Séminaire de Jean-Richard Freymann TRAUMATISMES, FANTASMES, MYTHES
Séance du vendredi 21 Mai 2021 (par zoom)
Nous allons parler aujourd’hui de choses un peu difficiles. À partir de la question du mythe je voudrais arriver à définir la place structurale possible des symptômes. Il convient de saisir que les mythes de Lacan représentent les apports géniaux de ce dernier ; quant aux mythes lacaniens ils ont à voir avec ce en quoi les lacaniens ont réussi à transformer les apports fondamentaux de Lacan. Au niveau de la pratique, le but est d’arriver à se re-brancher sur les mythes de Lacan, par lesquels il a bouleversé tous les apports, en particulier freudiens.
Deux ouvrages me semblent importants pour ce retour au mythe de Lacan :
Le retour à Freud de Jacques Lacan de Philippe Julien1 et
Le mythe individuel du névrosé2 que Jacques-Alain Miller a fait paraître, où il est question du symptôme mais ailleurs que chez les analystes. Cela s’est passé au collège de philosophie.
Je voudrais vous montrer trois schémas qui vous permettront de vous repérer et qui constituent un triptyque fondemental :
1er schéma dans le livre de Philippe Julien (ce dernier a changé complètement la lecture des différents temps de Lacan) :
2e schéma. Qui a à voir avec le stade du miroir chez Lacan
3e schéma. Le graphe – l’aboutissement de toutes les théories – où vont se nouer à la fois les questions des pulsions et celles du signifiant
Si on interroge la question du mythe autour de Lacan, on en vient au stade du miroir, apparu le 3 août 1936 et repris le 17 juillet 1949. Il traverse l’œuvre de Lacan et constitue le mythe fondamental à partir de Lacan qui est d’ailleurs un des seuls éléments qui est entré dans la culture. Tout l’apport de Lacan efface les apports théoriques. Ce n’est pas un hasard, le stade du miroir correspond à une période où on s’interrogeait sur la constitution pour l’enfant de son image, aussi bien de son image spéculaire que de l’imaginaire non spéculaire.
Le stade du miroir a à voir avec le fait qu’au moment où l’enfant est en prématuration organique, il va voir dans le miroir une unité corporelle qui n’existe pas dans le réel. L’image qui se met en place précède l’embryologie, en voyant cette image une opération de jubilation s’opère en lui. Il est important de voir que l’image du corps va précéder son corps réel. La complexité est qu’il faut que la mère soit présente, en position de grand Autre. Par rapport au cycle du devenir de la vie, ce qui est premier c’est cette image qui nous revient du dehors, ce n’est pas son corps réel.
Quelle est la différence chez Lacan entre le texte d’août 1936 et celui de juillet 1949 ? On peut dire que dans le nouveau texte apparaît la constitution du JE et celle de la spécularité, donc la place du narcissisme. Le mythe du stade du miroir est quelque chose qui nous branche cliniquement sur la question du narcissisme primaire. Que se passe-t-il avant qu’on se constitue comme sujet avec des signifiants, des fantasmes, des pulsions qui se nouent ? Ce mythe est celui de l’originaire structurel pour Lacan. Il faut savoir qu’au moment où il commençait à être question du stade du miroir, Henri Vallon avait fait un texte dans l’Encyclopédie française, on était dans une mode où on cherchait comment l’enfant va se constituer. Il faudrait faire retour à cette période. L’apport de Lacan est certain et correspond à la période de 6 à 18 mois de l’enfant. Qu’advient-il du déclin du sevrage ? Par la suite on aborde les opérations constituantes : la constitution des signifiants, du sujet, du Moi… C’est dans Le mythe individuel du névroséi que Lacan a cherché le pont du nouage autour de cette affaire. Il y aboutit en parlant de deux types de symptômes : les symptômes de l’homme aux rats et l’histoire de Goethe par rapport au côté oraculaire ce dernier est frappé d’une sorte de malédiction qui l’empêche d’embrasser. Fort heureusement Frédérique Brion a réussi à lui faire retrouver le plaisir du baiser. Cet aboutissement nécessite une idée de construction, de montage.
Vous êtes face à deux positions : celle de Freymann et celle de Philippe Julien. Le premier vous dit que le véritable mythe de Lacan est venu inscrire quelque chose dans la
culture et n’est pas la même chose que ce que les Lacaniens en ont fait. Tandis que Philippe Julien prend une position différente sur le plan de la pratique.
Il dit que dans un premier temps Lacan a fait retour à Freud, il va désimaginariser ce qu’on avait fait de Freud. Il s’agit d’une autre mythologie, les post-freudiens ayant mis beaucoup d’interprétations imaginaires autour des apports de Freud. Il y a eu ce retour à Freud qui nécessite de tomber sur la question du symbolique. C’est là qu’intervient chez Lacan le SIR qui est le primat du symbolique par rapport à l’imaginaire et au réel. Il redonne à Freud ses lettres de noblesse en repartant du côté de la textualité.
Le SIR a fini par devenir le RSI que vous trouvez dans le nœud borroméen, avec une donnée considérable : le symbolique n’est plus premier. Il y a trois dimensions et l’une n’est pas valorisante par rapport à l’autre. Dans ce nouage entre SIR et RSI se loge au centre le fameux objet a. Il s’agit de l’objet perdu, l’objet lacanien, pure invention de Lacan. Freud était ennuyé avec la question de l’objet. Par l’invention de Lacan s’opère une coupure qui fait qu’on n’a pas toujours besoin de chercher son alter ego, son Moi ou l’image du moi… ce qui est premier c’est l’objet perdu. Ce qui permet d’ailleurs qu’existe le stade du miroir, ou s’opère la récupération d’une image complète. Du côté des symptômes, voire des sinthomes, il y a un certain nombre de difficultés qui vont se poser. Philippe Julien dit qu’il n’y a pas chez Lacan un imaginaire reposant sur une spécularité ou sur le narcissisme, il y a un imaginaire non spéculaire et ce dernier correspond pour Lacan, contrairement à Freud, va être de redécouvrir les mouvements de cette objet a. Une analyse en tant que telle consisterait dans un premier temps à déposer la série des objets a dans l’autre et toute la psychanalyse elle- même va être une tentative de repérer ses objets a et par la suite de réussir à les perdre, à accepter subjectivement la question du bord, du trou, la question du milieu, du centre de ces trois dimensions. Le rapport au symptôme de Freud et celui de Lacan n’est pas le même. Freud a laissé tous ses élèves se débrouiller avec l’histoire de la fin d’analyse et ce n’est qu’en 1938-1939 qu’il a donné sa théorie à lui. On parle du roc de la castration où, quelle que soit l’analyse, on arrive à un point de butée : pour l’homme de se faire sodomiser par le père, pour la femme le désir d’enfant. Autant Freud montre ces points de butée autant Lacan dira que c’est de supporter la perte des objets a… supporter qu’on part de rien. Comment la personne qui fait une analyse va-t-elle supporter ce manque ?
Nous sommes dans deux hypothèses qui méritent d’être retenues pour le congrès. Il faut différencier les bases de Lacan qui sont avant tout l’histoire du stade du miroir.
Je voudrais terminer sur la question des symptômes qu’il y a dans le mythe individuel du névrosé. Le modèle du symptôme névrotique pour Lacan c’est avant tout le symptôme de la névrose obsessionnelle. Rappelez-vous l’horreur de la scène où un individu se fait enfoncer un rat dans l’anus. Il y a un certain rapport à l’objet et aux scénarios qui va se poser, où des tas d’objets devront fonctionner, dans l’histoire en particulier de l’Homme aux rats, du capitaine A, du capitaine B, la femme riche, la femme pauvre où on mettra en place des métonymies. Chez l’obsessionnel on ne va jamais au point essentiel, il est « planqué » par rapport au désir. On en revient à l’histoire de Goethe, ce garçon avait embrassé la sœur de sa promise, cette dernière a fini par lui lancer une malédiction. Seule Frédérique Brion lui permettra de lever cet interdit et ce côté oraculaire, mais pour que cela fonctionne il sera obligé de se déguiser.