FREYMANN J-R., Les mécanismes psychiques de l’inconscient, Arcanes-érès, mars 2019
La suite logique attendue après le premier ouvrage est donc arrivée ! La moisson est riche puisque l’auteur fait un parcours complet des éléments nécessaires d’une méta-psychologie indispensable à la réflexion clinique. Alain Vanier le souligne bien dans son introduction : elle se situe en droite ligne dans les enseignements qu’on peut appeler ceux de l’École de Strasbourg, avec finesse et un désir d’exhaustivité pour qui veut se confronter à l’essentiel de l’écriture de Freud et de Lacan concernant l’enjeu des transformations structurales. C’est culotté en si peu de pages, et l’auteur le sait, en me demandant de le commenter : il en faudra davantage, avec cette fois-ci un volume qui articule tous ces éléments précieux à la difficile jonction avec la clinique actuelle !
Car en effet, nous ne pouvons plus nous limiter à ce travail essentiel de retraçage des parcours de recherche de toute une vie. Nous devons aux générations en formation actuellement de leur donner des passerelles entre leur formation à une lecture de la sémiologie tellement différente de celle des cliniciens du XXe siècle qu’ils ne comprennent plus le langage de la psychanalyse. Or, si un praticien parle avec un patient, ce qui arrive encore heureusement, parfois, inévitablement, il est confronté à la résistance dans le discours. Nous-mêmes le sommes quand nous parlons avec les praticiens plus jeunes, formés à la neuropsychologie, au cognitivisme, baignés dans le DSM V. La question de l’œdipe est récusée, l’identification, la question du phallus, incomprises. Tout est à reprendre. Si nous ne voulons pas que le cercle de transmission se rétrécisse à quelques initiés, nous avons intérêt à nous pencher sur ce qui d’emblée nous rapproche des collègues non-analystes. Ainsi, l’époque actuelle nous fournit quelques supports qui sont à travailler. Qu’en est-il par exemple du rapport entre les effets de prise dans l’Autre lorsque nous réfléchissons aux liens imaginaires entre des petits autres par milliers, voire par millions par un seul message sur les réseaux sociaux ? Il faut en parler, pour en rapprocher les fonctionnements avec ceux décrits par Freud et Lacan concernant les foules, le trait qui réunit ! Jean-Richard Freymann en parle dans son ouvrage et c’est indispensable, mais il faut y introduire la question des nouvelles modalités de communication, en faire une lecture qui fera apparaître l’intemporalité de son élaboration. Qu’en est-il du rapport à l’identification au phallus dans une société qui clive entièrement la question du sexe biologique et du « genre », au choix dès le jeune âge ? Il faut aider les praticiens à ne pas se transformer en Frankenstein, mais à entendre les tourments qui ne trouvent qu’un écho déformé par la peur de dire « non ». Parler de phallus est incompréhensible pour une majorité parce que la récusation a fait son œuvre. Parler de forclusion révulse les tenants de la socialisation normativante des psychoses dès le plus jeune âge. Le rapport au temps, l’abolissement d’un présent dense, relié au passé et à l’avenir au bénéfice du jouir dans l’instant, a besoin d’être rapproché du temps logique qui implique à la fois une durée et un effet de structure.
Et pour ça, il faut continuer. J’y encourage l’auteur. Il y a urgence !