Si Freud prétendait vouloir ébranler l’Achéron à défaut de pouvoir fléchir les dieux d’en haut, il ne le fait pas par les voies contemporaines du spiritisme et des « phénomènes psy ». Sa théorisation est au contraire une réduction rationaliste qui mène à la conception d’un désir humain limité, cerné d’un seuil posé par le principe de plaisir. Le désir n’est donc pas l’aspiration océanique, ni l’appel des infinis romantiques qui ne sont que constructions fantasmatiques ; son empan est prosaïque et court, mesuré par la contrainte vitale de l’homéostase biologique.
Les deux « échos des séminaires » de ce mois concernent le séminaire de Jean-Richard Freymann du 14 mars 2023, et peuvent être lus en articulation : Claude Ottmann nous propose le texte de son intervention dans le séminaire, et Cyrielle Weisgerber tisse quelques questions, à l’intersection des réflexions amenées par les deux orateurs.
Exposé de Claude Ottmann dans le cadre du séminaire « Les abords de Lacan » animé par Marc Lévy et Amine Souirji. Commentaires de la leçon du 25 du 17 juin 1959.
« Il y a quelque chose d’instructif, je ne dirai pas jusque dans, mais surtout dans les erreurs – ou les errances, si l’on veut. » Lacan ouvre ainsi la séance du 17 juin 1959 ; les « errances » de S. Nacht, R. Diatkine, J. Favreau, Ernst Glover et Mélanie Klein y seront commentées.
Exposé de Claude Ottmann dans le cadre du séminaire « Les abords de Lacan » animé par Marc Lévy et Amine Souirji.
« Pour nous, la dignité (…) de cet être [d’homme] ne tient d’aucune façon à ce qu’il soit coupé (…), elle tient à la coupure comme telle. La coupure est en fin de compte la dernière caractéristique structurale du symbolisme comme tel. »
Rappelons que, voulant quitter la position de « seulement être le phallus de la mère », le sujet s’est à son origine désigné par ce qu’il n’est pas. De ce fait l’objet (a), partie imaginaire de soi gagée dans l’auto-désignation, porte en lui la signification de la coupure, d’une séparation mutilante et irrémédiable. Il se présente sous trois espèces : l’objet prégénital, le phallus et le délire.
Exposé de Claude Ottmann dans le cadre du séminaire « Les abords de Lacan » animé par Marc Lévy et Amine Souirji autour de la lecture de : Jacques Lacan, Le séminaire livre VII (1959-1960), L’éthique de la psychanalyse.
La Chose, une perte qui devient l’objet d’une recherche
[71] L’expérience freudienne est une révolution de pensée pour le domaine de l’éthique. Introduite déjà en 1895 dans un brouillon adressé à son ami Wilhelm Fliess et que Freud a toujours refusé de publier (« l’Esquisse d’une psychopathologie »), la Chose, das Ding, remplit la fonction de pivot dans ce renversement des fondements de la loi morale.
Intervention de Claude Ottmann dans le cadre du séminaire « Les abords de Lacan » animé par Marc Lévy et Amine Souirji autour de la lecture de : Jacques Lacan, Le séminaire livre VII (1959-1960), L’éthique de la psychanalyse.
« C’est à partir de ce signifiant façonné qu’est le vase, que le vide et le plein entrent comme tels dans le monde, ni plus ni moins, et avec le même sens. »
Le manque irrémédiable et indicible de la Chose ne cesse pas de ne pas s’écrire. L’homme s’est fait potier, peintre, architecte et poète pour approcher et serrer au plus près la place, le vide laissé par la Chose. Et c’est ainsi que dès la première création du vide cerné par l’enveloppe matérielle d’un vase, le signifiant apparaît sous la forme visible et durable d’une écriture laissée par le potier sur son œuvre.
La fonction du bien
Rappel : du Souverain Bien à l’économie des biens
[256] La croyance des cathares était « qu’il y a une parole qui sauve, et le consolamentum n’était rien d’autre que la transmission de sujet à sujet de la bénédiction de cette parole […] L’ennui, c’est que, pour qu’une telle parole soit non pas efficace mais viable, il faut l’arracher au discours. Or rien de plus difficile que d’arracher la parole au discours1 ».
Pour avoir pris au sérieux (à la lettre) le discours chrétien et pour avoir mis leur foi en l’existence d’une parole salvatrice (l’Évangile, la bonne nouvelle), les cathares ont dû rendre des comptes aux tenants du discours (les ecclésiastiques) et ont été exterminés lors de la croisade des Albigeois au XIIIe siècle.
Dans le cadre du séminaire « Les abords de Lacan » autour de la lecture de : Jacques Lacan, Le séminaire livre VI (1958-1959) : Le désir et son interprétation
Le désir d’être autre du patient d’Ella Freeman Sharpe (voir leçon du 14 janvier 1959 et suivantes) conduit Lacan à Hamlet (Etre ou ne pas être) c’est-à-dire à la tragédie du désir, aidé en cela par Freud pour qui elle est de nature et d’importance comparables à celles de la tragédie œdipienne antique.
Jacques Lacan s’apprête à commencer son onzième séminaire le 20 novembre 1963 quand lui est notifiée, la veille, sa radiation de la liste des didacticiens de la SFP. Il ne tiendra donc qu’une seule séance[1] sur « Les Noms du Père ».
Dix ans plus tard, le 13 novembre 1973, il donne la première leçon d’un séminaire intitulé « Les non-dupes errent ». Il y a évidemment un rapport entre les deux, bien que Lacan eût déclaré qu’il ne livrerait pas ce qui avait été censuré en 1963.
Le premier rapport du colloque international de Royaumont sur « La direction de la cure et les principes de son pouvoir » publié dans La psychanalyse (vol 6, p. 169) en 1961, puis dans les Ecrits en 1966, est donné en cinq chapitres :
Jacques Lacan y dénonce les dérives et innovations malheureuses post-freudiennes et préconise un retour à Freud pour, de là, avancer selon ses propres innovations (notamment le rôle du signifiant) en confortant et en généralisant la découverte freudienne sans la dévoyer. Nous proposons ici une lecture du cinquième chapitre, sections une à six.