Psychanalyse et architecture – Plaidoyer pour une architecture humaniste

En mettant la parole au centre de sa pratique, la psychanalyse nous rappelle que la singularité de l’homme est d’être un être de langage (un parlêtre disait Lacan). Non seulement nous fabriquons du discours mais nous sommes aussi pris, et parfois bien pris, dans le discours des autres ce qui fait que quand je parle, ça parle aussi et même parfois à mon insu et que c’est même cela qui a amené la grande découverte de la psychanalyse, à savoir l’inconscient. L’architecture comme toute production humaine est donc aussi un discours même si c’est parfois à l’insu de celui qui le prononce. Comme votre habillement, votre voiture, votre logement parle de vous et en dit parfois plus que ce que vous croyez qu’il dit. Évidemment ce discours-là n’a rien à voir avec ce que les critiques appellent le vocabulaire des architectes qui se résume le plus souvent à des clichés réutilisés comme marques de fabrique.

Pour illustrer de quoi nous parle un bâtiment, je vais prendre un exemple que j’ai quotidiennement sous les yeux, la tour Europe du centre commercial de la place des Halles à Strasbourg (Fig.1). Conçue par l’atelier UA5 et construite en 1978, elle culmine à 64 m, elle est entourée de répliques. Nous avons affaire là à ce que j’appelle le degré zéro de l’invention architecturale. En fait l’invention des architectes, si on peut appeler cela invention, s’est résumée à la conception d’un module qui correspond à une fenêtre et qu’on a répété indéfiniment sur chaque façade. Pourtant malgré la pauvreté de la conception, cette architecture dit des choses et certainement bien davantage que ce que les architectes eux- mêmes pensaient dire. D’abord la répétition du même module incarne le fantasme d’une société industrielle qui pense qu’il suffit de reproduire à l’infini le même objet pour faire le bonheur des gens. Ensuite ces tours n’ont pas de toit, pas même de corniche ; l’arrêt à un certain étage est totalement arbitraire comme si on avait pu continuer indéfiniment. Autrement dit, ces tours participent de la croyance en une croissance infinie, source d’accumulation de richesses. Ces tours ont grandi comme les piles de pièces d’or de l’oncle Picsou ! Les quatre façades identiques nous disent aussi qu’à cette époque on pensait que l’homme et son habitat s’étaient totalement affranchis des lois de la nature par le chauffage et la climatisation. Il n’y avait plus lieu de différencier une façade nord d’une façade sud ou une façade est d’une façade ouest. Cette non-prise en compte de l’exposition solaire trahit aussi la croyance en l’inépuisabilité des ressources énergétiques. Ne parlons même pas de la symbolique de pouvoir et de puissance toujours liée à une tour. Comme vous pouvez le constater, cette architecture parle bien plus des lieux communs d’une époque aujourd’hui révolue, celle des trente glorieuses, que des architectes eux-mêmes qui auraient sans doute été surpris d’une telle lecture de leur œuvre. Ce n’est sans doute pas par hasard que cette Place des Halles est apparue si vite ringarde malgré ses liftings successifs. Donc une architecture même débile, ça parle et moins elle est intelligente, plus elle a de chances de n’entonner que les lieux communs d’une époque.

Il nous faut maintenant poser une autre question : avec quoi ça parle l’architecture ? Certainement pas avec des mots mêmes placardés sur les façades ni avec ce qu’on a appelé le vocabulaire des architectes ou des effets de style. L’architecture, ça parle avec des symboles, elle est avant tout un discours symbolique.

Pour ceux qui l’auraient oublié, les événements du 11 septembre 2001 sont venus le rappeler cruellement. Ne pouvant s’attaquer militairement à la puissance américaine, les terroristes ont choisi de détruire les symboles de la puissance économique et militaire des États-Unis. Et ces symboles c’étaient de l’architecture : les Twin Towers et le Pentagone. Au- delà du carnage humain (mais objectivement il ne représente pas plus que les morts par armes à feu aux États-Unis en un seul trimestre et ce dans l’indifférence quasi générale), on a pu mesurer, là, la force mentale des symboles.

À ne pas vouloir prendre en compte cette dimension essentielle de l’architecture, elle resurgit comme le refoulé inconscient là où on ne l’attend pas. Ainsi malgré tout le talent de l’équipe d’Architecture Studio, malgré tous les discours sur la démocratie, la pluralité, le bâtiment du Parlement Européen à Strasbourg (Fig.2) propose une architecture de pouvoir que je qualifierai de moyenâgeuse : une grande muraille entourée de douves et d’où surgit un donjon. Seule différence, la muraille est en verre pour matérialiser la transparence, mot magique qui, à lui seul, est censé résoudre toutes les perversités liées au pouvoir. Mais à l’intérieur, l’hémicycle lui-même du parlement est totalement opaque1. La transparence affichée n’est qu’un leurre !

Une fois la prise de conscience de cette dimension symbolique de l’architecture, on peut essayer de l’intégrer, d’en jouer en connaissance de cause. Je vais vous donner un exemple concret. En analysant les œuvres de Sinan, le grand architecte ottoman du XIVème siècle, qui a bâti les plus belles mosquées d’Istanbul qui servent encore aujourd’hui de prototype à quasiment toutes les mosquées du monde, je me suis aperçu que toute sa recherche était axée, et avec une invention chaque fois renouvelée, sur la manière de relier le plan carré du sol à la coupole circulaire. Pourquoi ? Parce que le carré symbolise la terre et la coupole le ciel et que la religion est une façon de relier les hommes à la divinité (Fig.3). J’ai donc repris cette problématique dans mon projet de mosquée lui aussi basé sur un plan carré au sol avec une coupole et j’ai dissocié tous les éléments traditionnels d’un bâtiment, sol, murs, toit, et les ai reliés par des vitrages et une verrière pour dire que c’est la lumière qui les unit, lumière symbole de la spiritualité.

L’architecture est aussi qu’on le veuille ou non un langage symbolique. Sans symboles pas de consensus possible entre humains, donc pas de civilisation. On pourrait formuler ceci : l’architecture est une organisation signifiante de l’espace.

Plaidoyer pour une architecture humaniste

Cette dimension de langage de l’architecture nous donne maintenant quelques outils pour définir ce que pourrait être une architecture humaniste. Mais d’abord essayons de décrypter ce lieu commun tout à fait aberrant : « Nos villes sont devenues inhumaines. » Et tout un chacun de penser : occupation forcenée de l’espace, bétonnage, pollution, nuisances automobiles, petite délinquance, anonymat, etc. Et pourtant quelle farce ! Comment un environnement exclusivement construit par l’homme pour l’homme qui s’appelle une ville peut-il être ressenti comme inhumain ? Comment cela est-il possible ? Mettons à part les problèmes socio-économiques (il n’est pas sûr qu’ils soient moindres à la campagne) et reprenons notre outil de lecture de l’architecture comme discours. De quoi nous parle l’architecture de nos villes modernes ? Elle nous parle de contraintes liées à la circulation ou au stationnement automobile, de contraintes réglementaires d’urbanisme (c’est-à-dire du pouvoir de l’administration pour le bien des administrés, cela va de soi), exceptionnellement de virtuosité technique ou formelle de rares architectes mais surtout et avant tout et constamment de contraintes économiques. Le bâtiment est devenu avant tout un outil de rentabilité financière et ce, de plus en plus à court terme. Nous voyons apparaître là le personnage clé qui façonne nos villes contemporaines, le promoteur. Voilà de quoi nous parle l’architecture de nos villes. Et de quoi ne nous parle-t-elle pas ? Tout simplement des hommes et des femmes qui y vivent, y travaillent, y aiment, y meurent. Alors comment faire pour qu’une architecture devienne humaine ?

Mais d’abord qu’est-ce qu’une architecture humaniste ? Je répondrai ceci : une architecture dont tous les éléments sont envisagés non seulement comme une fonction (les ravages du fonctionnalisme n’ont pas encore fini de sévir) mais aussi comme un langage qui parle des hommes et des femmes à qui cette architecture est destinée. Comment faire ?

Je suggérerai d’abord au ministre du logement de prendre trois mesures simples.

  1. Inclure dans la formation des architectes un stage obligatoire en milieu médical ou paramédical pour que les étudiants prennent conscience du « poids » d’un corps humain, de son rapport à l’espace, de ses contraintes, de ses limites. L’architecture est destinée à des corps humains. Nous ne sommes pas des oiseaux et pourtant on fait vivre les gens dans des espaces entre ciel et terre nommés tours et où notre semblable au sol ressemble à une fourmi.
  2. Obliger tous les promoteurs à suivre une formation en histoire de l’architecture, architecture et urbanisme sanctionnée par un diplôme. L’inculture des gens qui font nos villes est proportionnelle à leur appétit financier. Jamais encore dans notre civilisation, le fossé n’aura été plus grand entre pouvoir économico-financier et culture.
  3. Pour toute nouvelle norme, en supprimer non pas une mais dix autres ; au moins serait-on certain que cette norme est indispensable car au rythme actuel, on ne fera bientôt plus qu’une architecture normative.

Aux enseignants en école d’architecture, je proposerai de mettre l’accent sur un certain nombre de points qui me paraissent fondamentaux pour qu’une architecture ait une chance de devenir humaniste et humaine.

  1. Faire prendre pleinement conscience aux étudiants que les espaces créés par l’architecture ne sont pas statiques mais qu’ils organisent, conditionnent, guident les déplacements du corps humain tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ceux-ci.
  2. Réinscrire les bâtiments dans le cycle jour-nuit, symbole de la vie et de la mort qui donne sa dimension spirituelle à l’homme. Pour ce faire il faudrait une réflexion un peu plus approfondie que de dessiner des petites fenêtres au nord et des baies vitrées au sud.
  3. Concevoir des bâtiments qui ne soient pas interchangeables quelle que soit leur fonction en leur donnant une spécificité dans le tissu urbain et en les faisant parler de leurs occupants et de leur histoire. Comment a-t-on pu imaginer donner la conviction à chacun qu’il a sa place dans une société en le faisant vivre dans des logements totalement standardisés ? Quand prendra-t-on conscience de la violence des façades des barres de nos cités proclamant à longueur de vie que leurs occupants sont interchangeables et n’ont qu’un destin, rester anonymes. « Bâtir, c’est s’inscrire dans un territoire, et dans son histoire. Imaginez un bâtiment et mettez-le ailleurs : si ça va, c’est qu’il n’a rien à faire là » a récemment déclaré Jean Nouvel2.
  4. Rendre possible le dialogue entre les espaces intérieurs et extérieurs par ce que j’ai appelé les espaces de transition, les dedans-dehors et les dehors-dedans afin d’éviter les affrontement brutaux signes d’exclusion. Ce point mérite une petite explication.

L’objet de l’architecture, pour le dire de façon un peu provocante, est de fabriquer du vide. Il ne s’agit pas de poser un bloc de béton au milieu d’un champ de patates mais de concevoir et de fabriquer un espace creux qui soit abrité des intempéries, vent, pluie, froid, soleil, chaleur, dans lequel des hommes et des femmes puissent vivre, travailler avec un minimum de confort et de sécurité. L’architecture est donc une enveloppe séparant un espace abrité d’un espace extérieur, autrement dit c’est une peau ! Il suffit de voir un immeuble en démolition pour se rendre compte que l’architecture est avant tout du vide, un espace creux ou des espaces creux (les appartements) séparés entre eux ou de l’extérieur par de minces cloisons.

Cette notion d’enveloppe, de peau, permet déjà d’appréhender quelques-uns des enjeux de l’architecture. L’architecture est le lieu où se joue la séparation abrité-exposé, dedans-dehors, intérieur-extérieur, privé-public, soi-non-soi, ce qui est caché et ce qui est donné à voir, etc. Lieu de séparation cette enveloppe est aussi un lieu de dialogue entre ces enjeux. Comment ? Par ce que j’appelle des espaces de transition entre le dedans et le dehors. Ainsi un perron, un auvent, un hall d’entrée, une coursive sont des espaces publics faisant partie du bâtiment (même si la mode des digicodes en restreint l’usage). Ce sont des dehors-dedans. Un balcon, une terrasse, une loggia, un patio sont des espaces privatifs ouvrant sur l’extérieur. Ce sont des dedans-dehors. Certains espaces peuvent participer de plusieurs définitions. Un cabinet médical, un commerce, un café, un restaurant, une salle de spectacle, un service public, un musée, un lieu de culte, sont des dehors-dedans lorsqu’ils sont ouverts au public et des espaces privés, des dedans, une fois fermés. À l’inverse, une terrasse de café est un dedans-dehors provisoire.

On peut caractériser de la même façon les espaces extérieurs. Une rue est un espace en creux non abrité, un vide, qualifié par les enveloppes des bâtiments qui la bordent mais aussi par les espaces de transition (commerces, cafés, coursives, balcons, etc.). Abstraction faite du problème d’échelle qui est fondamental, on pourrait proposer l’équation suivante : plus il y a d’espaces de transition, moins l’enveloppe qu’on appelle architecture apparaîtra comme une muraille qui confisque l’espace collectif au profit de quelques-uns et plus l’espace creux nommé rue apparaîtra humain. C’est le cas d’une rue historique de centre-ville par exemple (Fig. 4). Les espaces de transitions y sont en général nombreux. En traversant ces rues, le passant a l’impression qu’il peut s’approprier de multiples dehors-dedans et qu’il peut dialoguer avec les habitants grâce aux dedans-dehors. Le contre-exemple en est nos cités (Fig. 5). Les dehors-dedans se limitent à l’indispensable, les halls d’entrée et les rues ont disparu au profit des parkings pour voitures. Où sont les espaces de transition et de dialogues que peuvent s’approprier les habitants ? Faut-il dès lors s’étonner que les entrées d’immeubles soient squattées et que les voitures brûlent sur les parkings ?

Cette réflexion conduit donc à la nécessité d’un dialogue entre le dedans et le dehors, entre le chez-soi claquemuré et l’extérieur hostile. Nous sommes très loin de la notion de « peau », le plus souvent en verre ou en métal, cache-misère de l’architecture contemporaine et empêchant tout véritable dialogue.

  1. Enfin donner aux futurs architectes les moyens et les stratégies pour résister à la pression financière des promoteurs.

Naïvetés d’amateur, utopies, oui tant qu’on laissera, aux seuls promoteurs et à eux seuls, le soin de faire nos villes, oui tant que le profit et seulement le profit bâtira nos cités.

Illustrations pages suivantes

Fig. 1 : Strasbourg, Place des Halles.

Fig. 2 : Strasbourg, Parlement Européen.

Fig. 3 .: Concours de la Grande Mosquée a Strasbourg, projet Pfister-Valente, 2000 Vue intérieure de la salle de prière.

Fig. 4 : Strasbourg, rue d’Austerlitz.

Fig. 5 : Strasbourg, rue de Boston.

1 Au dernier moment, on a cru bon de percer une petite fenêtre linéaire pour pouvoir profiter de la vue sur l’eau. Au Moyen-Âge cela s’appelait une meurtrière…

2 Jean Nouvel, Une autre perspective, Le magazine du Monde du 17 octobre 2015.

Lecture et présentation de « La vieillesse en analyse », de Charlotte Herfray

Charlotte Herfray, La Vieillesse en analyse, Arcanes-érès, 2015.
Lu par Matthieu Bergeon1

 

Introduction

Nous avons choisi d’appréhender la question de l’âge avancé, celui qui représente le dernier temps de la vie avant la mort. On l’appelle également vieillesse, grand âge ou bien encore âge avancé.
Les écrits ne manquent pas sur le sujet, les approches non plus, mais c’est la théorie psychanalytique qui a finalement retenu notre attention. Cela fait suite à une Rencontre.

Entre tous, nous avons donc entrepris d’étudier le livre de Charlotte Herfray, La vieillesse en analyse, publié la première fois en 1993 chez Desclée de Brouwer, puis réédité en 2007 chez érès dans la collection « Hypothèses », et plus récemment en novembre 2015.
Charlotte Herfray est Strasbourgeoise, psychanalyste ; elle a été enseignante et chercheuse à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, après un doctorat en psychologie et en sciences de l’éducation.

Pour avoir eu la chance de l’entendre parler à différentes occasions, alors âgée de plus de 80 ans, impossible de ne pas dire à quel point fait envie son énergie, son enthousiasme et son humour, au-delà bien évidemment de la richesse et de la pertinence de ce qu’elle a à transmettre.
Mais d’où cela peut-il bien lui venir? « Du Désir », répondrait-elle sûrement…
Le Désir, en tant que concept psychanalytique, il en sera question dans notre travail, aux côtés d’autres concepts incontournables, fondamentaux, à travers lesquels nous essaierons d’éclairer et de re-lier à « La vieillesse avancée et aux temps de la fin », titre du dernier chapitre de l’ouvrage.

Nous insisterons sur l’hypothèse théorique de l’auteur, selon laquelle la vieillesse serait un temps où « l’enfance fait retour ».
Nous illustrerons notre propos en allant puiser dans la littérature, la chanson française et le cinéma.
Un dernier mot d’introduction pour exprimer que cet exercice d’écriture, d’élaboration et de formalisation, n’a pu se faire que dans un « aprèscoup », c’est-à-dire après avoir laissé passer du temps, car le sujet de la mort n’est pas sans avoir pour effet de remuer…

 

Partie 1

Dans la première partie de l’ouvrage, La vieillesse en analyse, l’auteur élabore une définition de la vieillesse en prenant appui sur une image d’Épinal du XIXe siècle qui représente la vie comme un cycle. L’interprétation que la psychanalyste donne la conduit à formuler l’hypothèse suivante, à savoir que si toute vie a bel et bien un début, un commencement et une fin, cette fin est un temps où quelque chose de l’enfance fait retour. Il y a une symétrie entre la première partie du cycle de la vie et la dernière. L’acmé se situant à l’âge de cinquante ans.

À l’intérieur de ce cycle, on trouve un certain nombre d’étapes que l’être humain est amené à franchir jusqu’à l’ultime étape qu’est la mort.
Ce qui retient l’attention de Charlotte Herfray, c’est que ce qui ponctue le passage d’une étape ou d’un temps de la vie à un autre, c’est ce qu’elle va qualifier de « crise ». Nous sommes allés rechercher l’étymologie de ce vocable : crisis en latin médiéval signifie la manifestation violente, brutale d’une maladie qui s’accompagne d’un changement de symptômes ; Krisis en grec signifie jugement, décision.

La crise renvoie donc à un moment crucial où, en quelque sorte, tout doit se décider. C’est le moment ou jamais. Ce vocable contient l’idée d’un vécu douloureux mais également un moment d’opportunité. Dans le champ de la psychologie appliquée au développement, la crise marque les changements importants dans l’évolution de l’enfant qui grandit et favorise son passage d’un état à un autre.
Selon Charlotte Herfray, la vieillesse comporte des moments de crise. La résolution de ces différentes crises vécues différemment par chacun, passe par l’acceptation d’avoir quelque chose à perdre…
Le sujet est tout d’abord touché dans son estime. L’amour propre prend un coup, par exemple lors du passage de la vie active à la mise à la retraite. Le sentiment d’inutilité qui surgit plus ou moins à la conscience de celui ou celle à qui la société impose de se tenir à l’écart de l’activité professionnelle ébranle ce qu’en psychanalyse on nomme le narcissisme (Freud, Métapsychologie, 1914).

Être contraint de rester sur la touche alors que parfois on se sent encore des capacités, des compétences, de l’énergie, de la force, renvoie au fait que le monde du travail et des travailleurs n’a plus besoin de compter sur nous. « Je ne compte plus pour personne », « je ne suis plus bon à rien », « à quoi bon ? » sont des phrases lourdes de sens que peuvent parfois prononcer des personnes qui souffrent narcissiquement. C’est-à-dire qu’elles vivent la retraite sur le mode d’un retrait irréversible qui affecte la totalité de leur être-au-monde. Il s’agit bien là d’une perte à travers le changement d’un statut à un autre, d’actif à inactif, de quelqu’un à plus personne, voire à plus rien.

Renaud, dans son album À la belle de Mai, a écrit une chanson qui s’intitule « Son bleu » et qui résume bien ce sentiment d’avoir tout perdu :
« Cinquante balais c’est pas vieux, Qu’est-ce qu’il va faire de son bleu, De sa gamelle de sa gapette,
C’est toute sa vie qui était dans sa musette. »

Le narcissisme traduit l’amour que l’on se porte à soi-même. Un narcissisme minimum est nécessaire, ne serait-ce que pour se maintenir en vie.
La psychanalyse parle de « blessure narcissique » lorsque l’estime que j’ai pour moi est ébranlée à l’occasion d’un événement extérieur qui atteint les profondeurs de mon être.

Avec l’exemple de la retraite, Charlotte Herfray analyse ce qui pourrait correspondre à l’entrée, pour le sujet, dans le temps de la vieillesse, en ce sens qu’il est le signe d’une crise de la vie et d’un basculement que chacun traverse en fonction de ses propres ressources, de la subjectivité de son parcours et de son entourage affectif.
Ce qui est véritablement mis à l’épreuve, c’est notre capacité à faire des deuils, c’est- à-dire à nous enrichir de nos pertes. C’est ce que nous allons tenter d’expliciter dans ce qui suit.

 

Partie 2

Après avoir évoqué ce que représente la vieillesse d’un point de vue psychanalytique, donc du côté de l’inconscient et de la subjectivité, à la suite de Freud et de Lacan, Charlotte Herfray s’est intéressée dans un second chapitre à ce dont « parle la vieillesse » après l’étape de la retraite, entre crise et deuil.

Vieillir, être vieux, c’est apprendre à être ce qu’on n’est plus, ce que l’on ne sera plus jamais et faire avec. Quelque chose est derrière nous, et définitivement. Le travail de deuil a intimement à voir avec le temps. En effet, le temps fait sa part de travail dans tout travail de deuil, pourrait-on dire. Et sur le temps qui passe nous n’avons aucune prise. Impossible de l’arrêter, l’accélérer ou le faire ralentir ! À ce propos, on se souvient du poème de Lamartine et du célèbre vers : « Ô temps, suspends ton vol »… Le temps passe et il ne revient pas.
Avec l’âge qui avance une prise de conscience émerge, c’est justement celle, non pas du temps déjà parcouru, mais imaginairement de celui qu’il reste à parcourir. Aussi, cette réalité est accompagnée d’un cortège d’angoisse. Comme un sentiment d’urgence à vivre devant cette échéance inévitable qu’est la mort.

L’Angoisse est un concept psychanalytique complexe auquel Jacques Lacan a consacré l’intégralité d’un de ses séminaires. L’angoisse n’est pas le propre du grand âge, mais sa proximité d’avec la mort produit chez le sujet vieillissant cette forme spécifique d’anxiété devant cette question qui reste sans réponse.
Cette absence de réponse à la question de la mort, ce vide, chacun tente de le remplir comme il peut afin de mieux le supporter. C’est à cet endroit que viennent se loger les croyances de toutes sortes. L’humain en appelle à l’imaginaire et à la symbolisation pour supporter l’insupportable et être en mesure de continuer à vivre ces temps de la fin où il se vit comme se sachant mortel.
Ce qui habite le sujet une bonne partie de sa vie est un sentiment d’immortalité. Or, devenir vieux c’est justement être confronté à la dure réalité de notre temporalité donc de notre finitude. Cette réalité passe par le Réel. Le Réel est un autre concept psychanalytique fondamental élaboré par Jacques Lacan et qui se loge au sein de la triade : Réel, Symbolique, Imaginaire (Séminaire XXII « R.S.I »).

Le Réel se situe hors symbolique et imaginaire. Il n’est pas à confondre avec la réalité. Le Réel échappe à la raison, c’est l’impossible à dire. D’une certaine manière, pour prendre une image, c’est l’arbre qui tombe sur la voiture, mais sans le dire car se serait alors déjà une tentative de symbolisation. En psychanalyse, il est coutumier de dire que le Réel « fait effraction » dans le champ de la conscience, ou du Moi pour reprendre une notion freudienne. Hors langage, donc. C’est en ce sens qu’il est angoissant.

Nous n’avons finalement de prise sur le Réel qu’à travers le discours métaphorique et métonymique. Grâce à la faculté langagière propre à l’être humain, le trauma causé par le Réel peut éviter de devenir un traumatisme. C’est la raison pour laquelle les cellules d’« urgence psychiatrique et psychologique » mises en place par exemple immédiatement après un événement comme un attentat, incitent les victimes à parler, à exprimer ce qu’elles viennent de vivre.

Charlotte Herfray fait référence à ce concept relativement difficile à expliquer lorsqu’elle aborde les marques du vieillissement sur le corps, son affaiblissement, la diminution des facultés physiques et psychiques, la fatigabilité, la maladie. Ce sur quoi le sujet ne peut pas grand-chose, a peu de prise. Le Réel passe donc par le corps sans que l’on puisse s’y soustraire, y échapper.

Cependant, la distinction Réel et réalité renvoie à la façon dont le sujet vit les effets irréversibles de ce Réel sur son propres corps, à travers le discours qu’il produit. On en arrive ici à un élément clé de l’approche de la question de l’âge avancé d’un point de vue psychanalytique, à savoir la subjectivité.
La subjectivité fait de tout homme un « être à part ». C’est de cela dont témoigne le travail de la cure psychanalytique, une expérience singulière et au singulier. Personne ne vit strictement un événement objectivement similaire, de la même manière. Chaque production du discours atteste de la réalité subjective, voire de ma vérité propre.

« Le sujet qui parle ne sait pas ce qu’il dit » nous apprend Lacan. Il dit des choses à son insu et qui le révèle aux autres et à lui-même. Ce qui lui échappe se traduit par des lapsus, des oublis, des actes manqués, des néologismes, comme Freud l’a démontré dans sa Psychopathologie de la vie quotidienne (1901). Il s’agit de manifestations de l’inconscient, toujours originales, inédites, elles trahissent la vérité du sujet et de son Désir.

L’inconscient est a-temporel. Le matériel qui le constitue n’est pas organisé chronologiquement. L’inconscient ne se détériore pas avec le temps. Ce qui fonctionne moins bien avec l’âge avancé, c’est le mécanisme de refoulement. Cela a pour conséquence de rendre plus perméable au champ de la conscience les éléments contenus voire constituant l’inconscient dans son acception freudienne.
Ce que Charlotte Herfray a repéré chez la personne âgée, au gré de sa pratique de clinicienne, ce sont des souvenirs anciens, parfois même très anciens, qui refont surface avec une étonnante précision et intensité émotionnelle. Des paroles entendues, des événements vécus, des images, des sensations et des émotions associées reviennent, « font retour » en langage psychanalytique, involontairement.

Parmi ces souvenirs, le sujet dans sa subjectivité se retrouve en proie à un re- surgissement d’un moment particulièrement douloureux chez le nouveau-né et que Freud a désigné sous le terme d’Hilflosigkeit, c’est-à-dire le sentiment d’abandon. Il en est question lorsque l’infans, l’enfant qui ne parle pas encore, accède à ce qu’on appelle sa « corporéité », autrement dit qu’il est physiquement séparé du corps de sa mère. Cela provoque vers sept ou huit mois une angoisse profondément douloureuse dont chacun porte en lui la marque, le signe, la trace.

Cela fait retour donc, comme Charlotte Herfray a pu le constater. Par quoi cela se traduit-il chez le sujet âgé ? Pour en donner une illustration nous allons faire référence au film de Michael Haneke, Amour, qui met en scène dans le huis clos d’un appartement parisien, un couple de personnes âgées dont la femme devient de plus en plus démente et dépendante. Condamnée à être alitée, elle répète inlassablement la même plainte : « Mal, mal, mal… ». Il paraît évident qu’elle doit souffrir physiquement, mais lorsque son époux s’assied près d’elle et lui prend la main, soudain elle s’arrête.
La souffrance physique ne disparaît pas de la sorte, par contre, la souffrance morale ou la détresse insondable se trouve apaisée. Le contact bienveillant se révèle essentiel, précieux, dans ces moments-là, surtout s’il s’accompagne de paroles qui sont prononcées dans une langue qui n’est pas n’importe laquelle, la langue maternelle.

D. Winnicott, psychanalyste anglais spécialiste de l’enfance, affirme que le bébé a besoin de « paroles enveloppantes ». Paraphrasant un passage biblique du Nouveau Testament, Charlotte Herfray rappelle au moins à trois reprises dans son ouvrage que « l’homme ne se nourrit pas seulement de pain ». Ce n’est pas sans évoquer la définition que donne Lacan de l’être humain, avec ce néologisme : « le parlêtre » (1974).

L’autre bienveillant, qui touche et qui parle à celui qui s’éteint, quand il ne se trouve pas mû par le projet égocentré de maintenir ainsi la personne en vie le plus longtemps possible, peut avoir un effet anxiolytique.

À ce propos Freud cite l’exemple d’un jeune garçon qui, parce qu’il a peur de la nuit, demandait à sa grand-mère chaque soir pour pouvoir s’endormir de lui parler. L’enfant aurait expliqué qu’ « il fait moins noir lorsque quelqu’un parle » ! (Introduction à la psychanalyse, Freud, 1923).
Jusqu’à la fin, l’être vivant est un parlêtre, même s’il a perdu l’usage de la parole.
La vieillesse est un temps de la vie, ponctué de crises, de deuils à accomplir et où, petit à petit, l’enfance fait retour. Du Réel s’exprime à travers le corps qui se meurt et la temporalité resitue le sujet comme mortel alors qu’il se vivait jusqu’ici comme immortel. De l’Angoisse surgit là où la question de la mort ne trouve pas sa réponse. Être enveloppé par des paroles évocatrices de la mère à travers la langue maternelle introjectée dès le commencement de la vie in utero, fait rimer les temps de la fin avec ceux du début.

Mais qu’en est-il de la question du désir dont Charlotte Herfray précise l’« indestructibilité » ? C’est ce que nous allons examiner dès à présent, en référence au dernier chapitre de l’ouvrage, « La vieillesse avancée et les temps de la fin ».

 

Partie 3

Aussi affaibli, malade, souffrant, meurtri par un vieillissement inexorable, le corps abrite cependant un esprit au « Désir indestructible ». Ce Désir ne se laisse pas altérer par le temps qui passe, ni par l’accumulation des années et des expériences de la vie. C’est une force désirante qui habite le sujet. Sujet de l’Inconscient, il est aussi sujet désirant.

Lacan s’est inspiré de la notion hégélienne de désir pour en créer un concept psychanalytique. Comme chez le philosophe allemand, le désir est propre à l’humain. Il naît du manque. Le désir renvoie à la question d’objet. En psychanalyse, c’est-à-dire du point de vue de l’inconscient, l’objet du Désir n’est pas un désir d’objet. Autrement dit, son objet ne peut se matérialiser. Il fait partie intégrante de la vie psychique. D’une certaine manière on pourrait dire que c’est ce qui nous anime (du latin « anima » : l’âme ), nous pousse à réaliser tel ou tel projet, activité, réalisation, création, qui apportent de la satisfaction, un sentiment de plaisir, de bien-être.
Mais, appliqué à la personne âgée, le Désir se heurte au Réel. Pour Lacan, il y a dialectique. La réalité désirante est limitée par la réalité du corps vieillissant. En effet, le poids des années qui pèse sur le corps handicape le sujet dans ses réalisations qui nécessitent des capacités physiques. Et pourtant, elle ne peut se résoudre à ne plus rien désirer au risque de sombrer dans la mélancolie ou la mort.

Dans son troisième et dernier volet documentaire sur Najac, Y’a pire ailleurs, le réalisateur Jean-Henri Meunier filme un très vieux garagiste, Henri Sauzeau qui, malgré son âge, a toujours continué à réparer ses voitures et à travailler à la réalisation de son rêve, fabriquer un hélicoptère. Son savoir-faire était reconnu et on venait le voir pour lui demander son aide. Mais il arrive un jour où il prend véritablement conscience qu’il en est de moins en moins capable. Voici ce qu’il dit à un moment clé de son histoire, un verre de café à la main, assis dans sa cuisine :
« J’en ai ras le bol, je suis sur les nerfs, sur les nerfs mon pauv’vieux, j’peux pas faire comme je veux alors j’suis pris au piège, je peux plus passer sous la voiture, comment on va devenir, oui, c’est comme ça la vie. »

Henri Sauzeau sera hospitalisé suite à une fracture du bassin. Il mourra peu de temps après…
Lorsque la perte est vécue comme insupportable, le sujet se laisse littéralement mourir. Il n’est pas rare de constater ce phénomène chez les personnes âgées alors qu’elles se trouvaient en relative bonne santé. Il n’est pas rare non plus d’observer que ces temps de pertes successives et irréversibles subies ne signent pas pour autant d’arrêt de mort, et que l’être vivant s’accroche à la vie, au désir de vivre.

Le mécanisme psychique à l’œuvre selon Freud est désigné par le terme de « sublimation ». Il s’agit de la capacité spécifiquement humaine à orienter vers un autre objet une satisfaction impossible via l’objet initial. Lorsque cela se produit, cela donne lieu par exemple à des créations protéiformes, artistiques, intellectuelles voire contemplatives.
Si, trop âgé, trop faible ou diminué, je ne peux plus faire ou agir en mettant en mouvement mon corps vers la satisfaction de ma pulsion à travers un objet initial, je peux néanmoins écouter, sentir, voir, goûter, écrire, penser, rêver, transmettre…

L’hypothèse psychanalytique que l’enfance fait retour dans les temps où la vie prend fin est corroborée également par l’incontinence urinaire et fécale chez les personnes âgées. Des fonctions acquises dans la petite enfance se perdent de manière irréversible et progressive, comme celles de marcher seul, de se nourrir seul, de s’habiller seul, de se laver seul. Certaines fois, la fonction de la parole disparaît et les sons encore prononcés ressemblent étonnamment aux babillages enfantins pré-langagiers.
En perte d’autonomie, le sujet devient ou plutôt redevient dépendant des autres pour assurer son bien-être et sa survie. Il en résulte un renversement parents-enfants. L’enfant a le sentiment paradoxal d’être le père ou la mère de son propre père ou mère devenu comme un enfant. Il est ainsi amené parfois à accomplir des gestes et des actes en direction de la personne qui naguère les réalisait pour lui. Cela n’a rien d’évident. Cela ne va pas toujours de soi. Beaucoup de choses resurgissent à cette occasion qui ont à voir avec la relation parents- enfants, voire entre frères et sœurs.

L’écrivain Annie Ernaux a tenu un journal pendant les trois dernières années de la vie de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, qu’elle a passées dans une maison de retraite. Elle écrivait ce qui lui venait spontanément à l’esprit, immédiatement après chacune de ses visites. Voici de quelle manière elle exprime, dans Je ne suis pas sortie de ma nuit, cette expérience de renversement que nous évoquions :

« samedi 27 (avril 1985)
(…) Elle mange bien. Ensuite elle veut se laver les mains. Je la conduis au cabinet de toilette : « Je vais en profiter pour faire un petit pipi ». Elle n’arrive pas à enlever la culotte de résille pleine de couches : « Ils en mettent trop ». Je l’aide, ensuite lui remets la culotte. Une enfant. Tout est là. (…) »
« mercredi 23 (octobre 1985)
(…) Je me suis mise à lire un journal. Elle a tendu sa main vers le papier des gâteaux et je le lui ai donné comme à un enfant. Une minute après, levant les yeux, je me suis aperçue qu’elle le mangeait. Elle ne voulait pas que je le lui enlève, serrant les doigts avec force. L’horreur de ce renversement mère/enfant. »

En ces temps de la fin où l’enfance fait retour, le sujet vieillissant vit des pertes irréversibles qu’il parvient parfois à sublimer. En proie au Réel, il est renvoyé à la dialectique subjective de son désir et il trouve quelquefois au fond de lui-même un nouveau sens à la vie. Les proches, quant à eux, vivent comme ils peuvent un renversement paradoxal des rôles parents-enfants mais, au-delà, chacun se trouve interpellé sur la question de la vie et de la mort, de sa vie et de sa mort.

Avant de conclure ce travail, voici un extrait de l’ouvrage de Charlotte Herfray qui a accompagné et guidé l’ensemble de notre réflexion sur la question de La vieillesse en analyse :
« (…) Nous avons voulu mettre l’accent sur l’importance de la symbolisation au fil des crises de l’existence et tout particulièrement quand elle s’achève. Car la mort ne se théorise pas : elle se symbolise. Notre interprétation est infléchie, comme toute interprétation, par les propres lettres de l’interprète que nous sommes. D’où la dimension subjective qui sous-tend le présent travail et qui affleure nécessairement dans la manière dont nous faisons lecture des phénomènes en question. Signifiante du fait que la finalité de l’existence c’est la mort, la vieillesse nous appelle à interroger et à ne cesser de déchiffrer le texte mystérieux auquel tout ce qui vit est soumis et qui régente donc aussi notre propre existence. Lors des épreuves ce mystère fait quelquefois écho au niveau de notre propre expérience quotidienne : il importe alors de n’en point négliger les leçons (…) » p. 174

 

Conclusion

Notre travail sur la question de la vieillesse et de la mort du point de vue de la psychanalyse se termine ici. Au fil du texte, nous avons revisité avec Charlotte Herfray nombre de concepts fondamentaux de la théorie de l’inconscient.

Nous avons tenté d’élaborer une réflexion la plus originale possible en laissant, une fois l’ouvrage lu, fermé, et en procédant par associations d’idées, technique privilégiée par les psychanalystes pour que du savoir insu (Lacan) puisse se dire.
Il y a eu subjectivation, c’est-à-dire réappropriation subjectivée du contenu de la réflexion de Charlotte Herfray. Cependant, nous avons essayé d’être attentifs à respecter une rigueur conceptuelle primordiale.

Les choix de références culturelles et artistiques se sont faits spontanément, productions issues de l’imagination d’un auteur ou bien de la réalité, cela fonctionne systématiquement comme témoignage. C’est cette singularité que nous avons tentée de saisir, de capter et d’interpréter.

Enfin, d’un point de vue éthique, nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur les processus de déshumanisation à l’œuvre dans notre société contemporaine où la vieillesse et la mort semblent niées. La psychanalyse, dans sa dimension politique, est là pour nous alerter sur les dangers d’un « retour du refoulé » dont tout tabou ou déni font à un moment ou à un autre l’objet.

Albert Camus a écrit que « l’homme est le seul animal qui sait qu’il va mourir ». Osons la paraphrase en guise de conclusion à notre conclusion : « L’homme contemporain est sans doute le seul animal qui met tout en œuvre pour surtout ne pas se savoir mortel ! »

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1 Matthieu Bergeon est Assistant social au Centre Hospitalier de Rouffach, Formateur en travail éducatif et social à l’IFCAAD, diplômé en Sciences de l’Éducation et en Éthique (Centre Européen d’Enseignement et de Recherche en Éthique).

 

Bibliographie

Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit, Gallimard, coll. « Folio », 1997.

Michael Haneke, Amour, avec Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert, France-Autriche, Drame, 2012, 2h06 mn.

Charlotte Herfray, La vieillesse en analyse, Arcanes-érès, coll. « Hypothèses », 2007. Jean Henri Meunier, Y’a pire ailleurs, France, Documentaire, 2011, 1h32 mn.

Jean-Luc Nachbauer et Antoinette Spielmann, avec Charlotte Herfray, L’abécédaire de Charlotte Herfray, France, Documentaire, 2011, 52 mn.

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