PARLEZ-MOI D’AMOUR
Dialogues avec le Professeur Lucien Israël
Un film d’Isabelle Rèbre
editions Mira, 1992, pour Apertura-Arcanes Strasbourg
Transcription par Typhaine Krebs
Ce film est une rencontre, un dialogue, entre une jeune femme qui vit une histoire d'amour et Lucien Israël, psychiatre et psychanalyste.
« Il est possible que l'amour se passe de paroles.
- À quoi elle sert la parole ?
- À faire entrer le silence. Le silence n'est pas une donnée.
Il faut parler beaucoup pour avoir le droit de se taire.
- C'est un droit ? Ce n'est pas du domaine de la sagesse ?
- À condition de ne pas confondre sagesse et prudence. »
Lucien Israël (1925 - 1996) médecin psychanalyste, était professeur de psychiatrie à la faculté de médecine de Strasbourg et chef de service au Centre Hospitalo-Universitaire de Strasbourg. Membre de l'École freudienne de Paris dès sa formation et jusqu'à sa dissolution en 1980, le professeur Israël s'était consacré dès 1954 à la psychanalyse, recherchant ses applications médicales, notamment en psychologie médicale, tout en restant fidèle à l'enseignement freudien et à celui du psychanalyste Jacques Lacan. Son œuvre ("La jouissance de l'hystérique", "Boiter n'est pas pêcher", "La parole et l'aliénation"...) a été éditée aux éditions Érès-Arcanes (collection "Hypothèses") sous la direction de JR Freymann.
Nous remercions Typhaine Krebs pour la transcription qu’elle a réalisée. En voici un extrait ; la vidéo est disponible en DVD sur le site d’Apertura.
(...)
« Très souvent les amours commencent par une incompréhension mutuelle, par une difficulté. Presque par une hostilité ou un ressentiment. Et puis, il vaut mieux que ça commence comme ça. Parce que le coup de foudre, ça existe, mais on ne s’éprend que de soi-même. Comment ça se formule le coup de foudre ? Je prends du côté des hommes, je ne peux pas parler pour les femmes : « Tu es celle dont j’ai toujours rêvé, que j’ai toujours attendu ». Et bien là-dedans, il y a aucune chance pour l’autre de se retrouver. Elle va toujours se heurter à la place qu’on lui a réservée, depuis toujours, ou depuis longtemps.
Alors que, si la rencontre est une interpellation, l’autre va nous faire découvrir, justement cette chose neuve, nouvelle : Quoi de neuf ? Le dialogue serait peut-être surréaliste, mais je crois qu’il comporterait pas mal de vérités. Imaginez un scénario comme ça : « Quoi de neuf ? - Je t’aime ».
Ce que je vous ai dit dès le départ, ça a été mes premiers mots, je souhaite que ce soit un jour mes derniers :
Que je vis de, par, pour l’amour.
S’il fallait chercher un « parce que » à l’amour ce serait, les insuffisances, les faiblesses, les manques, les trous de l’autre, dans lesquelles on peut trouver sa place pour vivre. L’histoire de l’amour, je préfère dire l’expérience amoureuse, c’est quelque chose de vivant, quelque chose qu’on construit, de jour en jour. C’est une histoire, comme toutes les histoires ou comme toute l’Histoire, elle commence, et puis s’arrête. »
(...)
« Les gens qu’on rencontre, s’ils constituent une rencontre pour nous - ça peut être une rencontre amoureuse comme ça peut être une rencontre sur un ring - cette rencontre n’est une rencontre que si l’autre rencontré, emporte les mêmes traces que nous. Pas forcément les traces du même évènement, mais que pour les deux il y ait une évolution : qu’aucun des deux ne sorte intact de la rencontre, et par rapport au niveau où chacun était au départ.
Nous sommes sous des arbres, celui-là est un peu petit, mais les gros arbres, portent sur leur tronc, les initiales que des générations d’amoureux ont gravées. Le tronc n’est plus intact, il devient symbole.
Nous devenons symbole des rencontres que nous avons faites. C’est infiniment plus important que de se dire le disciple ou l’adversaire de tel ou tel.
On a vécu une rencontre, un combat, un amour. »