Le terme « cabinet » vient du mot cabine (1491), et désigne en premier lieu, une chambre retirée dépendant d’une plus grande.
Quelque chose comme une petite pièce à part, abri, refuge, lieu d’étude.
D’abord cela. Après quoi l’Histoire ira bon train, avec les cabinets de travail et d’études, le cabinet de lecture, le cabinet noir espion pour le gouvernement, mais au départ une pièce sans fenêtre et sans lumière, où l’on enfermait les enfants pour les punir, les cabinets d’aisances ou de toilettes, le cabinet médical, le cabinet de curiosités prélevant des objets incongrus et inclassables, produits par l’improbable fabrique de la nature et de la culture.
Cabinet particulier, réservé, intime, il y a là cette idée de retrait, préservé, de s’extraire du rythme, du regard public, des « lieux communs », aussi.
Nous ajouterons, cabinet de rire et de réjouissances, transdisciplinaire et transgénérationnel : force est de constater en effet, que le cabinet de lecture de la FEDEPSY s’est tout de suite vu « transe », générationnel, disciplinaire, a tout de suite pris la tangente, pour une articulation libre entre travail et plaisir, entre des dits « actifs » et « retraités », entre spécialistes et amateurs de psychanalyse et autres. Que la subversion psychanalytique opère, donc, pour cette petite utopie, prompte à faire résonner la surprise poétique et à la pensée littéraire, scientifique, théorique.
La question n’étant pas simplement de lire et d’écrire au sens fonctionnel, car on ne manque ni de lire, ni d’écrire, en ce moment, il suffit de grimper sur la toile, submergée par un débit de lire et d’écrire insatiable et infini.
Il ne s’agit pas du lire fonctionnel, hypnotique, automatique, sorte de processus primaire qui dit « ce qu’il y a » sans véritable sujet, fatras de l’Autre, où tout s’équivaut sans coupure si ce n’est des coups d’éclats, défilant dans les têtes.
Il s’agirait plutôt de relancer une pratique du lire, avec d’autres – là où lire est un déchiffrage, ou tout simplement une rencontre, une confrontation sensationnelle à une énonciation, une voix, à la lettre, à l’histoire, à l’ouverture d’un monde original et singulier.
Là où la lecture, la grande passeuse, dépasse la « petite affaire privée » comme disait Deleuze, pour produire l’expérience humaine, par-delà l’espace-temps, dialogue entre Freud et Œdipe, Freud et Shakespeare ou Aristote, et de poursuivre le dialogue avec Lacan, avec… Safouan, désormais, toujours vivant.
Pour paraphraser Malraux, le lire et l’écrire sont peut-être l’avant-garde de « toutes ses forces qui résistent à la mort » et nous ouvre la profondeur de champ de l’histoire et l’ombilic vertigineux de la trace humaine.
Le Cabinet de lecture articulera trois modalités :
Tout d’abord, le recueil tout simplement, des textes envoyés par ceux et celles qui voudront témoigner de l’effet d’une lecture, quelle qu’en soit la forme et la manière.
Ce sera aussi le lieu de retrouver l’énonciation, en demandant aux auteurs-lecteurs, s’ils le souhaitent bien sûr, de choisir un ou quelques extraits qui pour eux pourraient être lus.
Nous aurons enfin une rubrique dite « Livres associations » qui cheminera à partir d’un livre central, du moment, choisi à la croisée des thèmes qui traversent l’École, le GEP, mais aussi l’actualité de la psychanalyse, à commencer par la parution récente du livre de Benoît Peeters, Ferenczi, l’enfant terrible de la psychanalyse. Dans la mesure où il considère l’analyste Ferenczi sous un jour nouveau, au plus proche de son cheminement théorique et intime, de ses questionnements, productions, de ses tourments, de sa passion-Freud, notamment, sur bien des thèmes qui nous mettent au travail aujourd’hui : la clinique du trauma, le maniement du transfert et la fin d’analyse, l’éthique de la psychanalyse – et pour l’École, il pose la question des transferts de travail, des transferts originels dans le premier mouvement psychanalytique, et de cette position qui, pour toute morbide qu’elle soit, et cela mis de côté, vient peut-être interroger une division ou dialectique, pourtant si ténue, entre le psychanalyste, le clinicien, ainsi que le fantasme thérapeutique.
Et comme certains sont plus lecteurs que d’autres, lecteurs parmi les lecteurs, le coup d’envoi sera donné ici par Dimitri Lorrain lisant le récent ouvrage de Delphine Horvilleur.
Quoi de plus à propos que d’ouvrir avec une exégèse de l’interprétation, qui se pensera entre autres, comme le repère et l’expose Dimitri, comme geste d’indocilité, celui de sortie de la tutelle discursive, fondatrice de la singularité subjective, une fidélité à ce que fut déjà l’infidélité fondatrice des pères.
Et peut-être pourrons-nous déjà, ici ou bientôt, faire résonner le texte de Moustapha Safouan, la profondeur et la portée de cette traversée magistrale, au long cours, dans le ciel de la culture, de plus en plus réjouissant et habile : nous fûmes nombreux à savourer, en effet, sans se risquer encore ici dans le dur et le leg théorique et fondateur de Safouan, ce style génial, inédit, plein d’un humour redoutable, qui porte la première partie d’un de ces derniers ouvrages La psychanalyse, Science, thérapie – et cause, un véritable petit roman analytique, perçant à jour les circonvolutions de Freud avec ses disciples, pris dans les affres de cette science nouvelle, où sont intriqués aux sources du savoir de l’inconscient, les liens de travail, d’amitié et de famille, dans une mise en scène des disciples, entre les hérétiques et les dogmatiques, aux yeux desquels chacun peut interroger sa place et ses fantasmes.
Nous en lirons, au fil des mois, bien des passages.
Pour tout envoi ou écrit, contacter l’adresse du Cabinet de lecture : fedepsycabinetdelecture@gmail.com