cela demande un immense travail individuel et collectif. Et avant d’entendre que « les femmes en font trop », je conseille la lecture de Féminicides, Une histoire mondiale[1] de Christelle Taraud, avec en tête cette question : quelles retrouvailles, quelle alliance, quelle confiance, quel respect restent possibles après cela ? Bien des femmes et des hommes y travaillent et il ne sera jamais établi que remettre la part des femmes et relever la part du sexisme historique en lumière, soit une déclaration de guerre d’un sexe contre un autre. Malgré et tant pis pour celles et ceux qui instrumentaliseraient la revendication féminine pour régler des comptes avec la sexualité voire le désir, ou « canceliser » la culture, il me semble que le féminisme radical, même contestable, haineux ou stérile sur certains bords, n’a encore violé ni tué. En attendant, ce livre-somme, ambitieux, coordonné par Christelle Taraud ayant réuni à la fois des chercheuses, des artistes qui constituent l’Histoire et la culture, des figures internationales, du mouvement social, de la recherche, de l’art ouvre une nouvelle perspective à partir d’une profondeur, et d’une problématique en sciences historiques, ouverte à la discussion autour de ses enjeux : à reprendre certains évènements, de certaines représentations, pratiques ou coutumes, à partir de ce motif du « féminicide », se révèlent nombre de modalités restées refoulées, sous lesquelles s’est exercé et a perduré l’oppression spécifique d’un sexe dans toutes les cultures. La lecture de ce livre constitue une épreuve, l’épreuve d’une histoire inconsidérée, riche, variée et édifiante.

Il m’est avis qu’un séminaire sur la sexualité féminine qui prenne son temps de lire, de penser, de considérer la prise des psychanalystes eux-mêmes et de la théorie psychanalytique dans une culture patriarcale, au lieu de crier un peu vite au loup d’une revanche violente des femmes, relèverait un peu le niveau et œuvrerait à un dépassement.
Sinon quoi, l’idée est-elle d’admettre que l’émancipation des femmes participe dans le fond d’une dégénérescence du symbolique et de la civilisation ? Ou d’une nouvelle plainte hystérique, frigide, revancharde ou irresponsable alors que les temps sont durs ? Ne peut-on pas faire mieux que ça au regard de la situation des femmes dans le monde ? Ou quoi, faut-il considérer qu’un paternalisme éclairé constitue la fin de l’Histoire ou le moins mauvais compromis possible ?
Ce serait l’occasion de nourrir le nouveau pas nécessaire dans l’élaboration psychanalytique du sexe et du genre : à la fois ne pas lésiner dans la découverte d’une bisexualité psychique dont on ne parvient pas à faire signifier les potentiels et les implications au niveau théorique. Mais aussi reconsidérer ce qui tenait peut-être beaucoup à l’inscription culturelle dans une structuration sociale patriarcale et un certain rapport à l’irreprésentable : les tenants et aboutissants d’une assignation du sexe féminin à l’irreprésentable, le fameux irreprésentable du sexe de la femme, auquel tout le monde s’est prêté – passage alors peut-être théoriquement nécessaire dans la reconnaissance des femmes et de leur sexualité, mais qui, me semble-t-il est à reconsidérer au regard des évolutions actuelles. Et puis cette place, effective certes, mais attribuée souvent seulement au féminin du fait des représentations du génital féminin, et qui pour partie pourrait relever d’une construction à rouvrir et dépasser aujourd’hui : le « passif », l’oblativité, les fantasmes de viol, d’effraction. Si l’on décolle cela du génital féminin, ne découvre-t-on pas très vite des fantasmes présents chez l’homme aussi, a un stade bien plus tabou et angoissé ? Ce texte à sa manière, nous emmène sur cette voie.

***

« Le Tabou de la virginité », ce texte écrit par Freud en 1918, n’est pas aussi direct, bien qu’il y soit question de fantasmes d’une déception féminine potentiellement « tranchante » au premier rapport sexuel. C’est un texte peu connu, peu commenté, mais dont les commentaires soulignent la centralité et notamment dans le développement de ce champ d’élaboration entre anthropologie et psychanalyse[2].
Et c’est un texte étonnant pour nous aujourd’hui, qui permet de saisir un peu les mouvements contradictoires de Freud concernant ses représentations sur les sexes, les femmes et la sexualité féminine.
De quoi nuancer les travers rapides : justement Freud est inclassable, ni comme réactionnaire, ni comme révolutionnaire, ou un peu des deux, car ce n’est pas son objet, en tout cas pas son objet premier, même s’il a pu s’exprimer sur l’actualité et prendre position par exemple pour une psychanalyse accessible à tous et toutes. Son objet ici concerne les soubassements inconscients archaïques de nos peurs et des mœurs attenantes. Comme il le rappellera tout au long de son travail de fondation de la psychanalyse, elle vise en nous, ce dont « on ne veut rien savoir », ce qui a été refoulé pour être a minima civilisés : « La révolution freudienne découvre le symptôme comme un effet des exigences de la culture contre la satisfaction sexuelle[3]. » Pour les hommes et pour les femmes – mais pas de la même manière.
Et ce texte ne déroge pas à l’ambivalence de sa progression : entre la part où il méconnaît, si ce n’est ses fantasmes, peut-être les représentations parfois grossières pour nous aujourd’hui, avec lesquelles il aborde la sexualité et une psychologie féminine et la part où constamment, et c’est là qu’il fonde un savoir sur le réel et la condition humaine – indéniable aujourd’hui malgré tous les liquidateurs de la psychanalyse – et non une doctrine, Freud critique ses propres réflexions, en repère et considère d’emblée les éventuelles limites, énonce le potentiel illusoire de ses hypothèses. Ainsi, me semble-t-il, malgré certaines affirmations pyromanes de prime abord, il a le mérite d’exhumer des grosses ficelles qui constituent, qu’on le veuille ou non, le préjugé collectif de l’époque sur la sexualité féminine, et pour beaucoup encore aujourd’hui. Le texte de Freud s’appuie sur la clinique et ce dont les analysantes lui ont fait part… certes parfois sans doute, dans l’ignorance de la part de son propre préjugé paternaliste sur la sexualité féminine.

La progression du texte de Freud est en soi remarquable. Sous la forme d’une dérive libre au fil de la théorisation, il se réfère d’abord au savoir scientifique (Krafft-Ebing[4]) anthropologique (Crawley[5]) de son temps, pour poursuivre une autre énigme, que la vérité factuelle ou objective ne va pas résoudre, et même peut-être voiler : il n’y a pas de vérité factuelle objective, parce que le tabou ne se décrète pas. Il se transmet peut-être, mais ne se décrète pas. Freud traque la charge de jouissance du tabou, il cherche de quel insupportable ou impossible désir inconscient le tabou est l’effet et se répète, à l’échelle collective, singulière, même dans une société dite « civilisée ». Il revient ici sur Totem et Tabou, et précise : le but de ce texte n’est pas de revenir sur la nature du tabou qu’il dit avoir saisi de la manière suivante dans Totem et Tabou : le tabou est l’effet d’une « ambivalence originaire ». Où la question de l’inceste prend toute sa place. Mais aussi très certainement, la dimension d’une bisexualité transgenre.

La logique de progression de Freud ne relève pas d’une logique scientifique classique, mais elle met à jour la vérité de l’inconscient, la causalité psychique inconsciente, là où le tabou est effet du réel sexuel. C’est une progression éminemment psychanalytique : Freud passe de la référence scientifique à la clinique psychanalytique, pose sa thèse et approfondit encore par une référence littéraire, un auteur dramatique relisant l’histoire un passage de l’Ancien Testament. Entre littérature et Livre. Je vais essayer d’énoncer en quoi elle est éminemment analytique, mais d’abord, je voudrais souligner d’emblée que l’on perçoit ici que la logique analytique est subversive en elle-même : Freud ne passe pas d’un texte à l’autre par l’analogie. Il ne met pas en équivalence le discours de Crawley et la parole de Hebbel, ces deux textes relèvent d’une autre logique et Freud ne les confond pas, par contre il ne donne pas une prévalence sur le vrai à la science. La littérature est porteuse d’un savoir et d’une vérité, l’artiste outre de nous enchanter nous enseigne. Il passe d’un texte à l’autre parce que ces textes n’ont pas le même rapport à la vérité. Entre la vérité de Crawley, qui touche à établir une connaissance factuelle et objective, anthropologique, la vérité de la Bible, comme mythe organisateur des interdits et des lois, le théâtre d’un écrivain, Hebbel, qui à partir de son fantasme révèle quelque chose de l’origine sexuelle du tabou de la virginité – entre les trois, le passage par la question du « non rapport sexuel » selon l’expression lacanienne, très clairement saisissable ici, même si bien sûr ne pose pas le problème avec ces termes, mais en termes de castration.
Et ce faisant, néanmoins, il subvertit l’ordonnancement culturel dominant : il passe du « civilisé », qui n’est qu’à la surface des choses, pour suivre la piste et débusquer la causalité du côté du primitif. Ainsi, le mythique est plus proche de cette vérité que le factuel historique, car finalement il passe de l’histoire anthropologique, à la clinique, à la dimension biblique avec la référence à Judith et Holopherne, à la poésie – en quoi la Chose du mythe a plus d’effet encore dans l’histoire, dans la répétition historique que la mémoire historique objective des faits ? C’est sans doute que le mythe touche à la structure même du rapport au réel comme impossible ou irreprésentable. C’est aussi important de considérer cette part du savoir de l’inconscient si l’on a à cœur la condition féminine.

Freud finit donc par le singulier de l’œuvre d’art, la pièce de théâtre de Hebbel : là où est représenté et nommé l’enjeu sexuel de l’acte de Judith. Judith se sert de ses pouvoirs de séduction qui confineraient à l’envoûtement pour inviter le chef qui vient d’envahir et d’assiéger sa ville, à un rapport sexuel brutal et éprouvant pour elle, mais qui finira par lui être fatal à lui ; car elle, rassemblant est-il précisé ses dernières forces après un rapport sexuel violent, le décapitera. Nous sommes dans une réinterprétation du texte biblique, Freud le souligne ici, à partir des fantasmes de Hebbel lui-même, partisan identifié à la cause féminine.
Freud cite aussi rapidement une pièce sexiste sous tout rapport, appelée « Le venin de la pucelle ». Sollers, dans sa référence au texte de Freud, ajoute l’invitation à suivre le fil dans la culture, des pucelles célèbres et de ce que ce motif a pu véhiculer voire exciter dans la culture française notamment, avec Jeanne d’Arc, en tête de proue.

Ainsi va la progression des références. Revenons sur la progression problématique.
À l’époque de Freud, et de manière encore très répandue aujourd’hui dans le monde, la virginité concerne le privilège masculin : elle est traitée et considérée comme un bien voire un droit pour l’homme futur époux, avec un contrôle social plus ou moins important sur la validité du mariage à cet égard. Par ailleurs, Freud évoque ce que Krafft-Ebing énonce comme « sujétion sexuelle » qui serait majoritairement celle des femmes : l’épouse restera attachée de manière particulière à celui qui l’a déflorée… Le premier rapport sexuel possède le pouvoir d’assujettir de plaisir, la personne qui goûte pour la première fois à ce plaisir, et les femmes y seraient plus sujettes. Cela symboliserait une dépendance au futur mari.
Freud déloge vite cette hypothèse un peu idéalisée.
– Il se demande en premier lieu pourquoi dans ce cas, chez certains peuples de son époque aux pratiques « primitives », l’acte de défloration est au contraire évité par le futur époux et confié à un tiers souvent représentant institutionnel et/ou religieux. Et plus loin dans ce propos il précisera, avec sa rigueur habituelle : ce qui est « évité » de la défloration au futur époux, n’est pas seulement la réaction à une douleur qui serait infligée dans la réalité par la déchirure de la membrane, mais dans certains rituels, il y a une mise en scène de défloration au sens du coït par le tiers : le tabou ne porte pas seulement sur la peur des conséquences à infliger une douleur physique, mais relève d’une potentielle blessure narcissique ainsi que d’une problématique des effets de connaître un rapport sexuel pour la première fois. À cet égard, il élimine plusieurs hypothèses comme insuffisantes : le tabou de la virginité pourrait être dérivé ou articulé à un autre tabou, celui du sang, notamment par la question des menstruations ou du sang de la défloration. Freud souligne en effet que de nombreux peuples primitifs craignent le sang, et que nombre de conduites et rituels tournent autour du tabou du sang, qui symbolise aussi la mort. Mais cela ne suffit pas.
– Deuxièmement, c’est sans compter sur les bases du savoir mis à jour par Freud avec la psychanalyse : le « premier » choix, le premier investissement libidinal, le premier objet libidinal n’est pas le futur époux, ni la future épouse, mais bien alors pour Freud, le père et/ou la mère, le frère, la sœur etc. Avec cette dimension incestueuse évidemment centrale pour la dimension du refoulement.
– Et Freud à partir de sa clinique remarque que parfois, des femmes trouvent plutôt du plaisir, non pas forcément dans des unions « illégitimes », mais dans des unions secrètes, hors mariage.
À ce titre, l’homme-substitut aux premières figures libidinales peut être porteur d’une déception de manière plus ou moins refoulée, ou supportée, ou sublimée par la partenaire. Ainsi, Freud pose le motif de cette ambivalence de la place de la femme entre sujétion sexuelle et hostilité au premier rapport, avec le premier objet de l’acte sexuel. Dans le cadre de la défloration, celle-ci peut constituer, pas seulement une douleur physique, mais une blessure narcissique, doublée de la déliaison d’une forme d’amertume voire d’agressivité.

Ainsi, s’il y a un tabou pour Freud, c’est toujours au lieu d’un danger ou d’une menace : le tabou de la virginité pourrait ainsi correspondre à une menace de déliaison hostile de la femme au moment de la défloration. C’est la thèse centrale de ce texte. Au passage, à partir de ce matériel clinique recueilli avec quelques patientes après l’abord de leur part, de ce moment de retournement hostile ou injurieux contre leur futur mari, qu’elles aiment et désirent par ailleurs, lors du premier rapport sexuel, Freud tentera d’ailleurs de travailler la question de la frigidité, à partir de là, comme une réaction à la défloration qui resterait à l’état de trace dans la frigidité.
Il revient sur sa théorisation du tabou dans Totem et Tabou et en arrive à cette hypothèse concernant le Tabou de la virginité : le « primitif » craint tout ce qui est inconnu et nouveau, et il y projette des peurs et fantasmes. Toute question d’un tabou vient donc à l’endroit d’une peur. Ici, la peur signale un danger psychique et réel dans certains cas : le premier rapport sexuel pourrait être l’occasion d’une déliaison d’une violence réprimée, liée à la déception de la promesse œdipienne mais pas seulement, aussi de la promesse du plaisir dans l’acte sexuel. Il est intéressant de voir ici, le démêlé un peu plus marqué me semble-t-il qu’ailleurs de Freud avec la nature de ce « danger » réel, imaginaire, légitime ou pas ? La question des pratiques primitives, permet à Freud de saisir quelque chose de peurs et de croyances qui seraient encore projetées à l’extérieur par le « primitif ». L’idée même du « primitif », lui permet d’aller saisir des éléments du désir inconscients non refoulés. Mais Freud dans son texte, revient quelques fois sur ce danger, certes de nature psychique, mais qu’il pense « légitime » de la part de l’homme : le danger, même psychique, est réel.

***

Je lisais pour préparer un cours aux infirmiers, un mémoire de recherche sur la santé et le sexisme[6]. Sans aller ouvrir les questions encore si actuelles de la contraception, de l’excision, de la preuve de défloration par le sang au moment du mariage etc., quelques exemples très proches de nous ici en France m’ont surprise : par exemple les termes de l’anatomie féminine. Elle cite plusieurs exemples : « l’hymen est le nom d’un cri rituel poussé lors du mariage dans l’Antiquité, par glissement le terme est devenu synonyme de mariage », liant ainsi le terme désignant le mariage à une défloration supposée au premier rapport sexuel. Elle évoque un nerf qui va du pelvis au périnée et se prolonge en se divisant en trois (nerf dorsal du clitoris, nerf périnéal, nerf rectal inférieur) qui était anciennement appelé le « nerf honteux », et reste aujourd’hui « nerf pudendal », de pundendus, a, um « ce dont on doit rougir, ce qui est honteux, infâme, immonde », le « vagin », qui vient de l’idée de fourreau du glaive », sans parler de l’exemple du clitoris, qui ne sera découvert dans sa totalité qu’en 2009 par la gynécologue Odile Buisson, et n’apparaîtra dans un manuel scolaire qu’en 2017.
Dans ce mémoire, l’auteure rappelle aussi, cette pratique du « point du mari » : nom donné à des points de suture post-partum, proposés voire fortement recommandés par certains médecins aux femmes après leur accouchement, pour resserrer l’entrée du vagin au regard de la satisfaction sexuelle du « mari », et sans information très souvent, sur les effets secondaires parfois très douloureux de cette pratique. Et au fil de son raisonnement, sur différents plans, les exemples sont aussi nombreux que surprenants parfois. Comment le contrôle reste impensé et actif, autour d’un préjugé sur la douleur des femmes et d’une ignorance du plaisir féminin.
S’il n’est pas pris au pied de la lettre d’une vindicte liquidatrice, ce texte garde la puissance d’aller aborder les sujets qui fâchent pour les mettre en débat, et de façon assez pragmatique et intéressante pour l’analyse et la clinique : Freud fait apparaître une problématique de l’avoir ou pas, pour la femme, si la défloration doit être pensée comme « blessure narcissique », mais surtout encore pour l’homme, qui « a le droit » à sa défloration, à son hymen ou pas. Par ailleurs, en parlant du « Tabou de la virginité » évoque le motif d’une réaction divisée des femmes au premier rapport sexuel, entre « sujétion » et déception hostile, et c’est d’une potentielle violence féminine dont il fait état, à partir de certaines situations cliniques. En tous les cas d’une violence refoulée. On pourrait se dire que quand même, au vu du prorata voire du monopole de la violence historiquement, est-ce du côté féminin qu’il faut aller déminer le terrain en priorité ? Et se dire que, quand il évoque ces désirs de castration archaïques des femmes, il s’agit bien souvent, non pas de la réalité d’une menace, mais de l’angoisse de castration des hommes et de leur violence historiquement organisée ou légitimée. Il n’empêche que Freud permet ici le dévoilement de certaines représentations dont le statut n’est pas bien clair, entre constructions anthropologiques de la culture et fantasmes fondamentaux. Au détour d’un texte qui semble fait aussi de grosses bourdes sur le féminin, Freud met à jour toute la puissance de la menace de castration. À plusieurs égards, là où il crée certes ébullition, aberration ou confusion, apparaissent aussi les points de clivage des plans, entre fantasmes et mœurs, fantasmes et préjugés, fantasmes et désirs dans la réalité, pulsions, interdits socio-culturels et légitimité.

Cette dimension est un axe de travail, dans les frictions entre champs psychanalytiques et les autres champs. Faut-il le rappeler ? Un fantasme de viol, n’a rien à voir avec un « désir » de viol dans la réalité, encore moins avec une légitimation sur un mode pervers. Quand on évoque par exemple la passivité féminine, le fantasme de défaite, comme je l’ai vu dans certains textes, la question de l’inconscient n’est pas sexiste, mais jusqu’où peut-on affirmer qu’un certain réel de l’organisation génitale, ou plutôt érogène, détermine la modalité des fantasmes de façon sexuée ou genrée et déterminerait d’ailleurs une légitimation d’un certain savoir sur la jouissance qui s’impose.

Je pense qu’il y a du travail à faire. Sur notre part aussi, en tant qu’analystes, « dans le désordre dont [on] se plaint ». Et que pour préserver l’effectivité de notre champ, nous aurons mieux fait de lier-séparer, la part qui concerne l’inconscient comme réel, les fantasmes, de la part éventuelle du préjugé patriarcal au particulier de la pratique ou dans la théorie psychanalytique. Sachant qu’un trait de notre époque certes mis à mal par la période COVID, est peut-être que l’on croit que l’on ne croit plus : on croit que l’on a dépassé cela, on croit que cela est archaïque, et ce faisant, l’insu est rejeté à l’extérieur et nous revient du réel comme des bombes.

Alors comme y invitent les Femens avec humour, résistons : « Boobs, not bombs » !

  1. C. Taraud (sous la dir.), Féminicides, Une histoire mondiale, Paris, la Découverte, 2022 ?
  2. Par exemple, Zafiropoulos en fait un des textes du triptyque central « psychanalyse et anthropologie avec l’Avenir d’une illusion et Totem et Tabou. Il a été commenté aussi par Philippe Sollers, dans un texte déjà évoqué, qui vaut la peine d’être lu pour lui-même, un texte séduisant. ?
  3. M. Zafiropoulos, La question féminine, de Freud à Lacan. La femme contre la mère, Paris, Puf, coll. « Philosophie d’aujourd’hui », 2010. ?
  4. Concernant le concept de « sujétion sexuelle », j’y reviendrai plus loin. ?
  5. E. Crawley, The mystic rose, a study of primitiv marriage, 1902. ?
  6. C. Gineste, L’impact du sexisme sur la qualité des soins en gynécologie. ?

« Suivre Pauline » de Sidney Cohen

Thierry Vincent nous propose une nouvelle chronique régulière, « Petite chronique du temps qui passe ». En voici le premier article.

Il est rare que tant d’émotion se dégage d’un texte psychanalytique. Suivre Pauline[1] est d’abord un texte courageux : choisir de publier un cas et de longuement le détailler ne se fait quasiment plus, tant il faut maintenant illustrer ses propos par des « vignettes cliniques », reflet le plus souvent de sa paresse conceptuelle et surtout d’un engagement minimaliste. Il est courageux aussi, d’annoncer d’emblée ce qui pourrait être pris (surtout pour les détracteurs de la psychanalyse) pour un échec, comme s’il fallait d’ailleurs un « happy end » forcé à l’instar des contes de fées, chez tous nos patients, alors qu’il ne s’agit que d’une tranche de vie dont on peut espérer qu’elle les protège de l’asservissement à quelques liens.

Car la première qualité de Suivre Pauline est de mettre en mots une cure où il s’agit de courir derrière sa patiente, et d’avoir littéralement du mal à la suivre. La force du récit c’est cette course haletante et interrogative, centrée sur les doutes, les hésitations et les inquiétudes de l’analyste. Comme si être analyste, ça allait de soi et qu’il fallait se suffire de laisser causer…

Autant dire au passage que ce texte rompt avec l’ennui mortel de certains colloques analytiques, où il s’agit avant tout de prouver à ses pairs qu’on connaît la théorie, qu’on y a compris quelque chose (d’où les « vignettes ») tout en démontrant qu’on n’est pas dupe du discours du maître en occupant pourtant allègrement sa place…

Suivre Pauline invite à un tout autre type d’exercice, plus pratique, plus difficile, et qui nous place au cœur de notre métier ou de notre travail. Un travail autour d’énigmes : ici les addictions de Pauline, et l’énigme qu’incarne l’addiction à Jean-Paul son amant qu’elle aime et qu’elle exècre, mais à qui elle doit… Elle doit quoi ? C’est bien là le sens de l’énigme au sens policier du terme. Quelle est-elle, cette dépendance majeure, que représente-t-elle ? Pourquoi Pauline ne peut manifestement survivre à la mort de Jean-Paul, quel est le mystère de ce fantasme qui trouve en lui sa parfaite application pour l’entraîner inéluctablement vers la mort, telle une version punk de Belle du Seigneur, et même pour risquer un jeu de mot facile, de son Saigneur ?

En lisant ce texte, on ne peut que penser à cette phrase de Conrad écrite à propos du personnage de Kurtz dans Au cœur des ténèbres : « Jusqu’au bout il avait été fidèle au cauchemar de son choix ». Quel est ce cauchemar plus fort que tout, auquel elle reste fidèle et qui l’entraîne à suivre Jean-Paul là où il a décidé de se perdre ?

Quelle est cette sorte de dépendance, d’addiction, de fascination mortifère, appelons ça comme on veut, qui la conduit à la noyade volontaire ? Que représente Jean-Paul pour elle ? Tout à la fois, nourrisson désarmé devant la vie qu’elle biberonne aux toxiques, amant avilissant, père fouettard et sans doute encore bien d’autres figures (mère intransigeante incapable de laisser vivre ses enfants…), cristallisant à lui seul presque toutes les identifications possibles. Quelle imagine-t-elle être pour lui : tout à la fois, vestale, muse, dealer, infirmière, ange gardien ? Quelle est l’alchimie de ce couple dont il serait trop rapide de décréter qu’il est « infernal » ?

Et pourquoi malgré la présence attentive de l’analyste auprès d’elle, devenu une figure essentielle de sa configuration vitale (Pauline le répète), ne parvient-elle jamais à se déprendre du dénommé Jean-Paul ? L’énigme se noue sans doute ici à propos de la différence qu’il y a entre la jouissance et le plaisir. Peut-être y a-t-il par-delà Freud, un principe de la jouissance qui n’est pas celui du plaisir et qui a tout à voir avec la pulsion de mort, mais peut-être encore cette dernière hypothèse reste insuffisante. Rien ne retient vraiment Pauline, ou seulement temporairement, tant elle fait corps avec Jean-Paul. Aussi pose-t-elle une autre question : pourquoi ne sommes-nous pas tous des Pauline ? À quoi avons-nous pu nous arracher pour ne pas nous empresser vers la mort et au contraire s’ingénier à la différer le plus longtemps possible ? Pourquoi parons-nous malgré tout à des deuils presqu’insupportables ? Pauline au-delà de son aspect « borderline » est-elle une mélancolique dont Jean-Paul n’est rien d’autre que la figure de son propre moi ? Nous ne le saurons peut-être jamais, mais rien ne nous empêche d’y réfléchir. C’est là tout l’intérêt de ce texte qui ne prend pas ses lecteurs pour des demeurés et force notre sagacité, posant plus de questions qu’il n’en résout. Ce que peut nous apprendre Pauline, peut-il nous servir pour d’autres Pauline, s’il y en a ?

Car au cours de notre carrière nous avons tous eu des Pauline. Nous nous y sommes arrêtés ou pas, tant il est parfois difficile de ne pas se laisser hanter par ce que nous vivons comme des échecs. Et pourtant, plus que des théories – ces fragiles constructions jetées au-dessus du gouffre de nos ignorances – ce sont de ces derniers que nous apprenons.

  1. S. Cohen, Suivre Pauline, Paris, Fauves éditions, 2021. ?

Est-il trop tard ?

À propos de la Révolution de 1968, Jacques Lacan était intervenu de la sorte : « Vous cherchez un maître, vous l’aurez… » ; à cette époque dominait encore la fin du Marxisme, les effets du fascisme hitlérien, les suites de Mao-Tsé-Toung, les leçons du stalinisme, … les effets du tribunal de Nuremberg etc.

De nos jours les référentiels se sont transformés, la guerre n’est pas loin, et nous dirions qu’il n’y a pas véritablement les profils de nouveaux Maîtres. Cependant, les tyrans dominent et les républiques tentent de faire contrepoids et de survivre.

Ces constats sont d’une grande banalité et on ne peut que se demander : ces « affaires de retraites » vont-elles réussir à déstabiliser complètement les divisions des pouvoirs ?

Il est, en tout cas, un nouveau mécanisme qui fonctionne individuellement et collectivement : il n’y a pas d’ordre des importances, tout est sur le même plan – la survie du monde et l’âge de la retraite sont sur le même plan. Qu’est-ce à dire sur le plan du refoulement ?

Comment fait-on pour que le leadership soit si attendu, dictatorialement et si craint ? A-t-on perdu le sens des nuances ? On se rappelle la chanson de Georges Moustaki : « Il est trop tard… Passe, passe le temps… » Il est trop tard…pour quoi ? Le « parlêtre » a déjà tout donné ? Les générations sont épuisées… N’a-t-on pas vu les guerres se mettre en place ? Étrange d’ailleurs : les « accords de Munich » sont souvent pris comme référence.

J’ai une interprétation qui vaut ce qu’elle vaut, dans le cadre du « colloque singulier ». Quand le mur du Son est franchi, plus moyen de trouver quelque sérénité. On ne sait jamais où sont les limites. À force de pousser les divisions du pouvoir, la démocratie « bégaie ». À force de délirer en famille, les complexes familiaux sont rudoyés.

Ce que le psychanalyste peut faire « en plus » du commun des mortels, c’est de repérer la portée de « l’automatisme de répétition », de voir à quel point les scenario de l’être parlant (« ledit parlêtre ») sont limités, et de chercher du Désir.

On pourrait se lasser à entendre le répétitif de chacun. C’est bien pourquoi, on peut mesurer à quel point la découverte de Freud a été et reste subversive. Et, à la manière de Jacques Lacan, on dirait : l’invention du Discours psychanalytique avec ses paramètres.

Une mauvaise blague : il ne se crée que dans la cure psychanalytique ! Diantre… Pas de faux-semblants, même s’il y a des analogies : par exemple la création poétique, ou les thérapeutiques par Le Verbe.

Et pourtant étrangeté, ce n’est pas trop difficile, dans nos rencontres, de repérer celui ou celle qui est passé par les fourches caudines de la psychanalyse. C’est ce que nous essayons de soutenir, depuis l’an 2000, à la FEDEPSY et à l’École Psychanalytique de Strasbourg.

Un succès inespéré et transgénérationnel, malgré le contexte hypnotico-suggestif et totalitaire, où la moindre technique suggestive ou mesmérienne peut avoir ses adeptes.

Cela a été possible, par une transition quaternaire de la clinique psychanalytique qui, contre vents et marées, se poursuit et ce, au-delà des personnages initiateurs.

Et la transmission se poursuit, étonnante, imprévisible, avec pourtant une constante : le désir de recherche et le souci de perdurer.

De mon côté, j’essaie de maintenir la pression… des pulsions freudiennes qui n’admettent pas les formes de lâcheté, difficiles à éviter. Il faut bien admettre que les « formes du clivage du sujet et les clivages du Moi » ont varié, et il existe une mythologie différente suivant les générations de psychanalystes. Ce sont ces mythologies que j’essaie de reconstituer dans mes enseignements.

Grave problème : derrière l’expression « discours de l’analyste » se cachent plusieurs « chevaux de Troie » qu’il nous faut dénouer :

  • le discours du patient ;
  • le discours analysant ;
  • les visées de la cure analytique ;
  • la reprise des discours théoriques ;
  • les effets sociaux entre ceux qui ont fait une psychanalyse personnelle.

Alors… il n’est peut-être pas trop tard.

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