Les artistes s’expriment

ÉPHÉMÉRIDE 6

Confinement – Déconfinement…

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Francis, Printemps confiné, Aquarelle

Aléna Kiseleva-Kieffer, pastel sec sur papier, 29×42

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8.05.2020, Exercice de déconfinement n°2

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10.05.2020 Demain, déconfinement…

C:UsersFamille KiefferDesktopDocumentsTRAVAUX EN COURSMédée 09-05-2020 Exercice de déconfinement n° 3.JPG9.05.2020 Exercice de déconfinement n° 3

Médée

Le dernier roi

Comme un joyau, Grenade resplendissait en ce premier jour de l’an 1492. Les frimas ne l’avaient point encore gagnée, mais c’est dans un tout autre siège qu’elle étouffait.

Les rois catholiques, depuis 10 ans d’âpres luttes, l’assiégeaient désormais. En effet, Grenade était le dernier territoire musulman qui résistait à la Reconquista depuis VII siècles. Le dernier roi de Grenade, Boabdil, était surnommé « El rey chico », « L’enfant roi » par les Espagnols et « Zogoïbi », « Le malencontreux » par les arabes, car avant sa naissance, un oracle avait signifié à sa mère Aïcha qu’il serait le dernier roi de Grenade.

Fini les danses, l’insouciance, les chansons, les belles jeunes filles dans l’oracle du soir et les adolescents bruns dont les dents blanches brillaient comme des poignards, si beaux, si beaux que ne l’était le jour.

C’est le 2 janvier 1492 que Boabdil, caché derrière un laurier, remit aux rois catholiques les clefs de la ville de Grenade. C’est alors que sa mère Aïcha lui dit « pleure maintenant comme une femme sur cette ville que tu n’as pas su défendre comme un homme ».

L’avenir des maures andalous était compromis. Alors, maintenant, quel avenir ?

Et si l’on cherchait un mythe fondateur de J. Lacan ?

I – Loi du retournement : mythe – fantasme chez Lacan

L’intérêt d’écrire d’une semaine à l’autre est que le fil métonymique se dessine tout seul ; il suffit d’attendre les productions de sa propre imagerie, ses propres fantasmes le concernant.

À propos du « fil personnel », je me suis rendu compte que je n’ai jamais interrompu le dialogue avec ceux qui ont poursuivi les échanges avec moi, qu’ils aient été amis, ennemis, complices, élèves, maîtres… Cela a sans doute à faire avec quelque fantasme d’immortalité. Mais je persiste à penser que quelqu’un qui se prétend psychanalyste et qui refuse de dialoguer – même de manière véhémente – cela est sans intérêt.

Dans cette idée, j’ai dû produire quelques identifications avec des maîtres et je pense en particulier à la personne de Jean Clavreul et aussi de Jacques Lacan. Je ne fais pas allusion ici à Lucien Israël, où la recette était plus compliquée, avec entre nous quelques maîtres talmudiques et de la culture littéraire commune.

Dans le dernier Éphéméride, le numéro 6, je faisais allusion à un livre collectif qui a marqué son époque Le désir et la perversion1 où je parlais surtout à Guy Rosolato. Dans ce même ouvrage se trouve un texte de Jean-Paul Valabrega intitulé « Le problème anthropologique du phantasme ». Je cite, p. 166 : « On fait donc, à propos de l’analyse, ce qu’on fait dans l’analyse. Ceci est pour montrer que nous sommes là devant une première indication de ce que j’appellerais la loi de retournement. Et plus loin : « Le mythe se rapporte toujours, universellement, à l’origine ». Ainsi le mythe est une mise en équation de l’origine.

À propos du « mythe individuel de l’analyste, je voudrais revenir à cette formule : On fait donc, à propos de l’analyse, ce qu’on fait dans l’analyse ». C’est à dire que ce qui se joue dans l’énonciation de l’analyse et l’articulation des centres d’intérêt théoriques. Ce que j’appellerais la mythologie individuelle. Exemples :

  • chez Lucien Israël : l’hystérie2
  • chez Serge Leclaire : la poésie du réel3
  • chez François Perrier : l’érotomanie4
  • chez Jean-Paul Valabrega : le phantasme5
  • chez Françoise Dolto : le cas Dominique6 et chez Jacques Lacan alors ?

On pourrait penser qu’il y en a plusieurs et c’est peut-être la spécificité de l’homme (ou de la femme) de génie !.

II – La « section clinique » de J. Lacan

Dans l’ère qui constitue l’histoire de mon devenir analyste je prendrai comme support :

« L’ouverture de la section clinique » de J. Lacan7, ouverture à laquelle j’avais assisté (comme attaché des Hôpitaux au service du Pr L. Israël!) et qui constituait l’ouverture mémorable de la Section clinique (par J. Lacan) qui prenait la suite de l’Université de Vincennes dirigée par Serge Leclaire. Il faut savoir que l’ouverture de la Section clinique organisée par le Département de psychanalyse (dirigée alors par Jacques-Alain Miller) a été fondée en octobre 1976. L’ouverture de J. Lacan le 5 janvier 1977 a provoqué une petite révolution à l’École Freudienne de Paris où le discours analytique s’est d’emblée confronté aux discours universitaires, incarnés par J.A. Millet et son équipe.

Tout cela n’a pas été sans effet sur ma « psychanalyse personnelle » et c’est l’époque où j’ai demandé mon inscription à l’EFP (École Freudienne de Paris).

III – La mythologie de l’œuvre de J. Lacan

Tout ce préambule pour dire quelque chose de la « Mythologie de Lacan » en cette année 1977. Je fais allusion au contexte, nous sommes en plein séminaire de Lacan sur Le sinthome – Chapitre « Bouts du réel ». Parallèlement Marcel Czermak écrivait sur « Le déclenchement des psychoses » et Moustapha Safouan venant de publier La sexualité féminine répondent aux questions de Gérard Miller, Jean Allouch, François Wahl (éditeur), Catherine Millot, Colette Soler… beau cortège.

À l’ouverture, prise de position de J. Lacan : « Qu’est-ce que la clinique psychanalytique ? Ce n’est pas si compliqué, c’est ce qu’on dit dans une psychanalyse ».

Dans le contexte d’aujourd’hui, il n’y a plus d’évidence : qu’est-ce à dire ? Ce d’autant plus que le dire peut se différencier du langage, de la parole et de « lalangue » d’après la théorie du même J. Lacan.

À l’époque j’avais été fasciné par ces formulations, ce qui rentrait d’ailleurs en contradiction avec la différenciation que je fais aujourd’hui entre sinthome et symptôme. Mais Lacan était précautionneux : « on se propose de dire n’importe quoi, mais pas de n’importe où, de ce que j’appellerai pour ce soir le dire-vent analytique… on peut aussi se vanter de la liberté d’association, ainsi nommée ».

Mais voilà, la liberté d’association existe dans bien des techniques psychothérapeutiques et n’est pas la règle fondamentale8 qui s’articule autour du désir de l’analyste9. Oui, le problème est que

« Le dit ne se socie pas à l’aventure ». Encore faut-il un « Extérieur » et Lacan articule « Le cosmos »,

« Le corps glorieux (l’âme) » enracinés qui suivent la question du savoir. Et d’ajouter : « C’est de l’inconscient qu’il s’agit. Et ce n’est pas brillant. Il faut faire un effort pour ne pas croire qu’on est immortel »… alors il faut cliniquer, c’est-à-dire, se coucher (commentaire JRF). Belle condensation de la visée d’une analyse la castration symbolique, autrement dit de supporter sa mortalité.

Je le dirai en une phrase, le fantasme de Lacan serait à cette époque (au moins) : « Freud a découvert l’inconscient et moi j’ai trouvé ce qu’il y a dedans ».

Exemple10 : « Une bévue a-t-elle besoin d’être expliquée ? Certainement pas. Simplement la psychanalyse suppose que nous sommes avertis du fait qu’une bévue est toujours d’ordre signifiant. Il y a une bévue quand on se trompe de signifiant ». Le mot est lâché : le signifiant lacanien.

Autre exemple la mise en « signifiantisation » de Freud par Lacan. À propos du schéma sur le rêve est inscrit :

  • la Wahrnehmung : la perception
  • le Vorbewusst : le préconscient
  • le Bewusstsein : le conscient.

Et Lacan ne se prive pas de dire p. 9 : « Eh bien, je dirai que, jusqu’à un certain point, j’ai remis sur pied ce que dit Freud ». Il ne se mouche pas du pied ! Et ajoutons que Lacan « orthopédise » Freud (le culot ! « Si j’ai parlé de ‘retour à Freud’, c’est pour qu’on se convainque d’à quel point c’est boiteux. Et il me semble que l’idée de signifiant explique tout de même comment ça marche »… et d’en arriver à cette phrase provocante : « L’inconscient donc n’est pas de Freud, il faut bien que je le dise, il est de Lacan. Ça n’empêche pas que le champ, lui, soit freudien » p. 10. Peut-on s’étonner que Lacan se soit fait pas mal d’ennemis ? Et en même temps il a réauthentifié Freud qui avait été psychologisé.

IV – Le fantasme de Lacan (1977)

Osons formuler une texture pour le fantasme de Lacan

  1. Prendre l’œuvre de Freud comme un contenu manifeste, c’est à dire d’en trouver le contenu latent signifiant.
  2. C’est introduire la linguistique Saussurienne et Jacobienne, là où Freud a dû en inventer une et transformer le signifiant linguistique en signifiant analytique.
  3. Lacan part du dire dans la clinique psychotique (la paranoïa, le cas Aimé, les psychoses…), pour en arriver à la clinique psychanalytique, soit une façon d’interroger, de convoquer le psychanalyste, de le presser à déclarer ses raisonnements. Alors la clinique psychanalytique consiste à réinterroger tout ce que Freud a dit à partir de sa pratique du sujet.
  4. Ceci avec des effets sur les traductions elles-mêmes. Exemple : traduction du terme

Traumdeutung :

  • Meyerson : Sciences de rêves puis Jankelevitsch : Interprétation des rêves
  • Lacan propose : Deutung, Bedeutung ce qui redouble la bévue. Deuten = c’est le sens.« 

1Piera Aulagnier-Spairani, Jean Clavreul, François Perrier, Guy Rosolato, Jean-Paul Valabrega, Le désir et la perversion, Seuil, Paris, 1967.

2L. Israël, La jouissance de l’hystérique, Séminaire 1974, Strasbourg, Arcanes, 1996.

3S. Leclaire, Démasquer le réel : Un essai sur l’objet en psychanalyse, Poche, 1983.

4F. Perrier, La chaussée d’Antin, Écrits psychanalytiques, Albin Michel, Bibliothèques Idées, 20008

5op. cit.

6F. Dolto, Le cas Dominique, Le Seuil, 1985.

7Ornicar ? 9, Bulletin périodique du Champ freudien, p. 7-10.

8Apertura n° 1, La règle fondamentale, 2003.

9M. Safouan, Le transfert et le désir de l’analyste, Le Seuil, 1988.

10Ornicar ? 9, p. 8.

Un corps à virus. Critique du discours dominant

https://www.fedepsy.org/wp-content/uploads/2020/04/Ephemeride-8-Y.-Mergui.pdf

Dans une société de communication, les virus ont toujours de beaux jours devant eux

Je suis ravi que Philippe Breton ait donné sa vision des virus dans notre société de consommation. Pour les étudiants et pour moi-même il a toujours été un excellent enseignant et a écrit de nombreux ouvrages

  • Convaincre sans manipuler, Ed La Découverte, 2015
  • Les refusants, comment refuse-t-on de devenir un exécuteur ? Ed. La Découverte, 2009. et je vous conseille un bestseller
  • Une brève Histoire de la Violence, Ed. J.C. Béhar, 2015

Nous avons toujours beaucoup échangé, autour des questions politiques, universitaires et analytiques. Pourvu que nous puissions durer…

Jean-Richard Freymann

Le coronavirus a surpris une civilisation mondiale en pleine mutation. Depuis près d’un demi- siècle, la plupart des sociétés humaines s’étaient engagées, de façon convergente, dans la déclinaison d’une utopie née après la dernière guerre mondiale, celle de la « société de communication ». Les étapes de ce qui restera rétrospectivement comme une grande fuite en avant, ont été l’expansion de la cybernétique et de la pensée technicienne, la fin du communisme, la mondialisation de l’économie, la restructuration du lien social grâce aux nouvelles technologies, le délitement des frontières.

La clé de ce grand chambardement a été la valorisation à l’extrême de la communication, devenue un impératif catégorique, alors que cette notion était presque inconnue jusqu’au milieu du XXème siècle. Là où la vertu était du côté de la discrétion, de la retenue, du quant-à-soi, de la direction de l’intérieur, de la profondeur, la nouvelle doxa a mis en avant, dans un retournement presque point à point, l’exhibitionnisme, la vanité, le conformisme, la superficialité. Là où la frontière protégeait et permettait de reconnaître à leur juste mesure l’altérité des autres, l’universalisme communiquant a fait du voyage où l’on ne cherche que le même, la norme du déplacement. Là où on valorisait comme le bien le plus précieux la richesse de l’intériorité, on a promu comme valeur suprême l’interactivité permanente.

L’agitation stérile a remplacé le recueillement productif. Le mystique est devenu SDF, le touriste arrogant le nouveau héros, le migrant un exemple vertueux du déplacement. Les nouvelles socialités, soutenues par les technologies, ont aboli les frontières de l’intimité, la distance entre les êtres, pourtant outil majeur de la réduction de la violence, les frontières régionales et nationales, désormais promues comme des scories du fascisme.

C’était du moins le programme de ce qui se révélait jour après jour comme une utopie dont la réalisation est toujours remise au lendemain dans l’indifférence des dégâts qu’elle fait au présent. Et attendant, le monde ancien devait être détruit, remplacé avec systématisme par une bouillie autiste, une absence radicale d’empathie, un universalisme abstrait, une incompréhension généralisée, un technicisme froid, un voyagisme sans but, bref, un idéal de communication qui débouchait sur la vacuité de rapports sociaux dévitalisés.

Et voilà que le coronavirus est arrivé. Toutes les épidémies ont quelque chose à nous dire. Celle-là plus particulièrement. Dans son orgueil, l’espèce humaine avait cru vaincre tous ses prédateurs et siéger tout en haut de la chaîne alimentaire. Pour se faire peur, on avait inventé la catastrophe climatique. C’était oublier qu’il restait un ennemi invisible, récurrent, têtu, plus puissant que nous : le virus. Nous vaincrons peut-être cette énième version de son assaut, mais il en reviendra un autre, pour une raison simple, le virus a besoin de nous pour exister. Il nous guette donc en permanence, et il s’en trouvera bien un un jour, pour dominer définitivement la situation.

Le coronavirus en tout cas, se diffuse dans une société très peu résiliente devant ce type de prédateur, une société ouverte, communicante, sans frontière, et où l’idée de se séparer des autres entraîne une peur panique et une angoisse paralysante. Ce monde qui veut rester ouvert quoiqu’il arrive est le paradis de l’organisme qui ne vit que de la contagion.

L’obstacle majeur aujourd’hui au civisme minimal et à la retenue sociale qui s’imposerait, est bien l’impossibilité de nos urbains à cesser de communiquer sans frein, et même à restreindre suffisamment cet impératif utopique pour réduire la circulation du Mal. La « distanciation sociale » est vécue comme une souffrance majeure de ceux qui ne savent plus que communiquer pour être. Ne plus pouvoir sortir, ne plus s’agiter dans une interactivité compulsive, renvoie chacun à une intériorité dont la nouvelle utopie a verrouillé les portes.

Décidément, les virus ont encore de beaux jours devant eux.

1 Professeur émérite à l’université de Strasbourg, Docteur en psychologie du langage et de la communication, Adminis- trateur national de la Croix-Rouge française.

Article publié initialement sur le site de l’observatoire de la vie politique en Alsace : ovipal.com

La névrose résiste au temps moderne

La névrose n’est toujours pas morte. Elle ne se tait pas. Peut-être faut-il tendre l’oreille pour entendre ses méandres discursifs, mais ceux-ci persistent. Les modifications plus ou moins bruyantes, plus ou moins insidieuses, des discours alentours donnent de nouvelles formes expressives aux conflits névrotiques. Mais elles ne les anéantissent pas. Elles les empêchent, ça oui ! C’est même leur objectif. Étouffez les bruits des pulsions ! Taisez la voix surmoïque qui pousse à jouir ! Détruisez la moindre manifestation du si subversif désir ! Le discours ambiant cherche la normativité, le conforme, le confiné à la statistique commune. Lisez Le conformiste de Moravia pour voir d’où peut provenir et où peut mener l’exigence d’être conforme. Le discours ambiant tente d’astreindre le moi à une seule voie possible. Réminiscence illusoire d’une image partagée. En cela ce discours véhicule une certaine morale éducative aux échos d’autorité. Recette classique pour asseoir un pouvoir. La névrose est bien là pour rappeler l’échec de cette tentative. L’insurrection névrotique dénonce le lieu de la répression. Elle montre ainsi son existence. Elle montre également une autre existence. Entendons-nous bien : le discours ambiant n’est pas nécessairement le discours politique, le pouvoir n’est pas seulement celui de l’État, et je ne parle pas d’insurrection sociale. C’est dans le champ du sujet que je me place. Le discours ambiant est celui qui fait ambiance pour un sujet, le pouvoir est celui qu’il prête à l’Autre, et l’insurrection est à entendre étymologiquement comme l’action de s’élever du désir.

Donc la névrose veille à soulever les points que chaque histoire contemporaine cherche à contenir, à effacer, à réprimer. Cela n’est pas nouveau, bien au contraire : l’origine mythique de la psychanalyse en témoigne déjà. La sexualité infantile, refusée par son époque, pousse Freud à défendre le refoulé. L’Œdipe tellement décrié est ramené au cœur de chaque névrosé. Il n’y a plus d’Œdipe ? Mais de quel Œdipe parle-t-on ? Celui de Freud est une formulation aux fonctions de mythe pour rendre compte de la dimension transférentielle en jeu dans une analyse. En effet : comment se déploient les pôles paternel et maternel dans le transfert ? Cette formulation garde donc son actualité. À condition de l’actualiser ! Nous aurons l’occasion de reprendre ces questions dans le séminaire de Jean-Richard Freymann du vendredi Traumatismes – Fantasmes – Mythes.

Nous avons pu lire dans les Éphémérides précédents que les manifestations névrotiques restent actives. La névrose pousse l’analysant à dire malgré lui et pousse l’analyste au travail. Quand l’ambiance prend une autre tournure, le discours névrotique également. Souvent il se précise dans le sens d’une rainure névrotique jusque-là soit exploitée soit inexploitée. L’état névrotique déstabilisé par le changement ne disparaît pas pour autant. Bien au contraire, il résiste. Entendons là l’équivocité de ce terme ! Si l’expression névrotique résiste à l’injonction de conformité et de normalité statistiques c’est-à-dire d’inexistence désirante, elle résiste également à changer de forme. La névrose persévère dans son être, pourrions-nous dire en paraphrasant Spinoza. Elle cherche à maintenir un état. Et non un devenir. Elle tient tellement à ce qui a fait un temps solution qu’elle le fige. L’état névrotique présente ces deux faces : hystérique d’une part qui pointe l’endroit où l’autorité vire à l’autoritaire, et obsessionnelle de l’autre qui tend à la préservation du moi.

Les manifestations névrotiques se jouent sur scène. La mise en scène est création et répétition. À l’instar du jeu de l’enfant qui d’abord innove puis exige un rituel répétitif, l’expression névrotique contient en elle-même son enfermement et sa libération. L’analyse explore et exploite ce potentiel. La mise en scène est également création d’une répétition. Le texte reste le même, mais son énonciation varie. Et lorsque l’énonciation rencontre l’oreille d’un analyste, la scène pourra se dédoubler et se répéter transférentiellement sur une autre scène. Se répéter non pas à l’identique mais avec le déplacement qu’est le transfert. Ici se rejouera le Mythe individuel du névrosé. L’analysant est représenté par l’ensemble des protagonistes. Tout comme dans le rêve, l’individu emprunte un rôle distingué, mais le sujet du rêve navigue entre les différentes apparitions. L’analyste souligne la structure qui les lie. Cette structure faite de ponts éphémères entre les signifiants est éminemment symbolique en tant qu’elle les « lie ensemble ». La liaison, si elle contient la force du verbe, porte également la fragilité du souffle d’où il provient. Ainsi, c’est l’énigmatique auteur de cette Bejahung qui est sans cesse appelé par le sujet. Cette demande s’adresse au désir de cet Autre. C’est à travers le silence qu’il rencontrera à cet endroit que l’analysant pourra percevoir que ce désir de l’Autre se confond avec son désir dans sa dimension mystérieuse.

Le transfert en mettant en scène un scénario fantasmatique répétitif pourra l’épuiser et cela par la dimension cathartique que ce lieu permet. La catharsis est ici à opposer à une « prise de conscience », une intellectualisation d’une interprétation. Elle est plutôt signe de l’éveil d’un affect jusqu’alors refusé. Pour le dire autrement la catharsis est effet d’un écho du signifiant avec son signifié.

Nos névrosés des temps modernes pointent déjà, à travers les manifestations de l’inconscient, des effets de l’éphémère période que nous traversons. Si celle-ci n’est pas productrice de névrose – il est trop tôt pour mesurer ses effets plus durables, la clinique des enfants nous enseignera probablement dans les temps à venir sur ce point – elle engendre une relance des associations et une nouvelle catharsis. À condition que les oreilles des analystes restent ouvertes. Les Éphémérides en sont autant de témoignages.

PARUTION de « Entrez, c’est tout vert » de Michel Forné

En cette période où l’humour comme voie d’éconduction pulsionnelle a été fortement bousculé par l’épreuve du réel de la vie (mort et maladie), je vous propose la lecteur d’un petit espace décalé de « respiration psychique ». Des pages à la croisée entre Symbolique, Imaginaire et loufoque. Histoire de se souvenir que l’inconscient est bien structuré comme un langage ; qu’il est la source d’où surgit le Witz et que la question du Savoir (médical, politique, médiatique, sexuel) ne cesse de nous glisser des peaux de bananes sous les choses-sûres… nous renvoyant irrémédiablement à ce qui fait trou.

Ci-dessous le texte de la quatrième de couverture, et un lien Youtube vers une présentation
vidéo :  https://www.youtube.com/watch?v=n9iuFtHPfb8

Inspirés de l’humour de Pierre Dac, Bobby Lapointe, Pierre Desproges, Raymond Devos, Auguste Derrière et tant d’autres, les auteurs ont voulu créer un petit recueil de définitions amusantes pour prendre le temps de penser. Mais penser en décalé, tout en réfléchissant et en apprenant des choses nouvelles.

Partant d’une définition de type mots-croisés, les lecteurs sont invités à trouver le «mot-mystère», aidés (ou parfois troublés) par des indices graphiques générés par un artiste contemporain. Ces indications ont été le fruit d’un véritable travail de création dans lequel les choix chromatiques, les retouches numériques des images et les messages qui s’y véhiculent créent une émulsion originale, ludique et déstabilisante.

Dès le sous-titre, cet «Imprécis de linguisterie loup-phoque» nous transporte dans un univers inhabituel et saugrenu?: celui des sonorités qui habitent les mots eux-mêmes et auxquelles on ne prête pas suffisamment l’oreille; Mais le titre lui-même ne nous invite-t-il pas déjà à suivre cette voie sérieusement loufoque???: «Entrez, c’est tout vert». Notre audition y trébuche, tout comme notre regard quand il achoppe sur la drôle de porte aux couleurs choisies à dessein, et placée en couverture…

Apprendre, sourire, trouver ou accepter de donner sa langue au chat (comme sur l’illustration de 4eme de couverture) sera, pour les lecteurs curieux, comme autant de stimulations cérébrales tout au long des 200 mots que contient cet ouvrage.

Pour acheter ce livre : 

En librairies sur commande ou

directement sur le site de l’éditeur : https://editions-sydney-laurent.fr/livre/entrez-cest-tout-vert-imprecis-de-linguisterie-loup-phoque/

soit directement en contactant Michel Forné à Mulhouse (drfm6768@gmail.com) 0687232970

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Et pour ceux qui seraient davantage « branchés » par un essai de théorisation psychanalytique sur les racines inconscientes de la question du profit (articulations entre plus-value économique et plus-de-jouir psychique) je vous rappelle la réédition au Lys bleu de mon ouvrage paru en février 2020 et intitulé : « Les saumons ne rêvent pas de remontées mécaniques » ; quelle place pour le désir dans un monde centré sur la plus-value économique et le plus-de-jouir psychique ? ».

A la différence des animaux qui répondent à des instincts, les humains opèrent essentiellement par des mécanismes pulsionnels. Ces mécanismes sont des « pousse-à-jouir » qui visent à atteindre une satisfaction.

Et celle-ci se majore toujours inconsciemment d’une plus-value psychique. Mais cette satisfaction et cet excédent s’avèrent être des tonneaux percés, comme le décrivait déjà Marx dans son concept de plus-value économique. Tonneaux dont nos sociétés de consommation (qui sont de plus en plus des sociétés de saturation) cherchent désespérément un mythique remplissage sans pertes.

Dans cet essai, l’auteur met en avant un certain nombre d’analogies face auxquelles nous avons une tendance accrue à détourner le regard :

–    Celle entre la recherche du profit (quel qu’en soit le prix pour soi, pour autrui ou pour notre environnement) et une folle quête de pouvoir, de reconnaissance, d’amour et d ‘absolu.

–    Celle entre ce même profit et la violence haineuse qui l’alimente en sourdine.

–    Celle enfin entre ces pulsions agressives et notre condition « d’êtres parlants ».

Les pulsions, comme nous l’a enseigné le psychanalyste Jacques Lacan – à la suite de Freud – sont liées à un Autre en Demande, à qui nous pensons pouvoir (ou devoir) répondre. Cette dynamique de demande-réponse se met en place dès le plus jeune âge au travers du fantasme d’une satisfaction enfin accessible. Pourtant, là encore, ce seront la parole (dans ses signifiants) et le Réel qui viendront nous en tenir irrémédiablement à l’écart. Réalimentant ainsi, dans notre économie psychique, une boucle de fiel dans notre rapport à l’autre.

Mais alors dans ce sombre constat, n’y a-t-il rien qui fasse lueur d’espoir ou au moins qui puisse donner sens à la vie ? C’est ici que Michel Forné déploie la dimension du Désir. Celui-ci, au travers de la sublimation, de la métaphore,
de l’humour et du renoncement à la Jouissance, représente autant de voies de frayage dont on pourra se soutenir pour préserver les conditions de notre humanité.

Libre cours aux artistes

ÉPHÉMÉRIDE 7

ART

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Marie-Odile Biry-Fétique, Retour en Arcadie

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Francis, « Déconfiné »

Concernant le titre « Déconfiné » proposé à l’artiste, il répondra…

« C’est un bon choix, au départ un peu étonnant.

Mais pourquoi pas une boîte. Une vieille boîte, peut-être rouillée, mais aussi dorée dans la lumière. Une boîte qui s’ouvre sur quoi ?

D’anciennes confiseries, fruits confits qui trainaient là. Dé-confinés

Un fond obscur toutefois, peut-être une boîte de Pandore d’où surgissent les maux qui punissent le vol prométhéen du feu et des arts.

Donc un titre comme « déconfinés » convient tout à fait ».

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Aléna Kiseleva-Kieffer, La main de ma mère

Recommencer

Désir de continuer à avancer à chanter
braver la mort
hors du tunnel sombre
qui engloutissait notre joie Trouver, ah ! trouver
le fil
pour continuer à vivre et recommencer
Il fait chaud étouffant Quitter le nid
de notre fausse forteresse Le monde attend là
pour que nous le rebâtissions comme une demeure acceptable
pour tous les hommes
Sous ma fenêtre la petite cour
est habitée par un chat noir noir comme la nuit noire de ma mélancolie
Je l’aime
cette petite cour
Elle est carrée et nue Et le ciel
chaque jour y descend depuis peu maintenant
Maintenant
je me blottis dans la poésie C’est Baudelaire
C’est Aragon C’est Nerval Leur beauté saisit leurs vers tissent
un vêtement très pur dont je m’habille
pour paraître devant la reine liberté retrouvée

Résonances en psychosomatique

Intervention du 11 mars 2020 lors des journées de formation Apertura-Arcanes : Les mémoires du corps.

Tout d’abord je voudrais remercier les organisateurs, et tout particulièrement Philippe Lutun, de m’avoir invité à intervenir dans cette journée. Le thème des mémoires du corps m’intéresse d’autant plus que j’y travaille depuis des années.

En cette période où on est plongés dans les risques majeurs de l’épidémie au coronavirus (ou Covid-19), je ne peux m’empêcher de l’évoquer en introduction. Mais pourquoi donc parler de cette épidémie dans une présentation de psychosomatique ? Une telle épidémie est évidemment une réalité biologique, dramatique. Le virus qui la cause est bien réel et les symptômes qu’il provoque n’ont rien d’une conversion hystérique ni d’une somatisation. Pour traiter la maladie, il faut des mesures médicales. Tout cela semble n’avoir aucun rapport avec la psychosomatique. Et pourtant ! À côté de la réalité biologique, on peut trouver un signifiant faisant écho à de grandes peurs ancestrales dont la mémoire est enfouie en nous. Je citerais en premier lieu la terreur du Moyen Âge face à la peste noire qui a tué plus de 30 % des Européens entre 1352 et 1357 ; ses résurgences au cours des siècles suivants, bien que moins dévastatrices, ont certainement renforcé sa mémorisation. Ensuite, je pourrais mentionner les terribles épidémies de choléra (celle du 19ème siècle a fait plus de 140 000 morts rien qu’en France) ou la grippe espagnole, qui a fait plus de 2 millions de victimes en Europe, au cours des années 1918 et 1919.

En somme, si la pneumonie à Covid-19 n’est aucunement une maladie psychosomatique, son épidémie a un retentissement psychique, parce qu’elle nous rappelle confusément quelque chose. Elle suscite un écho en nous. Cela me permet d’entrer dans le vif de mon sujet : les résonances en psychosomatique. Ce titre a pu surprendre. Le concept de résonance appartient scientifiquement à la physique. Je l’ai cependant introduit dans Les maux du corps sur le divan. Perspective psychosomatique 2 pour expliquer certains symptômes psychosomatiques. En effet, non seulement il permet d’éclairer la genèse des somatisations, mais il se révèle aussi utile dans la pratique.

Commençons par mieux préciser en quoi consistent les résonances provoquées par l’épidémie de Covid-19. L’hypothèse que je fais est la suivante : quand un virus comme celui-ci se propage aussi vite, et provoque une maladie aussi grave, notre vécu actuel entre en résonance avec les vécus ancestraux liés aux grandes épidémies du passé ; il fait écho à des vécus de corps meurtris, de pertes incontrôlables, de vie en péril, d’impuissance à arrêter le fléau… La résonance avec cette mémoire a certainement pour fonction de mobiliser la pulsion de vie et d’enclencher des réactions de survie. C’est une réaction saine : une peur peut être salvatrice ! Mais la résonance peut aussi provoquer des mouvements de panique ou même de déni du danger, avec les conséquences que l’on connaît.

Après une entrée en matière comme celle-ci, on pourrait me dire : « halte-là ! Quand vous parlez d’une mémoire du corps liée à des vécus ancestraux, vous sous-entendez l’existence d’un inconscient collectif, tel que C. G. Jung le concevait3 ». Mais non ! Je ne pense pas que nous ayons un inconscient collectif au sens de Jung. S’il existait, il se situerait d’ailleurs hors du champ de la psychanalyse. L’inconscient qui se manifeste dans notre travail d’analyste est le sédiment d’une histoire individuelle. Et ce qui nous intéresse en psychosomatique, c’est la mémoire du corps qui s’est inscrite dès la petite enfance, voire depuis les derniers mois de la vie intra-utérine. En analysant des manifestations psychosomatiques, on découvre des résonances avec des sensations corporelles, avec des vécus centrés sur notre corps ou celui de parents, avec des fonctionnements ou des dysfonctionnements de certains organes à tel ou tel moment, avec des traces inconscientes de bien-être ou de mal-être, qui ont tous pu contribuer à nous constituer en tant que sujet.

Ainsi, quand je parle d’une résonance entre vécu de l’épidémie actuelle et mémoire des fléaux du passé, je saute un palier, ou plutôt un relais : celui de l’individu, de la dimension ontogénétique de l’inconscient. Nous avons tous eu, dès notre plus jeune âge, la varicelle, la rougeole, des rhumes, des bronchites et d’autres maladies, peu importe leur cause. Nous avons tous ressenti des mises en danger de notre intégrité corporelle, des pertes de contrôle angoissantes, des impressions d’impuissance, des sensations de détresse (Hilflosigkeit). La trace de ces vécus constitue une mémoire du corps, qui intègre des vécus de chaleur, de flottement, de difficulté à respirer, mais aussi de jouissance lors des soins reçus : la main de la mère sur le front, les frictions agréables, le thé chaud coulant dans la gorge, etc. Notre psychisme étant naturellement porté à faire des liens, quand on entend parler de l’épidémie due au coronavirus, cela résonne avec ces vécus de dysfonctionnement du corps, de mise en danger du sujet, mais aussi de maternage. Ainsi, notre inconscient garde la mémoire de vécus corporels signifiant une mise en danger. Comme il conserve la trace d’actions au service de la vie et celle d’épisodes de bien-être structurant. La mémoire du corps ne concerne donc pas que les maladies par lesquelles on a passé, elle porte sur tous les vécus assez intenses pour s’inscrire dans le psychisme inconscient. Le moteur de leur mémorisation est fonction de signifiants qui les représentent. En voici quelques exemples : un lien avec la castration ou avec la mort, suscitant de l’angoisse ; ou au contraire une jouissance où les pulsions sadomasochiques ont trouvé leur compte ; ou encore une action au service de la pulsion d’autoconservation ; ou tout simplement – comme je le disais à propos de l’épidémie à covid-19 – une résonance avec une inscription préexistante.

Il y aurait donc un double écho : une résonance avec notre mémoire inconsciente de maladies d’enfance, et une résonance avec la mémoire de peurs ancestrales. Comment cette mémoire ancestrale du corps nous est-elle transmise ? On ne le sait pas exactement. Peut-être sous forme de fantôme et de crypte, comme l’indiquent Nicolas Abraham et Maria Török4. Peu importe, la pratique nous indique qu’il y a une transmission verticale, de parent à enfant, et cela de génération en génération.

N’oublions pas que le modèle freudien de l’inconscient est en partie lamarckien, c’est-à- dire qu’il conceptualise l’existence d’une hérédité des caractères acquis5. Cette théorie était tombée en discrédit, écrasée pas la génétique mendélienne, mais elle reprend vie aujourd’hui, avec l’épigénétique. Cette discipline démontre, par exemple, que l’angoisse ou une dépression d’une femme enceinte peut se transmettre à sa descendance6.

Ceci précisé, revenons à l’ontogenèse. Certains vécus corporels de l’être en développement – vécus qui ont pour lui valeur de signifiant – peuvent jouer un rôle clé dans la constitution du sujet. Si bien que l’inconscient est aussi une mémoire du corps. Non seulement il porte la marque de vécus corporels, mais sa structure dépend en grande partie de ce que le sujet en construction vit dans son corps. La mémoire de ces vécus va être prise dans les processus langagiers et chercher à se dire à travers des symptômes psychosomatiques.

La source première des signifiants qui contribuent à façonner la mémoire du corps – et donc à former les bases de la psychosomatique – est constituée par les pulsions sexuelles ; elles prennent leur source dans des zones érogènes, donc dans une excitation d’une partie du corps. Le désir inconscient est indissociable de la mémoire d’une expérience de satisfaction, que le petit humain a vécue comme un abaissement de tension dans son corps. Cette mémoire du corps se trouve au fondement de l’inconscient.

À propos de vécus corporels mémorisés dans l’inconscient, il faut bien sûr aussi mentionner la mémoire de l’objet des pulsions. Au stade oral, les expériences de satisfaction et de frustration sont fonction du sein, du lait et du contact avec la mère ; or, tous ces objets sont vécus dans le champ corporel. Ensuite, au stade anal, la jouissance liée à l’expulsion ou à la rétention des selles est en rapport direct avec le fonctionnement de la motricité intestinale et avec la manière dont le sujet joue de ses sphincters. Au stade phallique, enfin, l’Œdipe et le complexe de castration ont d’évidents rapports au corps. Pour compléter cette énumération, revenons en arrière dans le développement du sujet, avec le stade du miroir. Qu’on le conçoive à la manière de Lacan comme une jubilation7, ou à la manière de Françoise Dolto comme une souffrance8, il implique le corps, autant dans le regard que dans l’image spéculaire.

Enfin, la formation de notre mémoire inconsciente du corps tient aussi aux pulsions agressives. Visualiser leur rapport au corps n’est pas aussi immédiat que pour les pulsions sexuelles ou celles d’autoconservation, mais il existe pourtant. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer l’agitation, les crispations musculaires et le rougissement de la peau d’un petit en colère.

Quant aux dynamiques relationnelles mémorisées dans l’inconscient, leur aspect corporel n’apparaît pas non plus au premier abord. Cependant, toute relation d’objet implique le corps, chacune à sa manière. La relation à l’objet partiel met en jeu les zones érogènes, donc des parties du corps. Celle à l’objet total tient à une personne en chair et en os, dont la présence ou l’absence sont mémorisées. Inutile d’insister le fait que ces relations au corps, partiel ou total, jouent un rôle primordial dans la scission qui constitue le sujet. Et donc, bien naturellement dans les maladies psychosomatiques qui expriment les coupures et les manques qui façonnent le sujet. En cela, la somatisation rejoint la conversion hystérique, même si elle en diffère sur d’autres plans. Voyons ce qui les distingue.

Vous avez probablement été frappés par le fait que j’ai beaucoup parlé de vécu et peu de désir. Cela tient aux causes des somatisations ou des maladies psychosomatiques, et aux difficultés qu’elles entraînent dans la pratique. Avec elles on se trouve dans une situation bien différente qu’avec une hystérie. La question de l’hystérie mériterait une place de choix dans un exposé sur la psychosomatique. Je ne peux pas la lui donner ici. Je vous renvoie donc aux écrits de Jean-Richard Freymann, en particulier Les mécanismes psychiques de l’inconscient,9 et bien sûr aux livres de référence de Lucien Israël, L’hystérique, le sexe et le médecin10 et La jouissance de l’hystérique11. Je dirai juste ceci : la personne hystérique répond parfaitement à la méthode analytique, elle a la parole facile et sa parole est truffée de signifiants révélant l’inconscient – celui du désir – même s’il faudra un long travail pour qu’elle y accède. Il n’en va pas de même avec la personne somatisante. Une brève incursion historique expliquera pourquoi.

À la suite de Freud et de Groddeck, la psychosomatique s’est développée grâce à des pionniers comme Alexander12 aux États-Unis, Angel Garma13 en Argentine, Pierre Marty14 en France… Pour simplifier, je dirais que ces pionniers ont exploré deux voies pour expliquer les symptômes psychosomatiques.

La 1ère voie, c’était de généraliser le modèle de la conversion hystérique à toutes les interactions entre le psychisme et le corps. Cela revient à considérer que le symptôme psychosomatique aurait une cause uniquement psychique et obéirait aux mécanismes de la névrose. De nombreux psychanalystes ont ainsi tenté d’appliquer la grille d’interprétation de l’hystérie aux dysfonctionnements corporels ayant une composante psychosomatique, comme les ulcères digestifs, l’asthme, les maladies auto-immunes, les migraines, l’hypertension, etc. Jusque dans les années 60, cette psychosomatique fondée sur le modèle freudien de l’hystérie a suscité beaucoup d’espoirs. Malheureusement cette manière de faire n’a pas tenu ses promesses. Dans ces cas, la parole n’a pas le même effet libérateur qu’avec l’hystérie.

En somme, on n’arrive pas à dégager la réalisation symbolique d’un désir inconscient refoulé à l’arrière-plan du symptôme psychosomatique. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en aurait pas, mais qu’en privilégiant cette voie le travail est laborieux et rarement fructueux. Pour donner sens au symptôme psychosomatique, il vaut donc mieux procéder autrement. A mon sens, il faut aller rechercher une résonance entre des vécus actuels et des vécus anciens mémorisés. Résonance et vécus sont donc deux notions extrêmement utiles quand on a affaire à une somatisation. Elles ont en plus l’avantage d’être facilement utilisables dans la pratique, surtout quand on n’a pas le temps, ni la possibilité, d’attendre que les désirs inconscients deviennent analysables.

Je reviendrai sur ces notions, mais il n’est pas possible de parler de psychosomatique sans mentionner Pierre Marty et l’Institut de psychosomatique de Paris. C’est la 2ème voie. Elle a été ouverte par Freud lui-même, au tout début de son exploration du psychisme inconscient. Il avait constaté que certains symptômes corporels ne se ramènent pas à une névrose hystérique. Il a donc distingué deux groupes d’affections. D’une part, les névroses hystérique, phobique et obsessionnelle : elles sont causées par un refoulé qui s’exprime de manière déformée, par l’effet de mécanismes de défense. D’autre part, les « névroses actuelles » où il classe la névrose d’angoisse, la neurasthénie et l’hypocondrie, c’est-à-dire des syndromes qu’on appellerait psychosomatiques aujourd’hui. 15 Selon ses conceptions de l’époque, les névroses actuelles seraient dues à une « insuffisance psychique ». En d’autres termes, leur origine ne résiderait pas dans un refoulé et ne serait pas à rechercher dans le psychisme.

Sans renier cette distinction, Freud n’y est plus revenu par la suite. Cependant, au début des années 60, Pierre Marty a tenté d’expliquer les affections psychosomatiques par un défaut d’élaboration psychique 16 . Selon cet auteur, il existe des personnalités psychosomatiques, caractérisées par une pensée opératoire, c’est-à-dire des processus mentaux essentiellement orientés vers l’action, au détriment de l’activité fantasmatique et imaginaire, de la symbolisation et de la capacité à donner sens à ses émotions. Cette personnalité particulière serait due à une faiblesse du préconscient ; les personnalités psychosomatiques souffriraient précisément de cette insuffisance psychique dont parlait Freud : l’appareil psychique de ces personnes n’arriverait pas à élaborer psychiquement les tensions causées par les pulsions. Ainsi, ces tensions ne pourraient pas devenir des désirs inconscients et ne seraient donc pas prises en charge par les mécanismes de défense psychiques, processus qui les transformeraient en symptômes névrotiques. En conséquence, elles se déchargeraient de manière brute dans le corps, désorganisant certains organes ou certaines fonctions somatiques. Le symptôme somatique serait le signe d’un défaut de mentalisation ; il serait inutile de chercher à l’interpréter.

Marty a fait école : avec M. Fain, M. De M’Uzan et C. David, il fonde l’École psychosomatique de Paris qui a produit de multiples recherches et publications17. Qu’on adhère ou non à la théorisation de l’École de psychosomatique de Paris – pour ma part, j’y souscris partiellement –, il n’en reste pas moins que la somatisation a une autre pathogenèse que la conversion hystérique. Les psychosomaticiens de l’École de Paris ont raison sur ce point : elle ne résulte pas des mécanismes psychiques de la névrose. Si on veut être efficace, il faut donc l’aborder autrement. Mon expérience me montre qu’il existe une 3ème voie. C’est là qu’entrent en jeu les deux notions que j’ai évoquées, vécu et résonance, qui permettent souvent des interventions fructueuses en psychosomatique.

La notion de vécu. Par vécu, j’entends l’impression subjective laissée dans le psychisme par une expérience pulsionnelle, relationnelle et/ou biologique, qu’elle se soit passée sur le plan du fantasme ou de la réalité. Le vécu se ramène donc à un ensemble de signifiants (représentations signifiantes et affects signifiants).

Au cours du travail analytique, on remarque que certains vécus s’articulent autour d’un organe ou d’une fonction corporelle. En voici exemple un peu caricatural : un analysant se plaint d’une constipation. Or, son discours est émaillé de signifiants de castration. Et il apparaît que, quand il était enfant, on lui a administré des lavements et des purges ; en l’occurrence, il a vécu cela comme une dépossession et une impuissance à garder un objet précieux, signifiant narcissique de puissance phallique. D’où la possibilité d’interpréter sa constipation comme l’expression d’un vécu de castration, fondé sur une équivalence inconsciente selles-pénis.

Autrement dit, il arrive que des jaillissements en séance indiquent des liens entre le psychisme et des organes ou des fonctions corporelles. Ils montrent que cette mémoire du corps joue un rôle dans l’économie du sujet : le psychisme peut projeter des contenus sur les représentations inconscientes de parties du corps, qui auront dès lors valeur de lieu où réaliser des désirs, où incarner des fantasmes, où reproduire des vécus. Le symptôme qui s’y localisera signifiera le vécu ancien inscrit.

Dans la pratique avec un somatisant, il est beaucoup plus aisé de repérer des signifiants de vécus anciens que des signifiants de désirs refoulés. Non seulement ils sont plus accessibles, mais surtout on peut souvent en donner une interprétation sans faire de psychanalyse sauvage. On sait que ce n’est pas les cas du désir inconscient. Pour revenir à la pandémie actuelle, le réel réactive des peurs infantiles et ancestrales. Cela peut aider à se protéger, mais aussi provoquer de dangereuses réactions irrationnelles.

La notion de résonance. Le terme de résonance a deux sens. Les deux nous sont utiles en psychosomatique.

Son premier sens fait partie de la physique. Bien qu’il n’appartienne pas à notre domaine, il permet de visualiser la chaîne causale de la somatisation. Ce que je vais en dire est librement inspiré de Wikipedia. 18 Commençons par un exemple : imaginons deux diapasons placés à proximité l’un de l’autre. On fait vibrer le premier ; le second est silencieux mais après un bref instant, comme par miracle, il se met à vibrer lui aussi ! Le second diapason est entré en résonance avec le premier parce que sa structure présentait des analogies avec celle du premier. Il y a donc résonance quand un système en vibration transmet son énergie à un autre système, qui était inactif et se met dès lors à vibrer lui aussi.

Or, il y a là quelque chose d’extraordinaire pour modéliser ce qui se passe en psychosomatique : les deux systèmes entrant en résonance peuvent être très différents – comme le pont qui se met à vibrer quand des soldats y marchent au pas –, cependant ils se comportent face à la vibration comme s’ils étaient semblables. C’est ce qu’on constate quand une situation actuelle résonne dans la mémoire psychique d’une personne.

Cela rejoint le sens courant du terme de résonance. Dans le langage habituel, il a le sens d’un écho. C’est ce qui se passe en psychosomatique. Une situation dans laquelle le sujet est plongé retentit dans la mémoire psychique et y réveille des vécus, des désirs ou des fantasmes. Cela veut dire que ces contenus psychiques sont mises en résonance : des signifiants d’organes, de tissus ou de systèmes physiologiques sont ainsi réactivés, et il y a projection de leur tension – sorte de vibration énergétique – dans le domaine corporel. Cela libère le psychisme, mais ça crée un symptôme somatique.

Une vignette clinique en donnera une illustration. Elle fera voir comment des déterminants psychiques peuvent intervenir dans la constitution d’une maladie d’apparence purement biologique.

En cours d’analyse, un fumeur attrape une laryngite. Il dit que son tabagisme aura certainement fragilisé son système respiratoire et favorisé une invasion microbienne. L’analysant n’envisage pas une autre cause que celle-là. Pourtant, tout d’un coup, un enchaînement d’associations libres débouche sur la relation qu’il a eue avec son père. Il verbalise alors différents souvenirs qui nous mettent sur la piste d’une somatisation : il dit que son père était un tyran domestique qui a étouffé tous ses essais d’autonomie. Enfant et adolescent, chaque fois qu’il tentait de s’affirmer, son père se moquait de lui d’une voix puissante ou bien il le faisait taire en gueulant. Cet analysant s’est senti interdit de parole, accepté uniquement lorsqu’il était un garçon soumis et silencieux. « Mon père m’a coupé le sifflet », dit-il. Il verbalisera un peu plus tard que, dans la région d’où il vient, les femmes appelaient souvent « petit sifflet » le pénis de leur garçonnet.

Il relie ensuite cela à sa laryngite et il se rend compte qu’une circonstance de sa vie actuelle fait écho à ces souvenirs d’enfance. À son travail, son chef lui a reproché de ne pas avoir atteint les objectifs fixés. Il a estimé ce reproche injuste et l’a signalé à la direction qui, au lieu de le soutenir, lui a infligé un blâme. Il a subi cette injustice sans rien dire, car il craint un licenciement. Mais l’attitude de sa hiérarchie a réactivé les traces laissées dans sa mémoire par le père castrateur qui l’empêchait de s’exprimer. À la faveur de l’irritation chronique de l’appareil respiratoire, les événements survenus dans sa vie professionnelle sont entrés en résonance avec le vécu « avoir le sifflet coupé ». Cette résonance a réactivé le vécu ancien, mobilisant en même temps la colère qui lui est liée. La colère actuelle contre sa hiérarchie est elle aussi entrée en résonance avec la colère ancienne contre son père. Comme elle n’a aucun autre exutoire, l’agressivité s’est déchargée contre lui-même. Elle s’est portée sur l’organe de la phonation, parce qu’il était impliqué tant dans le vécu ancien que dans celui du présent. On pourrait dire que le vécu ancien s’est reproduit dans la symptomatologie corporelle. Lors de cette séance, la prise de conscience a eu pour effet d’atténuer son mal de gorge et lui a permis retrouver un peu plus de voix.

Bien sûr, des investigations médicales auraient pu mettre en évidence une infection virale ou bactérienne. Cela n’aurait rien enlevé à cette interprétation analytique. En effet, l’analyse ne démontre pas que la pathogenèse d’une telle maladie serait uniquement psychique, mais qu’elle est psychobiologique : le psychisme et l’organisme forment un ensemble dont les composants interagissent les uns avec les autres. Donc, le psychisme peut à tout moment influencer le corporel, et vice-versa.

C’est bien ce qui se passe avec une épidémie comme celle au Covid-19. Les contenus de l’inconscient offrent une caisse de résonance à la peur devant le danger réel (Realangst), ce qui peut engendrer des réactions plus dictées par les signifiants inconscients que par la réalité.

Ceux que cela intéresse peuvent trouver une théorie plus générale dans mon livre, Les maux du corps sur le divan. Perspective psychosomatique.19 Mais voilà, il est temps de conclure. Je propose de retenir 4 points clés :

  1. En psychosomatique, il est éclairant de travailler sur des vécus, présents et anciens. les vécus anciens peuvent être refoulés et mémorisés dans l’inconscient ; il faut donc un travail conséquent pour les reconstituer. S’ils ne sont pas refoulés, ils s’expriment par des signifiants qu’on peut directement exploiter.
  2. À partir de là, il faut chercher quelles résonances entre des événements actuels et passés sont signifiantes. Au cœur de la somatisation, il y a des similitudes entre ce qui est vécu dans le présent et ce qui est inscrit dans la mémoire ; le vécu actuel est analogue à un vécu ancien. C’est essentiellement cette résonance qui détermine le symptôme.
  3. Avec un somatisant, on a souvent avantage à s’en tenir aux vécus mémorisés dans le psychisme, sans trop se préoccuper des désirs inconscients. En effet, la réactivation d’un vécu par une situation du présent peut suffire à donner sens au symptôme. Si nécessaire, on pourra aller à la recherche de désirs inconscients plus tard.
  4. Enfin, il est important de penser à l’agressivité refoulée, qui peut être un déterminant puissant en psychosomatique.

1 Intervention du 11 mars 2020 lors des journées de formation Apertura-Arcanes : Les mémoires du corps.

2 D. Lysek (sous la dir. de), Les maux du corps sur le divan. Perspective psychosomatique, L’Harmattan, 2015.

3 C. G. Jung, Introduction à l’essence de la mythologie, Paris, Payot, 1953.

4 N. Abraham & M. Török, L’écorce et le noyau, Flammarion, 1975.

5 Voici ce qu’en dit Wikipedia : « Jung reprend la conception psychanalytique de l’inconscient, qui possède deux parties : l’ »inconscient refoulé » qui comporte les pulsions, les souvenirs d’enfance, les fantasmes et les affects refoulés et l’ »inconscient primitif » qui contient les schémas phylogénétiques que l’enfant apporte en naissant et qui sont pour Freud « des précipités de l’histoire de la civilisation humaine ». En effet, et malgré les critiques dont elle fait l’objet, Freud se rallie jusqu’à la fin à la théorie du naturaliste Jean-Baptiste Lamarck (1744–1829). Il continue, en poursuivant tant dans son texte posthume Abrégé de la psychanalyse (1938) que dans son Moïse et le monothéisme (1939), où il écrit que « l’hérédité archaïque de l’homme ne comprend pas seulement des dispositions, mais contient aussi des vestiges de la mémoire et des expériences des générations antérieures » ». https://fr.wikipedia.org/wiki/Inconscient_collectif, section Apport de Sigmund Freud et de la neurophysiologie.

6 Voir par exemple : Glover V. et al., Prenatal maternal stress, fetal programming and mechanisms underlying later psychopathology, a global perspective, Development and Psychopathology, 30 : 853-854, août 2018. Ou Madigan S. et al., A Meta-Analysis of Maternal Prenatal Depression & Anxiety on Child Socioemotional Development, J. American Academy of Child & Adolescent Psychiatry, vol. 57, N. 9 : 645-657, sept. 2018.

7 J. Lacan, 1949, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », in Écrits, Seuil, 1966, p. 94. 293.

8 F. Dolto & J.-D. Nasio, L’enfant du miroir, Paris, Payot, 2002.

9 J.-R. Freymann, Les mécanismes psychiques de l’inconscient, Arcanes/Apertura & Eres, 2019.

10 L. Israël, L’hystérique, le sexe et le médecin, Masson, 1976.

11 L. Israël, La jouissance de l’hystérique, Arcanes, 1996.

12 F. Alexander, Psychosomatic Medicine, New York, Norton, 1950.

13 A. Garma, La psychanalyse et les ulcères gastroduodénaux, Paris, PUF, 1957.

14 P. Marty, L’Ordre psychosomatique, Paris, Payot, 1980.

15 S. Freud, Du bien-fondé à séparer de la neurasthénie un complexe de symptômes déterminé, en tant que « névrose d’angoisse » (1894) in Œuvres complètes, vol. III, Paris, PUF, 1989, p. 57.

16 P. Marty, L’Ordre psychosomatique, Paris, Payot, 1980.

17 Parmi les publications, signalons l’ouvrage fondateur de P. Marty, M. de M’Uzan et C. David, L’investigation psychosomatique : sept observations cliniques, Paris, PUF, 1963 et la Revue française de psychosomatique qui paraît depuis 1991.

18 http://fr.wikipedia.org/wiki/Résonance.

19 D. Lysek (sous la dir. de), Les maux du corps sur le divan. Perspective psychosomatique, L’Harmattan, 2015.

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