Je tourne autour de l’idée - « ouvrir la parole ?.. » - depuis deux à trois semaines à présent.
Par quel bout l’attraper ? Comment en dire quelque chose, en faire entendre quelque chose ? J’ai tenté, d’une façon puis d’une autre, ratages successifs - les mots se font explicatifs, affirmatifs, péremptoires, rhétoriques - petits cailloux noirs et lisses, pleins, lourds, ils s'amoncellent et s’agglomèrent en pierres compactes, monolithes, pierres tombales - « ci-gît le mouvement désirant », « ci-gît le sujet ».
Et c’est bien l’idée, précisément. Si le discours, si les mots ne portent pas en eux une brèche, une vacuole, un petit espace où peut venir se loger l’autre, alors la parole n’est qu’enfermement.
Notre métier d’analyste est complexe à définir : quel acte analytique ? Ce pourrait en être une version, peut-être : ouvrir la parole. La rendre ouvrante, lui rendre ses potentialités ouvrantes, « œuvrantes »...
L’acte analytique opère avec la matière de la parole, sur la matière de la parole, articulée à la matière du corps. Rien ne peut bouger, s’il n’y a d’abord ouverture de la parole elle-même ?..
Puisque « ceci est un édito », ou censé l’être, en voici une illustration actuelle : tensions de la situation socio-politico-sanitaire, les discours courants (de structure spontanément fermée, fermante, mais aussi constituante) se raidissent encore. Affirmations, slogans, mots d’ordre. Ça ne se discute pas. « Réponse » : théories complotistes, discours en écho tout aussi fermés et enfermants.
Et sur les divans résonnent et s’entendent les suffocations.
Il est vital - mais quel effort ! - de percer des trouées dans l’horizon bouché.
Puisque « ceci est un édito », ou censé l’être, encore : les textes rassemblés ici témoignent, chacun dans son style personnel, de la nécessité du geste d’ouvrir la parole, de ne pas laisser les mots se refermer sur le leurre de leur complétude, et leur force d’inertie écrasante.
Textes en prise avec le discours courant le plus actuel (autour du « rapport des mille jours » par exemple, autour des effets de la pandémie...), textes en prise avec la pratique et la théorie (comment tordre quelque peu les concepts et les théories établies, afin de les rendre parlants ?..).
Alors bonne lecture, ou plutôt... belles ouvertures ?..