L’après confinement se dessine (voir « Carnaval » de Marie-France Schäfer) alors que nous ne savons ni quand, ni comment ni pour combien de temps.
Pour nous aider à parer à de telles incertitudes, l’art est là. Quand nous ne pouvons pas sortir de chez nous, nous pouvons néanmoins nous déplacer. C’est ainsi que j’ai pu visiter Grenade (Grenade, mes amours de Marie-Noëlle Wucher). Mon regard s’est posé sur ces paysages d’ailleurs dont l’évocation convoque non seulement le regard mais aussi l’écoute et le parfum.
La question du regard, regarder les œuvres artistiques, regarder les scènes prestidigitées, dans leurs textures multiples et colorées. La question du regard aussi par rapport à notre pratique actuelle. Marcel Ritter l’évoque dans l’Éphéméride 1. « Mais qu’est-ce qu’on voit au juste » se demande, nous demande Guillaume Riedlin, face aux flux d’images relatives à la pandémie.
Les séances par téléphone privent l’analyste et l’analysant de l’image du corps de l’autre. Alors que le regard quand la séance a lieu en présence de l’autre va se fermer de manière intermittente, les séances téléphoniques nous privent de l’instant du regard qui nous transmet la posture, l’habillement, la démarche des patients.
« Il n'y a rien de plus grave au monde que d'être aveugle à Grenade ». Cette citation de Lorca pose la question de la perte, de la privation du monde visuel ou même de la simple incapacité à ouvrir les yeux et prendre la mesure de la beauté du paysage.
Cependant, dans notre clinique actuelle il nous reste nos oreilles ! Des débuts de séances un peu tâtonnants sans les indices visuels. Qui se déroulent par la suite en confirmant les possibilités de la relation symbolique.
Une visite virtuelle au Palais de la Porte dorée permet une petite échappée à Paris ainsi que la découverte d’une installation multimédia, La Zon-Mai. Cette installation a été créée il y a plusieurs années par un danseur et chorégraphe, Sidi Larbi Cherkaoui et un photographe vidéaste Gilles Delmas. Cependant elle aborde de manière unheimlich certains thèmes auxquels nous sommes confrontés actuellement. La Zon-Mai, maison apparemment enfermée sur elle- même, pose la question du possible du chez soi. Elle est éclairée de part et d’autre d’images mouvantes, changeantes, de danseurs qui dansent chez eux, dans l’intimité de leurs maisons. Les artistes ont souhaité explorer les thèmes de l’altérité, de l’identité, de la diversité et du territoire. Dans l’après-coup, le confinement se trouve et dans l’installation elle-même, maison sans portes ni fenêtres, ainsi que dans les performances filmées des danseurs, dansant seuls et dans l’espace offert par leur logement. Le confinement et les séparations créent l’œuvre.
Création, poésie, psychanalyse. Cyrielle Weisgerber interroge les liens entre la poésie et la psychanalyse. La poésie s’impose à celui qui va l’écrire. Sa forme brouillonne, sa musicalité, ses métaphores et métonymies. Autant de formations de l’inconscient faisant surface et pouvant faire l’objet de remaniements successifs. Le travail du rêve en analyse y ressemble. Alors que le poète écrit seul, et sera lu dans un deuxième temps, le rêve se métamorphose dans le récit et par l’écoute, mouvement à deux sens.
Qu’en est-il du dire quand il ne s’agit pas de rêves dans les séances ? L’écoute, au-delà du sens, passant par les rythmes, pauses, silences, répétition, insistance, qui ouvre à des vérités insues. Et, plus audible par les temps qui courent, que dire du souffle ?
Coda : je reviens au Palais de la Porte dorée. Toutes les heures La Zon-Mai est mise en lumière par des chorégraphies variées, dansées par des danseurs sur place et en présence du public.
À quand l’après-confinement ?