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Das Kind ou Du jugement d'attribution et d'existence

par Marc Lévy, Été 2021

Premier long métrage de Wim Wenders, l’angoisse du gardien de but au moment du pénalty.
Revoir ce film après quelques décennies avec un regard différent.
Comme il en sera dans ses créations ultérieures, le climat est particulier, ample vaste, descriptif, proche du nouveau roman ? Un des thèmes abordés qui le sera toujours sur un mode répétitif : la présence de l’enfant.
Nous sommes pris dans un road movie à l’autrichienne ; le co-scénariste Peter Handke y est-il pour quelque chose ? Dérive d’un homme gardien de but international qui de Vienne se retrouvera aux confins d’un pays sur une frontière fermée à tout échange, présence oppressante. Là se sont installés une aubergiste, ancienne maîtresse de notre homme, et son enfant.
L’enfant est là, joue, cherche le sommeil le soir venu, pleure, n’émet aucune demande.
Sa mère s’en occupe, prend même soin de lui, de l’enfant, Das Kind.
Le film est en allemand sous-titré. Mais comment savoir si l’enfant est un garçon ou est une fille, il est nommé « Das Kind » ou « es », terme dont le neutre me brûle les tympans.
À ce moment s’entend que le neutre s’énonce au masculin en français : l’enfant. Et vient la question : la manière de nommer l’autre aura des conséquences, oui et pourquoi pas sur le genre dont ce futur adulte se revendiquera, que ce soit sur le mode du doute, de la conviction, voire de la certitude ?

Cette question me permettra de questionner nouvellement l’œuvre de Wim Wenders. La thématique de l’enfant traverse son œuvre : das Kind, et il est évident qu’une douce neutralité descriptive signe ses plans, et caractérise nombre de ses personnages.
Cette question fait suite à une rencontre avec un citoyen britannique, ce dernier me fit une leçon introductive sur la « transgenrie ». En effet il y a des personnes de genre masculin qui se « genrent » en féminin et vice-versa ; mais il y aussi des individus qui se reconnaissent sous l’absence de genre, le neutre. Alors comment garder le… disons silence sur leur genre de naissance, comment les nommer ? le « it » est un peu malvenu pour les désigner, et comme Shakespeare se l’est permis, certes en anglais élisabéthain, le They est de mise. Vous rencontrez cet ami et vous lui demandez : how are They ? Ce qui est déjà étrange, mais la réponse correcte sera : They are doing fine, ou plus classiquement : They are doing well…

Il était de coutume de dire que le progrès venait de l’ouest !
Mais ne nous arrêtons pas en chemin. Reprenons la route après cette halte.
Freud dans son texte de 1925, Die Verneinung revient sur deux types de jugements, le jugement d’attribution et le jugement d’existence.
Chez les scénaristes, la mère en nommant son enfant das Kind, effectue simplement spontanément un jugement d’attribution vis-à-vis de son enfant lui signifiant une place dans son discours, place que l’enfant ne pourra que reconnaître comme celle du bien, la bonne place.

L’œuvre de Wim Wenders et de son co-scénariste Peter Handke est-elle une réalisation une présentation de ce réel ? Les questions amorcées par ce film ne s’arrêtent certainement pas ici car la problématique de la limite amorce de nouvelles questions, … en core.

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