« Heureux les enfants qui naissent sans qu’on sache trop pourquoi ! »
Lucien Israël, Boiter n’est pas pécher.
Lucien Israël écrit cette phrase à la fin du chapitre « Pourquoi des enfants », dans lequel il évoque les raisons pour lesquelles les gens décident d’avoir des enfants et cet écart, ce manque qu’il existe toujours car si nous savions vraiment pourquoi nous voulions des enfants, ces enfants seraient enfermés dans cette raison.
Quand un enfant arrive au monde, il est entièrement dépendant de ses parents. Quand l’enfant pleure, les parents sont là pour répondre à ses besoins. Aussi bien l’enfant et les parents sont une sorte de même entité. Dans cet ensemble constitué, il y a dès le début un écart qui est source de frustration et même de colère chez l’enfant comme chez les parents. L’enfant ne pouvant s’exprimer par des mots est sous la coupe de l’interprétation souvent hasardeuse des parents. De plus, les parents parfois « se refilent le bébé », brisant au passage l’image idyllique d’un amour parental censé dégouliner à chaque heure du jour et de la nuit.
Dans cette affaire, l’enfant comprend très vite que s’il veut obtenir ce qu’il veut, il va devoir balbutier quelques mots à la mère en échange de soins, de lait et d’amour. Aussi, le langage devient pour lui une source de jouissance et il met toutes ses compétences innées à contribution.
J’observais il y a quelques jours ma nièce âgée de seulement deux mois, qui tentait d’imiter sa maman pour parler. Formant les lèvres, ouvrant la bouche en cœur, levant le menton et y mettant beaucoup d’intention. À tel point, que les mots comme des signaux de fumée, même s’ils ne faisaient pas vibrer l’air pour produire des sons, étaient entendables de nos yeux. Sa maman l’encourageant dans cet exercice, le jeu dura plusieurs minutes.
Ce qu’on désigne par stade du miroir n’est autre que la constitution du sujet dans une découverte progressive par l’enfant de l’unité de son corps et de l’écart entre l’intérieur et l’extérieur.
La découverte par l’enfant de l’écart entre son image corporelle et son image spéculaire. Écart entre ce que l’enfant ressent et ce qu’il donne à voir. Écart entre ce qu’il pense être et ce qu’on voit de lui.
Cet autre qu’il voit dans le miroir et dans les yeux de ses parents, est parfois confondu avec lui-même. Ce qui peut générer des tensions agressives tournées vers les autres et vers lui-même.
Par cette formation d’un Moi unifié dans une forme de jubilation narcissique et par le refoulement de l’image corporelle dans l’inconscient en formation, le sujet commence une nouvelle expérience avec le réel.
Le refoulement de ce que l’enfant souhaite véritablement et son ouverture au désir de l’autre dans la parole est un équilibre délicat entre formation et aliénation du sujet.
L’image du corps refoulée est marqué par des mots, des signifiants et des désirs. L’inconscient se structure comme tel. Comme un langage. Le langage du grand Autre.
L’inconscient n’est pas l’instinct de l’homme mais une division de l’homme de manière que l’ambivalence et des pensées contradictoires peuvent cohabiter dans un seul et même être. Lui offrant ainsi la possibilité d’un choix et de donner un sens propre à sa vie.