L'année 2025 commence tristement avec l'annonce du décès de Marcel Ritter (1935-2025), survenu le 4 janvier. Nous adressons nos condoléances à sa famille et à ses proches.
Quelques collègues lui rendent hommage et rappellent son parcours.
« Un chevalier hors du commun »
Jean-Richard Freymann
Président de la FEDEPSY
Directeur de l’École Psychanalytique de Strasbourg
6 janvier 2025
Marcel Ritter a été pour moi et pour la FEDEPSY un maître, un ami, un contrôleur de pratique et un véritable « analyste-pilote » qui m’a introduit non seulement à Strasbourg, mais aussi à Paris auprès de Jacques Lacan, Jean Clavreul, Moustapha Safouan et Marcel Czermak. Ce qui contrastait toujours dans sa personnalité, c’était sa modestie et ses capacités d’enseignement.
Il a souvent parlé de sa psychanalyse chez Moustapha Safouan et de ses distances par rapport aux universitaires analystes.
On trouve dans l’ensemble de ses textes une grande rigueur et une fidélité à Sigmund Freud, Jacques Lacan, Moustapha Safouan et à tous ses amis. Et il a toujours été ouvert aux plus jeunes.
Ces dernières années, il ne participait plus aux congrès et aux journées mais il a été très présent dans les publications de l’EFP et il m’a beaucoup aidé à constituer la FEDEPSY et l’École Psychanalytique de Strasbourg.
Il a formé beaucoup de psychanalystes et poussé nombre de cures analytiques jusqu’à leur terme. Il aura aussi marqué la région par une question qu’il avait directement posée à Jacques Lacan concernant « l’ombilic du rêve ». C’est qu’il était en plus un bilingue avéré et avait fait un séminaire sur la Traumdeutung. Ce bilingue a aussi analysé plusieurs analystes allemands et a participé à nombre de colloques internationaux. Jean-Marie Jadin me faisait remarquer que Marcel Ritter publiait le plus souvent en compagnie de ses collègues.
Après avoir été un court moment co-directeur de la Cause Freudienne, il en a donné sa démission avec Moustapha Safouan et Jean-Pierre Bauer.
Puis, il a été un des signataires de la Déclaration de la Convention Psychanalytique avec Moustapha Safouan, Jean Clavreul et à laquelle j’ai participé.
Marcel Ritter était apprécié de tous : excellent contact, écoute attentive et prêt à soutenir les initiatives de ses collègues.
Il gardait un grand attachement à Moustapha Safouan, son analyste et son maître. Il avait connu les méandres de l’Internationale de Psychanalyse.
Il a, entre autres, écrit et participé à plusieurs ouvrages avec J-P. Dreyfuss et J-M. Jadin :
- Qu’est-ce que l’inconscient ? - tome 1 : Un parcours freudien (1996), Arcanes-érès, 2016
- Qu’est-ce que l’inconscient ? - tome 2 : L’inconscient structuré comme un langage, Arcanes, 1999
- Écritures de l’inconscient - De la lettre à la topologie, Arcanes, 2001
- Articles dans Fonction du fantasme, Désir et Fantasme, édition Les manifestations de l’inconscient, volume 4, Strasbourg, 1986
- Articles dans Les Lettres de l’École freudienne
Hommage à Marcel Ritter qui nous a quittés le 5 janvier 2025.
Nadine Bahi
8 janvier 2025
J’ai eu la chance de travailler avec Marcel Ritter depuis 2017. Je voudrais témoigner de son intégrité sans concession. C’était un grand psychanalyste, maître dans le maniement d’une parole vraie. Son écoute et son art de l'interprétation il les pratiquait à travers son style tranquille et plein d'humour. C’était un homme d’une grande vivacité, qui aimait vivre et dont l’intensité désirante n’avait d’égale qu’une abstinence sans faille. Il savait donner de lui quand cela s’y prêtait : son amitié forte avec Lucien Israël et leurs repas au « Renard Prêchant » avec Jean-Marie Jadin, la canne virevoltante de Moustapha Safouan, comment et pourquoi il avait refusé de devenir passeur à l’époque de Lacan.
Le 10 décembre 2024, à la question « mais qu’avez -vous fait de tout cet amour ? » (envers Lucien Israël et Safouan), il m’a répondu, après un silence, « la seule chose qui me vient, à cette question, c’est que je travaille encore ».
Il nous a transmis une part de son rapport à la psychanalyse et de son désir de vivre.
Marcel Ritter nous a quittés
Jean-Michel Jadin
6 janvier 2025
Marcel Ritter est décédé d’une hémorragie cérébrale le matin du 4 janvier 2025, à quelques semaines de son 90ème anniversaire. Il était bien davantage qu’un grand praticien et théoricien de la psychanalyse, une référence pour beaucoup de psychanalystes de Strasbourg et de la région, et même quelques-uns venus d’Allemagne – il était parfaitement bilingue. Il a assuré la supervision pour des analystes de plusieurs générations.
Il était d’abord un homme bien, une sorte de modèle de moralité, et pour moi un ami proche et à l’écoute, bienveillant, accueillant et généreux, un grand frère et un mentor en psychanalyse. Son départ me provoque une immense tristesse ainsi qu’à beaucoup de gens. Il était étonnement et sincèrement modeste, d’une honnêteté parfaite, n’hésitant pas à rectifier chez un ami une position qu’il trouvait un peu ambiguë du point de vue éthique. Son intelligence était incroyable, ce ne sont ainsi que deux ou trois phrases des Écrits de Lacan qui ont résisté à sa sagacité. J’admirais aussi sa puissance de travail. Et il avait beaucoup d’humour. Un jour je lui ai dit « C’est toi le meilleur à Strasbourg ! » et il m’a répondu « Qu’est-ce que ça doit être chez les autres ! » Il était très soucieux pour les membres de sa famille. C’était un bon père. Autre qualité : la fidélité, la fidélité en amitié et à ses maîtres, en particulier Jacques Lacan et Moustapha Safouan. À noter à ce propos que j’ai entendu de la bouche de Catherine Millot que Lacan avait Marcel Ritter « à la bonne ».
Je l’ai vu pour la première fois au mess des internes de l’hôpital civil, alors qu’il venait de s’installer comme psychiatre libéral en ville. Je ne savais pas l’importance qu’il aurait plus tard dans ma vie. C’était un homme joyeux, dynamique, riant facilement. Il avait été très sportif, avait pratiqué le tennis et joué au football. Il a skié jusque très tard dans sa vie. Le soir il se détendait en écoutant un opéra et en lisant L’Équipe.
Au début des années 70 il a organisé pendant trois ans un séminaire sur L’interprétation des rêves à la Clinique Psychiatrique. C’était une lecture minutieuse de cet ouvrage fondamental de Freud. Ce fut une question sur l’ombilic du rêve, sur « l’Unerkannt » (« non-reconnu ») qu’il posa en 1975 à Lacan, venu à Strasbourg, qui donna à Marcel Ritter une grande notoriété dans le monde des analystes… et la sympathie de Lacan. Sa question permit à Lacan de développer ses idées sur le refoulement primaire et sur l’objet a.
Par la suite Marcel Ritter organisa d’autres séminaires dans les locaux strasbourgeois des Laboratoires Sandoz, en particulier sur Le Désir et le Fantasme, et un autre sur La Métaphore paternelle. Il a écrit plusieurs articles sur le fantasme, d’autres sur le symptôme, sur l’interprétation, sur la résistance.
Lors d’une discussion amicale pendant un congrès sur la perversion à Aix-en-Provence en 1987, il me proposa d’organiser un séminaire consacré à Qu’est-ce que psychanalyser ? La confiance qu’il m’accordait et les nombreuses discussions que nous avions, me permirent d’entrer dans un travail sérieux et approfondi sur la théorie psychanalytique. Jean-Pierre Dreyfuss se joignit à nous peu de temps après. Notre trio travailla de façon fructueuse jusqu’au décès de Jean-Pierre Dreyfuss en 1998. Trois personnes ayant des personnalités très différentes et écrivant dans des styles différents, se respectant mutuellement et néanmoins, ce qui est, paraît-il, très rare, et travaillant ensemble, est une expérience unique. Le résultat de cette collaboration, dans laquelle Marcel Ritter est toujours resté la locomotive, il faut bien l’avouer, ce sont les trois volumes consacrés à l’inconscient de Freud et de Lacan, publiés chez Arcanes et érès (Qu’est-ce que l’inconscient ? Un parcours freudien ; Qu’est-ce que l’inconscient - 2 ? L’inconscient structuré comme un langage ; Écritures de l’inconscient. De la lettre à la topologie.)
Après le décès de Jean-Pierre Dreyfuss il y eut un séminaire sur les Écrits de Lacan, puis, avec plusieurs collaborateurs de la région un autre encore, qu’on peut trouver dans l’ouvrage La jouissance au fil de l’enseignement de Lacan. On y trouve les dernières réflexions de Marcel Ritter sur la pensée de Lacan.
Il est évident que Marcel Ritter ne peut pas être oublié. C’était un grand homme.