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Les différents temps de la cure analytique

par Jean-Richard FREYMANN, 13 février 2017

Intervention de Jean-Richard Freymann lors de la formation APERTURA « Les temps de l’inconscient » qui a eu lieu le 27 janvier 2017.

Schéma Les temps de l'inconscient

Introduction

Le temps de l’inconscient et les temps de la psychanalyse sont des questions extrêmement difficiles. J’ai repris l’ensemble de mes notes et j’ai retrouvé un schéma sur lequel j’avais, à l’époque, essayé de figurer les différents temps que Lacan proposait sous forme de triptyque : l’instant du regard, le temps pour comprendre et le moment de conclure.

Le temps du regard a à voir, non pas seulement avec le temps de la fin des préliminaires, mais avec la question de la séduction.

Le temps pour comprendre, c’est le temps de l’analyse du transfert, c’est la mise en place des différentes formes de transfert.

Le moment de conclure est un moment qui pose la question de scansions un peu définitives, des terminaisons d’analyse, des fins d’analyse, c’est-à-dire les effets d’après-coup mais d’après- coup par rapport à l’analyse elle-même.

J’ai figuré sur ce schéma1 un huit intérieur pour dire que nous sommes dans une structure qui, en fin d’analyse, est pratiquement « mœbienne », c’est-à-dire quelque chose qui ouvre à une nouvelle topologie par rapport à l’inconscient mais aussi par rapport au monde.

Je m’appuie sur ce schéma pour mettre en place des repères du temps de l’inconscient mais aussi du temps de la cure et vous donne maintenant la substance dont on aimait beaucoup parler à cette période, en particulier à l’École freudienne mais aussi à l’Internationale de Psychanalyse, qui concernait ces questions : comment une cure se déroule-t-elle ? Quels sont les différents temps de la cure elle-même ? À cette époque, Moustapha Safouan, dans son écrit Études sur l’Œdipe2, essayait de travailler – non pas seulement sur les temps de la cure à la manière post- freudienne ou sur les différences entre analyse thérapeutique et analyse didactique – mais aussi sur les outils des théorisations de Lacan pour essayer de penser ces différents temps.

Retour à l’argument

L’argument qui ouvre cette formation introduit aussi très bien cette question des temps de l’inconscient :

Questions de temps : à l’heure du streaming et de « l’achat-en-un-clic », la « guérison-en-un-clic » est souvent demandée par ceux qui consultent le « psy ». À l’opposé, si le temps ne s’appréhende que par les mots pour le nommer, le sujet mélancolique nous rappelle que lorsqu’il n’y a plus de sens à rien, le temps suspend son vol – et reste figé.

Hors-temps, à deux temps, à trois temps, l’inconscient danse bien des valses :

  • atemporalité de l’inconscient : l’infantile agit tout au long de la vie, et resurgit avec sa fraîcheur juvénile jusque chez le sujet âgé ;
  • effets d’après-coup : en deux temps, où le deuxième ne tient sa portée que de l’écho qu’il donne au premier ;
  • temps logiques : l’instant de conclure ne saurait jamais être que le troisième ;
  • temps de la cure : entretiens préliminaires, début d’analyse, cure, tranches, fin(s) d’analyse. Scandée par ces moments particuliers, la cure se déroule selon une temporalité qui lui est propre, et qu’il importe de respecter ;
  • et autres ?

Quels effets de ces temporalités dans la clinique et la pratique (deux versants de la même praxis) ? Quel rapport au temps de chacun selon ses mécanismes psychiques prédominants ? Que serait une clinique de la temporalité ?

Thèmes :

  • Comment comprendre « le temps, c’est le transfert » ?
  • L’inconscient est-il a-temporel ?
  • Les temps de la cure
  • La scansion et l’interprétation

Dans cet argument, il y a la question du temps mélancolique, il y a la question de l’atemporalité de l’inconscient, il y a la question de l’effet d’après-coup qui montre qu’il y a une circulation d’avant, pendant mais aussi après. Jean-Marie Jadin me disait que la question du rapport au regard, au moment où on est au moment de conclure, va modifier la manière du regard. Viennent les temps de la cure que je vais développer et les modifications du rapport au temps dans la cure elle-même. Lacan disait : « Le transfert, c’est le temps. » On pourrait dire que le temps, c’est le temps de la cure. Derrière la question du rapport au temps se cache ce rapport au monde qui se modifie. L’effet de transfert est un état anesthésique, même si le transfert peut être hautement haineux, c’est un temps suspendu et si on n’atteint pas un moment de conclure, on risque de rester suspendu à une chronicisation analytique grave, même si on en est toujours aux préliminaires.

Le rapport à la passion par rapport à la question du temps – où, en particulier, l’autre ne peut pas être absent, où c’est un insupportable de l’absence de l’autre – est une forme de temps assez particulier : une minute sans l’autre et le monde s’effondre. Toutes les manœuvres en psychopathologie ou en psychiatrie de l’érotomanie sont très intéressantes, elles indiquent l’absolue nécessité de la présence réelle de l’autre. Ce rapport érotomaniaque est présent dans certains moments de la cure.

Les rapports temporels

Dans la cure de « l’homme aux loups3 », Freud recherche aussi ce rapport temporel, je le cite :

« Des scènes appartenant à la première enfance telles que nous les livre une analyse à fond des névroses, par exemple dans le cas présent, ne seraient pas la reproduction d’événements réels auxquels on aurait le droit d’attribuer de l’influence sur le cours de la vie ultérieure du patient et sur la formation des symptômes mais les produits de son imagination nés d’incitations datant du temps de sa maturité [c’est à partir du temps de la maturité que va se reconstituer le temps infantile] destinés à servir en quelque sorte de représentations symboliques au désir et aux intérêts réels du patient et qui doivent leur origine [vous entendez les différents temps] à une tendance régressive à la tendance à se détourner des problèmes du présent. »

Le présent nous fait traverser quelque chose du temps de la maturité pour faire allusion à la première enfance pour, de fait, fermer l’accès à la réalité elle-même. C’est à ce moment que Freud met en place, en 1923, dans l’après-coup des Cinq psychanalyses, un autre temps, le temps chronologique des événements qui est un après-coup de ce qu’il a entendu dans la cure, je le cite :

« 1 an et demi : Malaria.

[…]

1 an et demi : Souvenir-écran du départ de ses parents avec sa sœur. […] […]

Juste avant 3 ans : Plaintes de sa mère au médecin.

1 an et 3 mois : Commencement de la séduction de la part de sa sœur […].

2 ans et demi : La gouvernante anglaise. […]

3 ans : Rêve des loups. […]

4 et demi : Influence de l’histoire de l’histoire sainte. […] Hallucination de la perte d’un doigt.

5 ans : Départ de la première propriété.

Après 6 ans : Visite à son père malade.

De 8 à 10 ans : Derniers sursauts de la névrose obsessionnelle4. »

Pour Freud, le but de l’analyse est la levée de l’amnésie infantile. Par associations libres, le patient part du présent – soi-disant maturité – et arrive à « repenser » le passé, passé qui renvoie à l’infantile. C’est en « repassant » par l’infantile que le patient aborde les problèmes du présent, c’est-à-dire la question de ses symptômes. Mais, c’est l’analyste lui-même qui, au cours de son écoute ou dans l’après-coup de son écoute, peut essayer de reconstituer une chronologie mais c’est une reconstitution, ce n’est pas la réalité vraie. La question des différents temps chez Freud est très importante, il ne se prive pas d’interroger le patient, un peu trop, car il cherche à constituer sa propre théorie. Interroger le patient n’est cependant pas à confondre avec la projection de ses problèmes, ni avec une interprétation. Jean-Pierre Bauer5 avait cette idée de souligner, à un certain moment, dans le brouhaha associatif, un point qui a été dit, soulignement qui n’a pas fonction d’interprétation mais fonction de scansion.

En lien avec la relation analysant-analyste, dans la situation analytique, une question à l’époque se posait : comment l’histoire temporelle se pose-t-elle dans des racines plus anciennes, dans le Talmud, plus particulièrement dans le Zohar ? Il est intéressant de noter que l’on n’ouvre pas la Kabbale avant l’âge de 40 ans ; dit autrement, il faut déjà avoir un certain niveau d’interprétation pour y accéder. Cette question renvoie à la relation maître-élève, à la question du but du travail avec l’élève, à savoir : quelle est la fonction de l’étude ? C’est d’apprendre à l’autre à se passer du maître. Tous les temps d’étude sont là pour apprendre suffisamment à l’élève à se passer du maître qui vous a enseigné ; dit autrement, on va du côté du moment de conclure qui fait référence à cette métaphore entre celui qui tête et le rapport au désir d’allaiter. Dès lors comment arrive-t-on à rompre cette relation ? Cette question renvoie au « laisser place », laisser la place à l’autre. À quel moment peut-on laisser place à l’autre ? C’est aussi la question du rapport à l’enfant, la question du rapport à l’adolescent.

Les différents temps du temps logique

Je voudrais maintenant aborder le texte de 1945, Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée6, qui concerne le temps de la cure (pas le temps des préliminaires) et j’insisterai sur le temps du regard qui renvoie à la question du rapport à la séduction. Pour cela, je vais me référer au livre, toujours d’actualité, de Jean Baudrillard7, De la séduction qui a pour sous-titre L’horizon sacré des apparences. Dans ce texte, l’auteur touche à quelque chose de la séduction par rapport au temps ou ce non-rapport au temps, dans le moment du regard où il met bien en évidence la question du seducere. Jean Baudrillard écrit que dans la question de la séduction, il n’y a pas d’historicité, il y a quelque chose de déshistoricisant, quelque chose qui renvoie à un temps qui a déjà eu lieu. Il y a quelque chose de l’ordre d’une suspension des objets, je le cite : « Le seul relief est celui de l’anachronie, figure involutive du temps et de l’espace. On sait que ces objets se rapprochent du trou noir d’où vient la réalité, le monde réel, le temps ordinaire8. »

Cette définition est intéressante pour parler du temps de la séduction, de seducere9. Tout est en suspens. Le seul relief est celui de l’anachronie, il y a quelque chose d’anachronique dans le rapport à l’autre, les objets sont en trompe-l’œil. Jean Baudrillard conclut par une idée qu’on retrouve chez Lacan mais aussi dans la Kabbale : le problème n’est pas de croire en Dieu, c’est de savoir si vous dites que Dieu existe – ce qui n’est pas pareil. Dans la question de la séduction, il n’y a pas seulement le volet du rapport au maître ou à l’analyste, il y a le volet du rapport au leader, je le cite : « Ainsi le pape ou le grand inquisiteur ou les grands jésuites ou théologiens [j’ajouterai les grands talmudistes] savaient que Dieu n’existait pas, c’était là leur secret et leur force10. »

Autrement dit, l’effet de croyance est pour les autres, ce n’est pas mettre le leader dans n’importe quelle position commune avec ceux auxquels c’est adressé.

Pour ce qui concerne la question de la séduction, le premier temps dans la cure – le transfert n’est pas encore véritablement posé, c’est le moment où l’interprétation n’est pas possible – l’opération que Lacan met en place à cet endroit-là, au niveau de ce moment du regard, c’est la question du retournement dialectique, c’est la bascule des évidences. Dans ce premier temps, si, du côté de l’analyste, vous ratez ces retournements ou ces défétichisations d’un certain sens, les choses sont mal parties. Cette mise en place a une fonction, celle de permettre ensuite le déroulement, dit en termes freudiens, de l’analyse du transfert, dit en termes lacaniens, du déroulement du sujet-supposé-savoir.

Les différents temps de la cure : lecture des Études sur l’Œdipe de M. Safouan

Je vais présenter maintenant une sorte de condensé des différents temps de la cure (pas des entretiens préliminaires), point de départ pour des travaux de recherche ultérieurs, différents temps, j’insiste, selon Lacan, selon le mythe lacanien.

Le premier temps

Il s’agit d’un temps qui touche à la limite symptomatique. Les personnes viennent avec leurs signes cliniques, surtout leurs inhibitions, dit Freud. Quels que soient les symptômes, les troubles, quand les choses commencent transférentiellement à être mises en place, apparaissent souvent des angoisses. Moustapha Safouan parle à ce moment de fatigue et d’épuisement. Le premier temps, quand les patients ont « lâché » quelque chose de leur demande première, quand va se poser la question de la Durcharbeitung, se crée un état de fatigue et d’épuisement surtout, dit M. Safouan, pour les patients obsessionnels pris dans la neurasthénisation transférentielle. Ce premier temps a aussi des effets sur les affects.

Dans ce premier temps, quel est le travail de l’analyste ? Ce travail consiste à renverser toutes les certitudes du sujet, c’est la levée des évidences. À quoi correspond ce moment clé ? Je cite : « Le sujet se trouve à l’extrême limite de ce qu’il peut soutenir de son interrogation sur le désir de l’Autre11. » Le sujet est confronté au désir de l’Autre, voire à la demande de l’Autre. Du point de vue subjectif, au niveau du discours lui-même, ce temps est un temps très difficile, c’est la fameuse question du Che voi ? Quelle en est la trace ? La confrontation au désir de l’Autre ne se passe pas au niveau conscient ou préconscient, il faut l’entendre dans les formations de l’inconscient, particulièrement au niveau des rêves. Les rêves renseignent sur la manière dont l’inconscient se met en « exercice ». À cette étape, les rêves, dit Freud, sont souvent très utiles, ce sont des « rêves-programmes » qui peuvent être repris à certains moments de la cure. À ce moment-là, Moustapha Safouan12 donne un conseil technique, je le cite : « Nous n’hésitons pas à demander des associations qui paraissent nécessaires pour en pénétrer le sens. »

Avec Jean-Pierre Bauer, il était question de souligner, de mettre en exergue les scansions, ici il s’agit d’induire des associations à partir de points qui apparaissent opaques. Cependant, il ne s’agit pas de demander à l’analysant de faire une interprétation, il s’agit de « tirer » les associations de telle manière que la place de l’interprétation soit possible sinon le risque encouru, lors de ce premier temps, c’est le risque de traduction, de clefs des songes, c’est le risque de commencer à induire, en sachant que celui qui doit interpréter, c’est l’analysant.

Le deuxième temps

Ce temps correspond à « laisser entendre dans le discours de l’Autre, une référence à un troisième terme13. » Pour Freud, c’est la dritte Person. Nous dirions aujourd’hui la fonction signifiante, c’est-à-dire un même terme peut voiler la question d’un signifiant qui, lui-même, peut être pris dans différents sens. Par exemple : mon mari est un grand pervers, vous entendez : un

« Perver » alors qu’il s’appelle Perrier. C’est la manière dont va déjà s’introduire – pas par effet interprétatif, mais du fait du désir de l’analyste – la question de la logique signifiante, en sachant que dans ces temps qui sont mis en place, c’est la place de l’analyste nouée à l’analysant et à son devenir qui fait l’analyse. On voit bien qu’il s’agit tout le temps de l’écart entre le contenu manifeste et le contenu latent qui, du côté de l’analyste, fait moteur de ces différents temps. Quelque chose apparaît là des effets du Nom-du-Père et de la question de l’impair14. La question du manque est touchée à partir du moment où vous dites qu’il n’y a pas de traduction que, au niveau du discours, un même mot peut prendre différents sens, il y a quelque chose de l’ordre du perdu/du père dû. C’est un tiers dans l’écoute des discours de l’Autre – ce n’est pas un tiers réel – c’est dans le discours ce qu’on peut appeler la recherche d’emblée des pensées latentes, c’est l’abord véritable de la dimension symbolique en exercice. Se posent alors toutes les questions du sujet-supposé-savoir qui sont différenciées par rapport à Freud. Pour Freud, l’abord du transfert, c’est la question de l’amour de transfert ; pour Lacan, c’est cette instance symbolique du sujet- supposé-savoir qui est en place de tiers. Ce qui ne veut pas dire qu’une des formes prévaut, ce sont deux approches différentes.

M. Safouan, dans Les Études sur l’Œdipe, donne un exemple : c’est un garçon de 16 ans qui vit seul avec sa mère, son père l’ayant abandonné dès son plus jeune âge. Il fait un dessin où figure une sorte de chaos originel avec des objets hétéroclites qui, au fur et à mesure de la description par des rêves ou des dessins, par cet effet symbolique, sont répartis en couple d’opposition, par exemple, objets chauds/objets froids, objets animés/objets inanimés. Puis apparaît dans le dessin un jeu de lettres N, Y, P et des chiffres 7, 9, 11. Les associations mènent au fait que N fait penser à la nature, P à l’histoire de papa, mais ce qui est intéressant sur le plan symbolique, c’est le fait que 7, 9, 11 qui vont être ordonnés sont des chiffres impairs. La manière de signifier quelque chose de l’impair fonctionnait par ce déroulement des chiffres impairs au niveau de l’inconscient. Il s’agit alors d’entériner le sens qui, à cet endroit-là, va jaillir, car c’est déjà une production de sens métaphorique due à l’effet de la psychanalyse elle-même et de l’inconscient en exercice. Ici, on est dans une forme de scansion d’un autre type. Dans ce brouhaha des sens, par le biais de ce travail sur le rêve, sur les associations, il va y avoir un découpage qui va permettre l’émergence, par exemple, d’un jeu de lettres.

Le troisième temps

Ce temps est celui de la symbolisation de la castration. L’analysant touche à la question de la castration autant qu’il puisse le faire en mettant en évidence ses symptômes. C’est le moment où apparaît la question de son symptôme (pas des signes cliniques) et le refus des limites imparties par ce symptôme. C’est le moment où la question des limites apparaît, on touche aux effets du fantasme lui-même qui se produit entre le sujet et l’objet. À ce moment-là, on est dans le dispositif, on pourrait dire, de la phase la plus perverse : la question des limites va surgir, l’émergence de la question du fantasme inconscient va se jouer avec une forme de mise en acte du fantasme, c’est une phase de transgression. M. Safouan écrit : « L’analysant répudie cette symbolisation de la castration15. »

La question de la castration devient un système référentiel, c’est la castration symbolique. Mais comment fait-on pour ne pas y toucher vraiment ? C’est d’essayer de mettre en acte un certain nombre de choses puisque la question du scénario inconscient commence en même temps à apparaître. Vous pouvez vous reporter à un texte que j’ai écrit, À propos d’un scénario pervers16, paru dans la revue Ornicar puis dans L’Art de la Clinique. Scénario où on entend le côté phobique, et à côté de cela, une mise en acte pervers d’un scénario où quelqu’un allait voir une prostituée et se faisait déféquer dessus, scénario qui représentait l’essai de mettre en place un scénario de naissance face au père qui était mort. M. Safouan s’interroge sur le fait de savoir si, dans le temps de la mise en place de la symbolisation de la castration, l’analyste doit intervenir. Il répond qu’il faut du laisser-faire à condition que cela puisse être pris dans l’analyse elle-même.

Le quatrième temps

C’est ce temps où le sujet, au cours de son analyse thérapeutique, réalise un certain nombre de ses désirs qui étaient tout à fait inconnus par lui autrement que par les formations de l’inconscient. À cette étape, il n’est pas rare de voir se modifier – c’est un exemple intéressant – le rapport du sujet au nom qu’il porte. L’analyse vient faire émerger un certain nombre de désirs qui peuvent enfin se signifier au niveau de la signification de son nom propre – surtout quand le nom peut avoir des significations –, au niveau de la signification de son surnom, de son prénom donné par l’Autre. C’est un repérage de l’aliénation de l’être dans la question du signifiant. Le quatrième temps est un temps où l’analysant introduit un certain recul par rapport à sa propre histoire, il n’est plus fasciné lui-même par l’histoire qu’il narre, il n’est plus fasciné par le jeu associatif dans lequel il n’arrête pas d’être. Le sujet parle alors de « réveil ». C’est une forme de réveil, c’est une ouverture à une certaine forme de multiplicité des choses, le sujet n’est plus fixé sur certains objets de transfert, il n’est plus fixé sur les histoires de famille, sur ce qui est perdu, il a un rapport temporel à la variété des choses. Par exemple, l’ouverture après une période « don juanique » fait supporter « qu’il ou qu’elle ne les aura pas tous ou toutes ». Dans ce quatrième temps se pose la question de l’analyste – pas le fait de s’installer immédiatement comme analyste (!) – mais la question de pouvoir aborder ce qu’est le discours de l’analyste. Se pose aussi la question du jusqu’où l’analyste est capable, dans ce temps-là, de supporter que l’autre le laisse « tomber » comme objet du transfert, que l’autre aille par exemple ailleurs, prenne d’autres orientations : ceci concerne ce laisser-faire. Le rapport de l’analyste n’est pas symétrique à celui de l’analysant.

Se pose la question de ce temps où quelque chose a avancé du côté de la castration du sujet, dans le rapport à la castration de l’autre.

1 Voir schéma en pièce jointe.

2 Moustapha Safouan, Études sur l’Œdipe, Paris, Le Seuil, 1974.

3 Sigmund Freud (1918), « Extrait de l’histoire d’une névrose infantile (L’homme aux loups) », dans Cinq essais de Psychanalyse, Paris, Puf, 1995, pp. 325-420.

4 Ibid., p. 420.

5 Jean-Pierre Bauer, Recueil, Textes et écrits, 1985.

6 Jacques Lacan (1945), « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée », dans Écrits tome I, Paris, Le Seuil, coll. « Points essais », 1999, pp. 195-211.

7 Jean Baudrillard, De la séduction, Paris, Galilée, 1979.

8 Ibid.

9 On peut lire le texte de Jean-Richard Freymann « Seducere », dans L’Art de la clinique, Toulouse, Arcanes-érès, 2013, pp. 257-268.

10 Ibid.

11 Moustapha Safouan, Études sur l’Œdipe, Paris, Le Seuil, 1974.

12 Ibid.

13 Ibid.

14 voir Erik Porge, Les noms du père chez Jacques Lacan, Toulouse, érès, coll. « Point hors-ligne », 2013.

15 Ibid.

16 Jean-Richard Freymann, « À propos d’un scénario pervers », dans L’art de la Clinique, Toulouse, Arcanes-érès, 2013, pp. 139-149.

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