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Amours et transferts pour survivants

par Jean-Richard Freymann, 7 Avril 2020

Ceux qui essaient de parler ne sont pas encore des rescapés, puisque plane autour de chacun d'entre-nous la menace de la mort, le risque de sortir, le danger de tuer l'autre... et l'attente d'un réveil qui ne cesse pas de ne pas advenir.

Peut-être comprendra-t-on un peu mieux la phrase de Lacan à propos de Freud « quand la plume lui est tombée des mains », « Nur der Tod ist umsonst »... seule la mort est pour rien. Quel poisson d'avril nous a forgé le réel ?

L'épreuve actuelle me renvoie à des événements qui ont changé mon monde, la disparition de mes parents, le fracas d'un infarctus, plusieurs souvenirs qui renvoient à la mortalité tant déniée. Mais aussi, à un autre vécu, autrement traumatique, celui où le monde de 68 s'est effondré, à l'âge de 18 ans, ce qui semblait tenir de notre société, un écroulement politique s'est fait : quelques temps plus rien ne tenait, les leaders avaient perdu la main, il risquait de se créer une révolution alors que le monde des répétitions ne tournait plus sur ses certitudes.

« Mais que diable, cela a-t-il à voir avec « Amour et Transfert » ?

Il y en a au moins un : notre mission face au confinement est de pousser à un « plus de transférisation », qu'est-ce à dire ? Trouver les moyens de solliciter l'axe métaphoro-métonymique de convoquer le sujet-supposé-savoir, de faire appel à l'amour de transfert, comme le souligne aussi Marcel Ritter.

En effet cette situation de confinement met les individus en « arrêt sur image », dans le même état onirique que celui des rêves d'angoisse : il y a du « Schreck » (de l'effroi) dans l'air. Il faut beaucoup d'amour pour supporter cette présence imposée des autres, d'être figé dans un refus de l'ailleurs.

Après trois semaines de confinement j'en dirai que les rapports singuliers à l'angoisse et à la thymie poursuivent leurs évolutions. Et c'est parfois ceux-la même qui sont des confinés psychiques qui pour l'instant supportent le confinement. Et pour certains, le « présentiel » est nécessaire, la

présence réelle s'avère indispensable. Et c'est là où repose la question actuelle des rapports entre la présence affirmée, les amours et les différents transferts.

Je disais dans mon livre (non présenté) Amour et Transfert que « dans le monde contemporain la dialectique Amour et Transfert prend de nouvelles formes singulières ». À présent, il faudrait développer leurs liens avec les pulsions de mort et les pulsions d'auto-conservation, ainsi que les modifications redoutables de la psychologie de groupe, de masse et la manière dont l'Internationalisme fait retour au réel, dans de nouvelles équations mortifaires.

Je propose que par période, nous mettions en place des thèmes d'échanges, de débats où chacun pourra se risquer.

Gardez le courage de l'attente...

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