La Lettre #5 – Février 2022

Sommaire
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L'offre analytique ?
par Martin ROTH
Éditorial -
« Frères humains… » Quand le monde actuel se métamorphose…
par Jean-Richard FREYMANN
Éditorial -
À quand la fin des haricots ?!..
par Cyrielle WEISGERBER
Billet d'où ? -
Hommage à Jean-Jacques Beineix
par Hervé GISIE
Psychanalyse en extension -
« MORTEL TRANSFERT » – Entretien avec Jean-Jacques BEINEIX (2002)
par Hervé GISIE - Jean-Jacques BEINEIX
Psychanalyse en extension
L'offre analytique ?
par Martin ROTH
février 2022
Le psychanalyste fait une offre déroutante à l’individu moderne : un cheminement singulier contre vents et marées… Contre les attentes familiales et contre les attentes sociétales… L’analysant creuse un sillon plus proche de son désir. Chaque époque conditionne des attentes, des demandes, des pensées et des impensés ! Conditionnement véhiculé par les discours ambiants… et leurs soubassements ! L’individu y est aliéné, mais le sujet s’en décolle en parlant à un analyste.
L’analysant sort du carcan environnant et s’autorise une voix propre. Prenons l’exemple du temps et du rapport à la temporalité. La déroute que rencontre le sujet qui s’ose à la parole est de nos jours d’autant plus intense que nous sommes conditionnés socialement par la vitesse, l’immédiateté, la précipitation. Car la temporalité, ou plutôt les temporalités qu’ouvrent la cure, dénotent avec les temporalités modernes. Entre l’atemporalité de l’inconscient et la précipitation quotidienne, l’exigence d’immédiateté, la connexion constante (téléphone, mail..), il y a un gap qui se creuse de plus en plus.
« Frères humains… » Quand le monde actuel se métamorphose…
par Jean-Richard FREYMANN
février 2022
Introduire la parole, penser à la psychanalyse, n’est pas obligatoirement une mission de savant. Est-ce que la référence à la logique inconsciente ou à l’art du signifiant est de l’ordre des processus secondaires ?
S’est-on trop bercé dans la complexité théorique ? La question est double. L’analyste doit être capable d’épurer, voire d’apurer et d’autre part, il se doit de mettre sur le chantier une éternelle théorisation.
Je distingue théories et théorisation. Et ce d’autant plus qu’il faut savoir si entre l’un et l’autre se trouve branché un « parlêtre allongé » sur le divan.
La théorie dans la psychanalyse risque de s’endormir si le psychanalyste ne se réfère pas à la Règle Fondamentale[1]. Comment peut-on l’oublier ?
« Le discours ne s’associe pas à l’aventure… » disait Jacques Lacan[2]. Et voici que la confusion des registres apparaît à l’horizon.
À quand la fin des haricots ?!..
par Cyrielle WEISGERBER
février 2022
« Être » psychanalyste n’empêche pas de se poser des questions idiotes : y a-t-il un risque que l’être humain s’arrête de parler, ne sache plus parler ?
Je veux dire, un risque que l’être humain n’ait plus accès à l’ouverture possible par la parole, cet endroit où quelque chose – on ne sait trop quoi, et peu importe – se dit, peut s’entendre. Un risque que l’être humain se retrouve enfermé dans des discours ficelés, univoques, mécaniques, réduits au communicable et au consommable ?
Hommage à Jean-Jacques Beineix
par Hervé GISIE
février 2022
Jean-Jacques Beineix, cinéaste populaire, atypique, indépendant et marginal, est mort le 13 janvier dernier à l’âge de 75 ans. Né à Paris le 8 octobre 1946, il s’est éteint à son domicile parisien des suites d’une longue maladie.
En 2002, Marc Morali et moi-même, avions profité de la toute récente sortie de Mortel transfert pour aller interviewer Jean-Jacques Beineix dans ses locaux à Paris. Nous lui avions demandé ce qu’était pour lui la fonction du cinéma, d’une image, d’un film… Nous l’avions encore interrogé au sujet du rapport de l’art et du commerce et de la société de consommation, sur le statut de la création artistique et de l’œuvre d’art, sur son rapport à la psychanalyse car il avait repris une cure analytique…
Il nous avait beaucoup parlé de temps, de rythme, de désir, de l’inconscient mais aussi de son rapport à la mort et à la pulsion. Nous étions encore revenus longuement sur son premier film, Diva, qui n’avait finalement qu’un seul personnage principal : la voix…
« MORTEL TRANSFERT » – Entretien avec Jean-Jacques BEINEIX (2002)
par Hervé GISIE - Jean-Jacques BEINEIX
février 2022
Apertura : Nous profitons de la sortie de votre adaptation cinématographique du roman de Jean-Pierre Gattegno Mortel transfert pour vous demander ce qu’est pour vous actuellement la fonction du cinéma? Qu’est-ce qu’une image? Qu’est-ce qu’un film?
Jean-Jacques Beineix : Il y a une différence entre l’image et le cinéma. La fonction du cinéma aujourd’hui ? Pour ma part, je suis obligé de me référer à la fonction du cinéma dans mon enfance. C’est avant tout une distraction. C’est très proche des contes, des récits ou des lectures que l’on peut faire quand on est enfant ou que vos grands-parents vous ont faits. Cela éveille l’imagination. On est tout à coup confronté à quelque chose d’absolument immense. J’ai ce souvenir de cette confrontation à quelque chose de gigantesque, à des images gigantesques. Sans pour autant les comprendre, elles sont fascinantes. La compréhension, l’analyse, la capacité de discrimination, viennent plus tard, petit à petit avec l’adolescence, la sexualité… Ce n’est pas la vie mais c’est comme la vie.