Le chemin dans lequel nous mène Michel Troisgros est le trajet d’un magnifique papillon. Il nous attire à partir de Roanne (Loire) vers les différentes formes de plaisir :
Avec Le plaisir de faire plaisir[1] qui induit ces « Rencontres Épicées » qui font cuisiner le « Psy » autour de la joie de créer et ce triptyque à la carte : « cuisine, plaisir et transmission ».
Je connais peu Michel Troisgros mais j’ai pu goûter la saveur de nos échanges à partir de cet unique échange, mais si marquant, que je dirais en tant que psychanalyste : échange autour de Rien… et du devenir du rien.
Apertura : Nous profitons de la sortie de votre adaptation cinématographique du roman de Jean-Pierre Gattegno Mortel transfert pour vous demander ce qu’est pour vous actuellement la fonction du cinéma? Qu’est-ce qu’une image? Qu’est-ce qu’un film?
Jean-Jacques Beineix : Il y a une différence entre l’image et le cinéma. La fonction du cinéma aujourd’hui ? Pour ma part, je suis obligé de me référer à la fonction du cinéma dans mon enfance. C’est avant tout une distraction. C’est très proche des contes, des récits ou des lectures que l’on peut faire quand on est enfant ou que vos grands-parents vous ont faits. Cela éveille l’imagination. On est tout à coup confronté à quelque chose d’absolument immense. J’ai ce souvenir de cette confrontation à quelque chose de gigantesque, à des images gigantesques. Sans pour autant les comprendre, elles sont fascinantes. La compréhension, l’analyse, la capacité de discrimination, viennent plus tard, petit à petit avec l’adolescence, la sexualité… Ce n’est pas la vie mais c’est comme la vie.
Jean-Jacques Beineix, cinéaste populaire, atypique, indépendant et marginal, est mort le 13 janvier dernier à l’âge de 75 ans. Né à Paris le 8 octobre 1946, il s’est éteint à son domicile parisien des suites d’une longue maladie.
En 2002, Marc Morali et moi-même, avions profité de la toute récente sortie de Mortel transfert pour aller interviewer Jean-Jacques Beineix dans ses locaux à Paris. Nous lui avions demandé ce qu’était pour lui la fonction du cinéma, d’une image, d’un film… Nous l’avions encore interrogé au sujet du rapport de l’art et du commerce et de la société de consommation, sur le statut de la création artistique et de l’œuvre d’art, sur son rapport à la psychanalyse car il avait repris une cure analytique…
Il nous avait beaucoup parlé de temps, de rythme, de désir, de l’inconscient mais aussi de son rapport à la mort et à la pulsion. Nous étions encore revenus longuement sur son premier film, Diva, qui n’avait finalement qu’un seul personnage principal : la voix…
Après description des grottes, Carole Fritz, en quête de la fonction de ces lieux préhistoriques, propose le terme de mythe pour signifier de leur sens. L’homo sapiens au paléolithique est un animal comme un autre et pourtant comme tout sapiens, adepte de représentations. Pourquoi la grotte, lieu en retrait du regard aussi bien que de la fréquentation même irrégulière ?
Une hypothèse est qu’il n’y a pas de société sans mythe, celui-ci organisant la vie des groupes. Les grottes participent de cette organisation et leur beauté est partie prenante de leur fonction.
Or, si la beauté est inscrite, le laid est par là même repéré.
Je voudrais rappeler que nous sommes là, sous l’appellation d’un énoncé : Ethique de la performance. Il s’agira de ne pas l’oublier. Il y a un signifiant qui me semble fondamental dans cet énoncé : éthique ; pas performance.
» Je suis un peintre éclectique « by chance ». Je peux ouvrir à peu près n’importe quel livre de reproductions et y trouver une peinture par laquelle je pourrais être influencé. (…) Si je suis influencé par une peinture d’un autre temps, c’est comme avec le sourire du chat de Cheshire dans Alice au pays des merveilles, un sourire qui reste quand le chat est parti depuis longtemps. Maintenant je me sens comme Manet qui disait « oui je suis influencé par tout le monde. Mais chaque fois que je mets mes mains dans les poches, j’y trouve les doigts de quelqu’un d’autre ».
Entretien avec Harold Rosenberg, dans Art News de septembre1972, cité par Louis Marin dans le catalogue De Kooning, Centre Georges Pompidou, Paris,1984, p. 32.
Oui le chat est parti mais le sourire est resté, cela fait du peintre un passeur qui glisse entre ces instants de vision et qui substitue à une logique diachronique des styles une autre logique indéterministe de crise qui se résout dans le tableau en train de se faire. Le tableau devient le théâtre de la puissance magique des associations où les sourires flottent et se frottent aux doigts, où les femmes changent de robes sans arrêt pour être belles à croquer à moins qu’elles ne fassent glisser ou exploser leurs oripeaux afin de révéler leurs seins et leurs ventres.
En mettant la parole au centre de sa pratique, la psychanalyse nous rappelle que la singularité de l’homme est d’être un être de langage (un parlêtre disait Lacan). Non seulement nous fabriquons du discours mais nous sommes aussi pris, et parfois bien pris, dans le discours des autres ce qui fait que quand je parle, ça parle aussi et même parfois à mon insu et que c’est même cela qui a amené la grande découverte de la psychanalyse, à savoir l’inconscient. L’architecture comme toute production humaine est donc aussi un discours même si c’est parfois à l’insu de celui qui le prononce. Comme votre habillement, votre voiture, votre logement parle de vous et en dit parfois plus que ce que vous croyez qu’il dit. Évidemment ce discours-là n’a rien à voir avec ce que les critiques appellent le vocabulaire des architectes qui se résume le plus souvent à des clichés réutilisés comme marques de fabrique.