Intervention de Daniel Humann lors de la Formation APERTURA « Modifications des troubles psychiques » qui a eu lieu le 7 juin 2017.
Depuis la fin de son enseignement à Sainte-Anne en 1963, qui rassemblait alors principalement des psychanalystes, Lacan tient son séminaire à l’École Normale Supérieure devant un public élargi et universitaire. Les années 1968-1969 constituent un nouveau tournant car il se voit contraint de quitter la salle Dussane suite à l’intervention du Directeur Flacelière. En réaction, son auditoire (J. Kristeva, A. Fouque, P. Sollers notamment) occupe le bureau de ce dernier, avant d’être délogé. Lacan parlera par la suite dans l’enceinte de la Faculté de Droit rue St-Jacques.
Pour présenter cette séance du séminaire, j’ai à chaque fois pris appui sur deux traductions additionnelles à celle figurant dans le texte de la séance : celle à laquelle Lacan fait référence, à savoir celle de Robert Pignarre, sous une forme révisée et présentée par Charles Guittard. Mais également celle de Mayotte et Jean Bollack. L’étude de la pièce par ce dernier, travail d’une érudition toute particulière, fut pour moi un éclairage précieux.
La position d’Antigone : La séance du séminaire de Lacan s’ouvre in media res en quelque sorte, à propos de la position d’Antigone vis-à-vis de la vie.
« La psychanalyse garde pour moi tout l’émerveillement des premières rencontres ! »
Cette phrase de Lucien Israël éclaire sa trajectoire de professeur de psychiatrie et de psychanalyste, les motivations et le contenu de son enseignement.
L’expression « Entretiens préliminaires » peut induire en erreur. La qualification de « préliminaire » pourrait signifier qu’il s’agit d’une préparation à une autre chose considérée comme plus importante. Il n’en est rien. Au contraire, nous avons là le marchepied qui permet de pénétrer dans la cure analytique. C’est souvent l’échec ou le succès de ce premier temps qui va conditionner l’entrée dans le discours analytique.
Tout est sombre. Tout est crispant. Tout est glaçant. Au niveau national, international, planétaire, social, personnel, mis en abîme pour l’analyste par le discours des patients et analysants – réflexions d’horreur à l’infini.
La fonction du psychanalyste est de ne pas prendre au pied de la lettre, de se décaler, de lire les mécanismes en jeu ; décrypter que tout ceci n’est qu’une des formes du chaos perpétuel du monde ; se souvenir de l’intemporalité des messagers de l’apocalypse[1] ; se rappeler que la violence, l’agressivité, le pouvoir et son abus, sont indissociables des mécanismes psychiques et pulsionnels. Le tableau se révèle plus sombre encore, alors ? Les ténèbres ne sont pas qu’à l’extérieur, elles sont aussi et surtout au fond de chacun de nous ?
La question se renverse : comment est-il possible qu’il n’y ait pas que les ténèbres, la violence ? Comment est-il possible qu’existent des relations entre humains qui ne sont pas seulement utilisation, consommation, séduction suggestive, abus de l’un par l’autre ? Comment est-il possible qu’existe la rencontre ouverte, la présence généreuse ? Cela existe-t-il seulement ?
Je pense, j’espère, que chacun d’entre nous en a l’expérience, de ces moments de rencontre lumineuse. Sans l’appui de l’expérience, dans la seule réflexion à partir d’une certaine actualité, il y a le risque, voire il y aurait lieu, de douter de l’existence de la lumière[2].
Rappelez-vous, elle existe. Rappelez-vous, certains regards, certains sourires, quelques silences, l’une ou l’autre main tendue. Quelques paroles, même.
Cet ouvrage fait suite aux Journées d’avril 2014 de la FEDEPSY : La clinique psychanalytique aujourd’hui. Praxis des Entretiens préliminaires, journées coordonnées par Jean-Richard Freymann et Marcel Ritter.
Jean-Richard Freymann explique que ce livre se veut un passage de flambeau des aînés psychanalystes à la nouvelle génération.
« Entretiens préliminaires », de quoi s’agit-il ?
Les auteurs de ce livre : Jean-Pierre Bauer, Eva-Marie Golder, Jean-Marie Jadin, Patrick Landman, Daniel Lemler, Nicole Lévy, André Michels, Marcel Ritter, Moustapha Safouan et Marie-France Schaefer, tentent d’y répondre.
Dans son introduction, Jean-Richard Freymann dit que les entretiens préliminaires sont le marche-pied pour entrer dans une analyse.
Tous les auteurs de ce livre partageront, en l’explicitant chacun à sa manière, cette définition. Freud, quant à lui, ne parle pas d’entretiens préliminaires mais d’un traitement d’essai à une psychanalyse.