En cette période où on est plongés dans les risques majeurs de l’épidémie au coronavirus (ou Covid-19), je ne peux m’empêcher de l’évoquer en introduction. Mais pourquoi donc parler de cette épidémie dans une présentation de psychosomatique ? Une telle épidémie est évidemment une réalité biologique, dramatique. Le virus qui la cause est bien réel et les symptômes qu’il provoque n’ont rien d’une conversion hystérique ni d’une somatisation. Pour traiter la maladie, il faut des mesures médicales. Tout cela semble n’avoir aucun rapport avec la psychosomatique. Et pourtant ! À côté de la réalité biologique, on peut trouver un signifiant faisant écho à de grandes peurs ancestrales dont la mémoire est enfouie en nous. Je citerais en premier lieu la terreur du Moyen Âge face à la peste noire qui a tué plus de 30 % des Européens entre 1352 et 1357 ; ses résurgences au cours des siècles suivants, bien que moins dévastatrices, ont certainement renforcé sa mémorisation.
« La psychanalyse garde pour moi tout l’émerveillement des premières rencontres ! »
Cette phrase de Lucien Israël éclaire sa trajectoire de professeur de psychiatrie et de psychanalyste, les motivations et le contenu de son enseignement.
L’expression « Entretiens préliminaires » peut induire en erreur. La qualification de « préliminaire » pourrait signifier qu’il s’agit d’une préparation à une autre chose considérée comme plus importante. Il n’en est rien. Au contraire, nous avons là le marchepied qui permet de pénétrer dans la cure analytique. C’est souvent l’échec ou le succès de ce premier temps qui va conditionner l’entrée dans le discours analytique.
Tout est sombre. Tout est crispant. Tout est glaçant. Au niveau national, international, planétaire, social, personnel, mis en abîme pour l’analyste par le discours des patients et analysants – réflexions d’horreur à l’infini.
La fonction du psychanalyste est de ne pas prendre au pied de la lettre, de se décaler, de lire les mécanismes en jeu ; décrypter que tout ceci n’est qu’une des formes du chaos perpétuel du monde ; se souvenir de l’intemporalité des messagers de l’apocalypse[1] ; se rappeler que la violence, l’agressivité, le pouvoir et son abus, sont indissociables des mécanismes psychiques et pulsionnels. Le tableau se révèle plus sombre encore, alors ? Les ténèbres ne sont pas qu’à l’extérieur, elles sont aussi et surtout au fond de chacun de nous ?
La question se renverse : comment est-il possible qu’il n’y ait pas que les ténèbres, la violence ? Comment est-il possible qu’existent des relations entre humains qui ne sont pas seulement utilisation, consommation, séduction suggestive, abus de l’un par l’autre ? Comment est-il possible qu’existe la rencontre ouverte, la présence généreuse ? Cela existe-t-il seulement ?
Je pense, j’espère, que chacun d’entre nous en a l’expérience, de ces moments de rencontre lumineuse. Sans l’appui de l’expérience, dans la seule réflexion à partir d’une certaine actualité, il y a le risque, voire il y aurait lieu, de douter de l’existence de la lumière[2].
Rappelez-vous, elle existe. Rappelez-vous, certains regards, certains sourires, quelques silences, l’une ou l’autre main tendue. Quelques paroles, même.
Cet ouvrage fait suite aux Journées d’avril 2014 de la FEDEPSY : La clinique psychanalytique aujourd’hui. Praxis des Entretiens préliminaires, journées coordonnées par Jean-Richard Freymann et Marcel Ritter.
Jean-Richard Freymann explique que ce livre se veut un passage de flambeau des aînés psychanalystes à la nouvelle génération.
« Entretiens préliminaires », de quoi s’agit-il ?
Les auteurs de ce livre : Jean-Pierre Bauer, Eva-Marie Golder, Jean-Marie Jadin, Patrick Landman, Daniel Lemler, Nicole Lévy, André Michels, Marcel Ritter, Moustapha Safouan et Marie-France Schaefer, tentent d’y répondre.
Dans son introduction, Jean-Richard Freymann dit que les entretiens préliminaires sont le marche-pied pour entrer dans une analyse.
Tous les auteurs de ce livre partageront, en l’explicitant chacun à sa manière, cette définition. Freud, quant à lui, ne parle pas d’entretiens préliminaires mais d’un traitement d’essai à une psychanalyse.
Elle pose des questions qui me parlent :
Pourquoi ne me suffit-il pas de ressentir que je suis vivante. Pourquoi la nécessité d’en écrire quelque chose ?
Et
Pourquoi certains écrits d’il y a mille ou deux cents ans nous touchent encore. Ils recèlent des fragments de ce que vivre et penser donnent à dire à l’humain ?
Écrire, c’est matérialiser par des traces sur un support : du papier, un écran ou un objet ce qui se déroule, ce que j’ai vécu, ce qui se dit dans ma tête.
J’écris ce que j’ai fait dans ma tête de la réalité dans laquelle j’étais prise, après coup.