À la lecture des différents Éphémérides depuis le début de cette séquence liée au Covid- 19 et au confinement, le terme qui me vient est celui d'« aventure ».
Dans sa proposition du 9 octobre 1967, Lacan rappelle que la « naïveté » est une qualité fondamentale de l'analyste. Ailleurs, il parlera de « laisser-être ». Sans doute essaie-t-il ici de pointer, dans le contexte des débats psychanalytiques et intellectuels (liés au structuralisme – dont la fécondité doit être rappelée) de l'époque, orientés vers une exigence de quête de la signification, le lieu d'énigme dont surgit la parole (comme l'écoute) lorsqu'elle se fait subjectivante, ouverte au désir singulier.
Lucien Israël puis Jean-Richard Freymann, pour leur part, parleront dans le même ordre d'idée de « page blanche » et même de « capacité à ouvrir une page blanche ».
Eh bien, en parlant d' « aventure », sans doute les mots qui me viennent désirent-ils frayer dans la même problématique.
Et, à mon sens, c'est bien une certaine tradition de la naïveté (naïveté non naïve mais lucide – comme on peut parler de folle sagesse) dont témoignent, en leurs créativités, les Éphémérides, qui sont le fruit de l'aventure ayant lieu ici, dans l'Est, en France et ailleurs, avec ceux qui font – dans différentes générations – l'École de Strasbourg.
À l'Est, donc, du nouveau.
Plus encore, ce terme de « naïveté » me semble avoir la fraîcheur nécessaire pour nous inviter à nous déprendre de notre inéluctable (car inhérente à notre inéluctable narcissisme) volonté de contrôle – que la tâche de l'analyse est de traverser et de dialectiser.
Ainsi, depuis le début du « Journal du confinement », lorsque je découvre les nouveaux textes ou les nouvelles œuvres publiés, eh bien, à chaque fois, c'est bien à une aventure que j'ai l'impression de participer, avant tout en tant que lecteur, puis en tant qu'« auteur ». Aventure intergénérationnelle, qui nous mènera là où, dans son énigme qui fait notre lot, la rencontre du réel (en son tragique) et de nos désirs (en leurs créativités) nous emmènera. Par-delà, déjà, les oracles contemporains – ce qui n'est pas rien.
De plus, si l'effet au niveau du sujet de cette pratique de la naïveté, c'est le sentiment d'aventure, l'effet au niveau du collectif, de cette même pratique, c'est, à mon sens, la polyphonie – polyphonie bien tempérée, car fidèle à l'éthique de la psychanalyse.
Et c'est bien cette polyphonie qui, lorsque je les lis ou les regarde, retentit dans ces Éphémérides.
Comment, à l'heure du déconfinement, et même d'une nouvelle étape de celui-ci, nous positionner par rapport à ce qui surgit de nouveau ? Que ce nouveau-ci soit inquiétant car lié au surmoi archaïque, ou qu'il soit ouvrant, pour peu qu'on l'écoute ?
Une piste qui me vient pour élaborer ce problème – clinique – qui est le nôtre, ce serait donc de faire face à ce qui advient en le laissant être.
Ce afin que, dans l'analyse, cela se décompose (telle la solution analysée chimiquement, que Freud a à l'esprit lorsqu'il parle en allemand de « Psycho-analyse ») ; et afin que se déploient, devant nous, entre nous, nos mots, mais aussi, si nous les écoutons, la logique signifiante qui nous aidera à faire face au réel et à son énigme.
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